Construire une société postapocalyptique, ou encore simuler une élection de fruits, comptent parmi les exemples de projets où ils développent une réflexion citoyenne tout en s’amusant.

Responsables d’une classe de 6e année Anne-Lise Chatelain-Perrault et Allie Skwarchuk, ont développé une belle collaboration sur le plan pédagogique.

Enseignante dans cette école d’immersion depuis 12 ans, Anne-Lise Chatelain-Perrault a fait la rencontre d’Allie Skwarchuk en 2024 lorsque cette dernière effectuait son stage avant d’obtenir son diplôme à l’Université de Winnipeg.

Bâtir une société postapocalyptique

Dans le cadre du programme des sciences humaines, les deux collègues ont décidé de monter un projet au nom intriguant : Apocalypse Zombie. « C’est une simulation immersive où les élèves doivent bâtir une société après une catastrophe mondiale. L’objectif est d’explorer les concepts de gouvernance, de loi, de responsabilité citoyenne d’une manière engageante interactive tout en développant la communication orale et écrite d’une manière ludique », développe Anne-Lise Chatelain-Perrault.

Ainsi, les deux enseignantes ont combiné leur classe où de petits groupes d’élèves ont choisi un type de gouvernement sur lequel ils doivent se baser pour construire leur société postapocalyptique. Chacun d’entre eux s’attribue un rôle, puis ensemble ils décident des lois. Une fois la société établie, les enfants doivent affronter différents défis et situations qu’ils présentent sous la forme d’un scénario au reste de la classe, comme une sorte de saynète.

Parmi les exemples de scénarios, Anne-Lise Chatelain-Perrault cite les propositions suivantes : « Un groupe de survivants étrangers demande refuge, que faites-vous? Ou bien un membre de société vole de la nourriture, quelle sera votre réponse judiciaire? »

Une activité qui correspond en même temps au curriculum de la 6e année où les élèves étudient le gouvernement et le processus électoral. Une façon plus ludique d’aborder le programme scolaire donc.

Le projet offre la possibilité aux élèves d’en apprendre plus sur les différents régimes politiques dans le monde, de la démocratie à la dictature. Cette présentation a mené à des discussions sur les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux.

« Ça permet aux élèves d’utiliser le français à l’oral et à l’écrit d’une manière authentique plutôt que de simplement faire des exercices de grammaire ou de conjugaison. Là, ils ont l’occasion de parler de façon plus spontanée et d’apprendre les uns des autres. »

De gauche à droite, voici les élèves : Lucan Butler, Alex Dooley, Anya Gyes, Emily Harding, Charles Hannah, Seraphine Vorreiter et Samantha Grenkow.
De gauche à droite, voici les élèves : Lucan Butler, Alex Dooley, Anya Gyes, Emily Harding, Charles Hannah, Seraphine Vorreiter et Samantha Grenkow. (photo : gracieuseté)

Des élèves plein de ressources

Côté évaluation, les deux enseignantes ont privilégié la participation et les efforts de toutes et tous pour communiquer en français. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la création de sociétés postapocalyptiques a inspiré les élèves. « Tout le monde était très engagé dans ce projet », se réjouit Anne-Lise Chatelain-Perrault.

Cette motivation s’est exprimée par des propositions originales. Certains ont par exemple réfléchi à une façon de s’assurer du bon approvisionnement de médicaments en créant une pharmacie et en nommant quelqu’un à la défense. « Ils ont pensé à tout un tas de stratégies. Bien sûr, il y avait aussi des zombies!  Donc ils se sont beaucoup amusés », s’enthousiasme la pédagogue.

Les origines de ce projet atypique remontent à l’année dernière, lorsqu’Allie Skwarchuk réalisait son stage dans la classe d’Anne-Lise. « J’avais moi-même fait un apocalypse zombie lorsque j’étais au secondaire, informe la jeune institutrice. La discussion est venue de là. Ensuite nous avons beaucoup travaillé pour réaliser ce projet. »

Concernant le bilan de cette expérience, les deux enseignantes notent que les élèves retiennent mieux les informations lorsqu’ils sont émotionnellement investis dans leur apprentissage. De plus, c’est une façon de leur montrer que le français est un outil puissant de communication qu’ils peuvent utiliser dans un contexte concret.

« Les tomates devraient-elles avoir le droit de vote? »

Les deux femmes ont aussi mis en place un atelier qui répond au nom exotique de Fruitopia. Encore une fois ce projet s’inscrit dans le cadre du programme des sciences humaines. « Fruitopia, c’est un pays que j’ai inventé, explique Allie Skwarchuk. Le but est de simuler une élection, et on demande aux élèves de créer des partis politiques basés sur des fruits. Ils ont donc rédigé des slogans et des campagnes en français. »

Une façon originale pour les enfants de débattre en français sur des thématiques politiques, bien que fictives. Ainsi, ils ont été invités à argumenter sur des sujets pour le moins insolites : que faire pour mettre fin à la guerre contre les mouches de fruits ou bien, les tomates devraient-elles avoir le droit de vote?

Une activité qui permet d’aborder le processus électoral d’une manière plus détendue et ludique en classe.

« Ces sujets sont drôles mais ils sont basés sur les enjeux politiques actuels, argumente Allie Skwarchuk. On fait des projets comme ceux-là aussi pour former des citoyens. Je pense que les jeunes doivent recevoir ces outils pour réfléchir d’une manière critique au sujet de nos systèmes sociétaux. »

Et pour éveiller leurs élèves aux questions de citoyenneté, nos deux institutrices ne se sont pas arrêtées là, puisqu’elles leur ont proposé d’étudier le droit de vote en simulant une assemblée publique ancrée au début du 20e siècle.

Les élèves ont dû incarner un personnage historique tel qu’un premier ministre ou une sœur grise pour ensuite débattre autour de questions comme : est-ce que les femmes, les Autochtones ou un autre groupe minoritaire devraient avoir le droit de vote? Une activité qui a porté ses fruits puisque les enfants ont spontanément eu une réflexion sur leurs propres opinions.

Anne-Lise Chatelain-Perrault développe. « Après l’expérience, certains élèves m’ont dit s’être sentis mal à l’aise de devoir aller à l’encontre de leurs opinions en fonction du personnage qu’ils incarnaient.
Devoir défendre l’idée, par exemple, que les femmes doivent rester au foyer et élever les enfants, les a rendus très inconfortables. Tout ça a donc mené à un débat très intéressant avec la classe. »

Fortes de leur collaboration, les deux enseignantes sont heureuses de voir leurs élèves s’investir dans ces différents projets et prendre confiance en eux en parlant dans une langue qui n’est pas leur première langue. Et pour faire vivre le français, Anne-Lise Chatelain-Perrault et Allie Skwarchuk ne se limitent pas à la salle de classe. Elles concluent ainsi :

« Toutes les deux, nous faisons l’effort de nous parler en français dans les couloirs pour que les élèves comprennent que cette langue est accessible à tous. C’est une compétence qui peut leur servir dans leur vie future. »