Par Daniel BAHUAUD

Que s’est-il passé, un soir, il y a 22 ans, à la Légion de Millbrook? Le dévoilement de la cloche de Batoche, ainsi que de l’identité de son détenteur – Billyjo DeLaRonde, permettent enfin de révéler de nouveaux détails.

Cloche de Batoche - La Liberté
Réunis après 22 ans, Yvon Dumont, Ron Mazur, Billyjo DeLaRonde et Tony Belcourt jubilent avec la cloche de Batoche, le 20 juillet dernier.

Lorsque Billyjo DeLaRonde s’est emparé, en 1991, de la cloche de Batoche, qui était exposée comme trophée de guerre à la Légion de Millbrook, en Ontario, le résidant de Dauphin n’était pas seul.

« Nous étions cinq dans notre groupe à visiter la Légion, déclare le Métis. Il y avait Tony Belcourt, Yvon Dumont, Ron Mazur, Ron Rivard et moi-même. »

En effet, le groupe était composé de célébrités de la communauté métisse. Tony Belcourt était le président du tout nouveau Conseil autochtone du Canada, fondé en 1971. Le futur lieutenant-gouverneur du Manitoba, Yvon Dumont, était alors président du Ralliement national des Métis (RNM) et de la Fédération des Métis du Manitoba (MMF). Ron Rivard était son assistant à la MMF et Ron Mazur, le seul blanc de la partie, était un conseiller spécial pour la MMF.

« Une des doyennes de la Nation métisse de l’Ontario, Marion Larkman, était membre de la Légion, raconte le résidant de Lac Sainte-Anne, en Alberta, Tony Belcourt. Nous lui avons demandé si nous pouvions nous rendre avec elle à Millbrook, pour voir la cloche, et elle nous y a conduits. Arrivés à Millbrook, la cloche était en montre, dans un présentoir vitré situé à l’étage inférieur de l’édifice. On pouvait facilement la voir de la rue. Les légionnaires étaient évidemment fiers de l’avoir en leur possession. »

C’est alors que le groupe s’est rendu au deuxième étage pour prendre quelques verres avec les trois légionnaires qui y étaient.

« Nous étions sur les lieux à titre d’éclaireurs, raconte Yvon Dumont. Nous voulions des renseignements sur la possibilité de reprendre la cloche. En jasant avec les légionnaires, nous étions plutôt évasifs. Ils savaient que nous étions des Métis de l’Ouest, mais c’était tout. Lorsqu’ils ont mentionné la cloche, j’ai réagi en leur demandant, «Quelle cloche?»

« Plus on buvait ensemble, plus les renseignements sortaient, poursuit-il. Ils nous ont dit que le présentoir de la cloche était relié à un système d’alarme, et qu’en cas de bris de la vitre, la police pourrait être sur les lieux en l’espace de trois minutes. Or, nous ne trouvions aucun signe de fils électriques. On a compris que ce serait plutôt aisé de partir avec la cloche. »

Selon Billyjo DeLaRonde – le seul à déclarer publiquement qu’il s’est emparé de la cloche – chaque membre du groupe a contribué aux conditions qui ont permis le rapatriement de la cloche, qui aurait eu lieu peu de temps après.

« En explorant les lieux, nous avions tous nos tâches bien désignées, détaille-t-il. Nous étions comme une équipe de l’ancienne émission de télévision Mission : Impossible. Ou plutôt, Métis Mission : Impossible. Certains examinaient attentivement les lieux, d’autres s’affairaient à distraire les légionnaires, afin qu’ils ne remarquent pas l’intérêt des autres.

« C’est par un soir brumeux que la cloche a été reprise, poursuit-il. Je ne me sens pas du tout coupable. Cette cloche nous appartenait. Les vainqueurs à Batoche nous l’avaient volée, en guise de dernier geste pour nous humilier. Alors je brûlais d’envie de libérer la cloche de sa prison vitrée.

« Depuis ce soir-là, et depuis l’annonce que la cloche allait sonner de nouveau à Batoche, on m’a étiqueté de voleur ou de héros, conclut-il. C’est à vous de décider. Chose certaine, j’ai mis ma liberté et peut-être ma vie à risque pour conduire la cloche chez elle. Mais face à la même situation – de la prendre ou de la laisser à Millbrook – mon choix serait le même. Nos aînés et nos jeunes Métis méritaient de reprendre ce symbole de leur fierté et de leur unité. »

 

 

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Photos : Daniel BAHUAUD

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