C’est un rebondissement dans le dossier du carré civique de Saint-Boniface. En effet, depuis plus de deux ans, la Ville était en négociation avec Manitoba Possible pour l’achat de l’ancien hôtel de ville et de l’ancienne caserne de pompiers de Saint-Boniface. Mais l’organisme, qui vient en aide aux personnes en situation de handicap, a décidé de se retirer du projet. Dana Erickson, directeur général de Manitoba Possible, explique leurs raisons. « C’était une décision financière. À l’époque, nous avions déposé un projet où les coûts estimés étaient d’environ 40 millions $. Mais avec la pandémie et ses répercussions comme l’inflation des coûts de constructions ou encore la hausse des taux d’intérêt, le projet n’était plus viable financièrement. »

Pour rappel, la Ville de Winnipeg avait accepté de vendre les deux bâtiments à l’organisme pour 10 000 $ (1).

Dana Erickson
Dana Erickson est directeur général de Manitoba Possible. (photo : Marta Guerrero)

La Société de la francophonie manitobaine (SFM) avait été mandatée à leur AGA de 2019 pour jouer un rôle de leadership dans le dossier pour favoriser le maintien de l’édifice au service de la collectivité de la francophonie manitobaine. Depuis la SFM et Manitoba Possible avaient conclu une entente en avril 2021 qui stipulait « que la SFM va acheter l’hôtel de ville de Saint-Boniface une fois que Manitoba Possible aura officiellement pris possession du bâtiment de la Ville de Winnipeg. »

Angela Cassie, présidente de la SFM, salue les bonnes relations maintenues durant cette période. « Nous comprenons leur décision. On a travaillé de très près avec Manitoba Possible dans les dernières années. C’était un partenaire qui a compris l’importance du patrimoine francophone dans cet espace. »

Une évolution majeure

Sans contrat de vente, les deux bâtiments restent la propriété de la Ville de Winnipeg. Angela Cassie espère que les relations avec la Ville seront au beau fixe. « On espère vraiment que la Ville va nous permettre de trouver un partenaire pour assurer la préservation des sites. Notre emphase est sur la protection des bâtiments et sur l’accessibilité à la communauté.

« D’ailleurs, pour nous, le prochain partenaire devra être sensible à ces deux enjeux. Il faut aussi que le partenaire embrasse les objectifs communautaires comme l’environnement alors il faudrait s’assurer que la construction soit responsable. »

Angela Cassie
Angela Cassie est la présidente de la SFM. (photo : Gracieuseté)

Depuis l’approbation de la vente à Manitoba Possible en février 2021, il y a eu des évolutions dont l’entrée de nouveaux acteurs comme les Ami.e.s du carré civique de Saint-Boniface (ACCSB). Son président, Robert Loiselle commente la situation. « Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup de choses qui ont changé dans les deux dernières années, dont les coûts de construction.

« C’est une évolution majeure dans le dossier du carré civique de Saint-Boniface. Dans les deux dernières années, des choses ont avancé dans le bon sens. Les bureaux du Festival du Voyageur et l’ancien poste de police ont reçu une désignation historique. Les Ami.e.s du carré civique de Saint-Boniface a reçu son numéro de charité, il a son propre site web.

« On espère vraiment que la Ville va nous permettre de trouver un partenaire pour assurer la préservation des sites. Notre emphase est sur la protection des bâtiments et sur l’accessibilité à la communauté. »

Angela Cassie

Une autre option

« Il y a eu une bonne mobilisation de la communauté pour que le jour où il y a un développement comme celui-ci, on soit capable de dire que le carré civique est un enjeu communautaire. On a aussi la capacité de montrer qu’il est bien enraciné dans sa communauté. »

Une élection municipale a aussi eu lieu à l’automne 2022 et un nouveau maire a été élu, Scott Gillingham. Une bonne nouvelle comme le pense Angela Cassie. « La SFM a contacté le maire Gillingham, il s’est montré intéressé et compréhensif sur la question de la francophonie. Nous devons continuer de sensibiliser la Ville de Winnipeg. Il faut continuer de rencontrer les conseillers municipaux pour s’assurer d’avoir leur attention. »

Même son de cloche du côté du président des ACCSB. « Matt Allard est sur le Comité d’orientation permanent de la propriété et du développement. Alors il est plus en position pour nous aider dans ce qu’on propose.

