Grâce à une initiative d’une de leurs camarades, ils ont pu découvrir autrement la culture franco-manitobaine.

C’est en réalisant que les étudiants internationaux de l’USB avaient rarement l’occasion de se rendre en dehors de Winnipeg, ou même de Saint-Boniface, qu’une idée a germé dans la tête de Katherine Arnaud.

Présentement étudiante en baccalauréat d’arts de l’USB, elle a pensé et organisé une journée pour ses camarades habitant dans sa résidence.

« J’habite la résidence étudiante Père-Théophile-Lavoie-O.M.I. depuis deux ans. Et j’y ai fait beaucoup de rencontres avec de nouveaux arrivants. J’ai souvent entendu des histoires d’étudiants qui ne peuvent pas se déplacer, soit parce qu’ils n’ont pas de permis ou de voiture. Parfois on me disait même «  Oh! Tu es chanceuse, j’aimerais tellement venir à la campagne ».

C’est de là que m’est venue l’idée de cette journée, pour leur faire découvrir notre monde au rural. »

Katherine Arnaud s’y est prise quelques mois à l’avance pour planifier cette journée et faire en sorte qu’elle soit la plus parfaite possible. Et c’est un itinéraire 100 % au rural qui a mené une trentaine de jeunes tout droit dans la ferme familiale de la jeune femme, à La Broquerie, où elle est la 5e génération. Après un premier arrêt symbolique au centre du Canada, où les étudiants ont pu prendre la pose devant l’immense panneau, se familiariser avec le paysage des prairies en observant les champs à perte de vue, un deuxième arrêt s’est fait devant l’église de Sainte-Anne.

Katherine Arnaud et ses amies qui l’ont aidé à animer les activités.
Katherine Arnaud et ses amies qui l’ont aidé à animer les activités. (photo : Lucille Dourlens)

« Ça m’a permis aussi de leur expliquer l’importance du catholicisme dans nos villages, surtout dans le temps. Et les églises étaient souvent les premières constructions d’un village. Les familles francophones allaient à la messe chaque dimanche. »

Une fois arrivés à la ferme, les étudiants ont pu se restaurer avec des pizzas, préparées par l’hôtel de La Broquerie, et faire connaissance avec les grands-parents de Katherine Arnaud. Au-delà d’une simple visite à la campagne, l’objectif de la journée était de plonger ces étudiants au cœur de la culture francophone et métisse qui anime une municipalité rurale comme celle de La Broquerie.

Pour ce faire, l’après-midi comptait trois activités : un « conte et raconte » au coin du feu, un atelier préparation et dégustation de bannock, un pain traditionnel métisse, puis la création de porte-clés identitaires.

Les étudiants ont d’ailleurs été répartis dans trois groupes distincts pour pouvoir effectuer une tournante.

La seule activité en plein air fut celle de la réalisation du bannock. Ce pain plat est confectionné uniquement à partir de farine blanche et d’eau. Tous ont pu mettre du cœur à l’ouvrage en travaillant la pâte à pain à la main et superviser la cuisson sur une grille de barbecue. Malgré le vent frais, l’atelier s’est déroulé au rythme d’un chant traditionnel, dans la joie et la bonne humeur.

« J’ai beaucoup aimé faire du bannock, confie Céline Dainhi, étudiante originaire de la Côte d’Ivoire et arrivée en 2021. Je suis très fière de moi et c’était très bon. »

Aussitôt la cuisson terminée, les petits pains chauds ont été dégustés avec un peu de beurre et de confiture.

Des échanges forts autour de la francophonie

En parallèle, l’activité « conte et raconte » a sans nul doute permis aux participants de se rendre compte de l’importance de la francophonie autour d’une discussion au coin du feu dans la grange chauffée au poêle à bois. Katherine Arnaud, accompagnée de son père et de son grand-père est revenue sur l’histoire de la ferme et de ses origines.

« Je voulais qu’ils réalisent que ce n’est pas juste à Saint-Boniface que l’on parle le français et, surtout, leur faire comprendre qu’en tant que francophones, nous nous sommes battus pour notre langue. À l’école mon grand-père devait cacher ses livres. »

Un moment familial fort qui a particulièrement touché Abdoulaye Samoura, agent au bureau de logement et étudiant en gestion de tourisme. « Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir découvrir leur histoire très riche. C’est émouvant de découvrir la culture et les origines autochtones de Katherine et ça me permet d’avoir un autre regard sur la francophonie. Je suis admiratif de cette génération qui s’est battue pour la langue française. »

Bénévole pour participer à l’organisation de la journée, il a tout de suite été séduit par ce projet. « C’est l’occasion pour les étudiants de la résidence et moi-même de changer d’air et de vivre une belle expérience culturelle tous ensemble. C’est une journée mémorable. »

Katherine Arnaud a aussi pu présenter à ses invités d’un jour l’histoire de la ferme laitière qui l’a vu grandir. Construite au 19e siècle, celle-ci a maintenant cessé son activité depuis 1999.

« Le monde ne le réalise pas forcément, mais le lait et la nourriture que l’on trouve dans les magasins viennent de nos fermes. Mon grand-père a acheté la ferme à ses 18 ans, en a pris soin et a élevé ses quatre enfants sur ce terrain. Quand on rentre aujourd’hui dans l’étable, on sent que des personnes avant moi y ont mis de leur temps et de leur amour. Il y avait aussi beaucoup de visites dans cette maison. C’est un endroit accueillant. »

Voir à quoi ressemble « un village du Manitoba »

Pour Mahamadou Ténintao, étudiant en administration des affaires, cette journée fut une grande première en dehors de Winnipeg. L’occasion de découvrir le paysage des prairies. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a été surpris. « J’étais très curieux de voir à quoi pouvait ressembler un village au Manitoba. Je m’attendais à beaucoup de petites maisons. Finalement, c’est très différent de la ville. Il y a énormément d’espace. Ici on respire. J’ai aussi l’impression que les gens aiment vivre ici. »

Également bénévole aux côtés de Céline Dainhi et Abdoulaye Samoura, Mahamadou Ténintao s’est dit ravi de voir que les étudiants aient été aussi nombreux à s’inscrire. « En cette fin de session, c’était une belle opportunité pour oublier tout notre stress lié aux examens (1) et s’amuser. De voir les sourires de tous mes camarades m’a beaucoup marqué. Personnellement, cette journée m’a donné l’envie d’en apprendre plus sur la culture franco-manitobaine. »

Au bilan, cette journée fut riche en rencontres et en émotions pour ces étudiants. Dans le bus du retour vers Winnipeg, on n’entend plus une mouche voler. Nul doute que toutes et tous ramènent avec eux de précieux souvenirs, avec l’envie de revenir le plus vite possible.

(1) Cette journée s’est déroulée lors de la fin de semaine précédant le début des examens universitaires.