« On espère ne pas retourner à un appel d’offres. On veut montrer à la Ville de Winnipeg qu’on est prêt pour faire avancer le dossier. »

« Maintenant, il est temps qu’on se rencontre tous pour avoir une discussion sur la vision de ce qu’on souhaite pour les deux bâtiments. Ensuite, nous pourrions rencontrer la Ville de Winnipeg pour leur présenter notre projet. La Ville verra que la francophonie manitobaine s’est organisée et a quelque chose à proposer. »

Robert Loiselle

Repartir de zéro

Pourtant, Matt Allard, conseiller municipal, confirme que « normalement on devrait repartir de zéro. Mais il y a des discussions dans les coulisses pour voir s’il existe une autre option sans avoir besoin de recommencer à zéro. Évidemment, pour une deuxième option, il faut une intervention politique auprès du conseil municipal.

« J’aimerais voir un meilleur processus pour que la Ville de Winnipeg et la francophonie manitobaine arrivent à un consensus pour un projet viable.

« De mon côté, je vais voir auprès des conseillers municipaux pour trouver une solution politique sans passer par les mêmes processus que la dernière fois. Mais je n’ai aucune indication de l’administration publique pour savoir s’ils vont aller avec un appel d’offres ou quoique ce soit. »

Matt Allard met de l’avant l’intérêt de la Ville à trouver un nouveau partenaire. « Si quelqu’un est prêt à prendre en charge les coûts de maintenance différés des édifices, c’est forcément un bon argument politique pour le Conseil municipal.

« Rappelons que l’administration parle de millions $ de charges différées pour préserver les éléments historiques des édifices. »

Matt Allard
Matt Allard est conseiller municipal pour Saint-Boniface. (photo : Marta Guerrero)

Une nouvelle relation

Parmi les instigateurs des discussions qui ont lieu en coulisse, la SFM est présente comme le précise sa présidente. « Nous allons organiser une rencontre avec la communauté et les différentes parties prenantes du dossier pour discuter d’une vision pour le carré civique de Saint-Boniface. Pour l’instant, aucune date n’est fixée. »

Pour Robert Loiselle, c’est une excellente initiative. « Maintenant, il est temps qu’on se rencontre tous pour avoir une discussion sur la vision de ce qu’on souhaite pour les deux bâtiments. Ensuite, nous pourrions rencontrer la Ville de Winnipeg pour leur présenter notre projet. La Ville verra que la francophonie manitobaine s’est organisée et a quelque chose à proposer. »

Robert Loiselle
Robert Loiselle est le président des ACCSB. (photo : Marta Guerrero)

D’ailleurs Manitoba Possible ne sera pas loin puisque malgré l’arrêt du projet de développement du 219 boulevard Provencher et du 212 rue Dumoulin, une relation s’est développée entre l’organisme et la francophonie manitobaine comme le souligne le directeur général de l’organisme.

Collaboration

« Je sais qu’il y a d’autres parties intéressées pour développer ce site. Manitoba Possible serait ravie d’être un participant dans n’importe quel développement proposé. Dans tous les cas, nous serions ravis d’appuyer la francophonie manitobaine pour devenir une société plus accessible et plus inclusive.

« Nous sommes heureux d’avoir développé une relation de travail avec la SFM dans les dernières années. Je souhaite aux francophones, aux résidents de Saint-Boniface le meilleur dans leur projet pour le carré civique de Saint-Boniface. »

Robert Loiselle reconnaît que Manitoba Possible répond à un besoin présent dans la société. « L’organisme offre des services qui devraient être disponibles dans l’est de la ville. Avec eux, on a parlé de services bilingues. On va peut-être trouver des moyens de travailler ensemble sur d’autres projets.

« Dans notre belle diversité et notre ville multiculturelle, pour mieux travailler ensemble, il faut apprendre à se connaître. On a développé une relation avec Manitoba Possible, on a appris à se connaître et on s’engage à travailler ensemble. »

(1) Le développement de la situation peut être lu dans notre édition spéciale sur le carré civique de Saint-Boniface du 24 février au 2 mars 2021.