Avec certains informations de Hugo BEAUCAMP et Jonathan SEMAH.
Avec 169 sièges, le Parti libéral du Canada n’est pas passé loin de la majorité parlementaire, manquée de seulement trois sièges. Dans tout le pays, c’est une bataille libérale-conservatrice, qui s’est avérée serrée. Si les libéraux ont dominé le scrutin à 43,7 %, les conservateurs ont malgré tout maintenu la pression en récoltant, de leur côté, 41,3% des voix.
Manitoba : les surprises libérales-conservatrices
Avec une participation électorale de 67,25 %, au Manitoba aussi les deux camps principaux se sont livrés une bataille électorale très intense. En remportant sept sièges à Ottawa, ce sont les Conservateurs qui ont dominé le scrutin, alors que les Libéraux en ont remporté six, et le Nouveau Parti démocratique seulement un.
Dans ce jeu des chaises musicales, trois circonscriptions sur quatorze au Manitoba ont changé de couleur.
Ici, ce sont les libéraux qui ont récupéré le plus de places, en en remportant deux, contre une de gagnée chez les Conservateurs.
D’abord, c’est le libéral Doug Eyolfson qui a pris la place du député conserva- teur sortant Marty Morantz à Winnipeg-Ouest. Pour Christopher Adams, professeur associé en études politiques à l’Université du Manitoba, c’est une victoire plutôt surprenante.
« Marty Morantz était assez populaire et relativement connu. Mais cette fois, il s’est retrouvé face à un candidat qui avait déjà été élu par le passé, et c’est un bon argument ».
Chez les libéraux, la seconde place récupérée est celle de la plus grande circonscription de la Province, à savoir Churchill-Keewatinook Aski. C’est la libérale Rebecca Chartrand qui a pris le siège de la députée néo-démocrate de longue date Niki Ashton. Une remontée libérale qui ne s’était pas produite depuis 2008 dans cette circonscription.
Pour Christopher Adams, ce changement n’est pas étonnant. « Niki Ashton a dû faire face à de nombreux obstacles ces dernières années, et son image a été ternie depuis, donc sa défaite n’est pas vraiment une surprise », observe-t-il.
Côté conservateur, c’est Colin Reynolds qui a pris le siège d’Elmwood-Transcona à la néo-démocrate sortante Leila Dance.
Pour le spécialiste, ce mouvement politique s’explique en deux temps. D’une part, les Conservateurs de cette circonscription se sont montrés très compétitifs ces dernières années, et d’autre part, les réalités socio-économiques de ces communes ont changé.
« Cela fait quelques années qu’Elmwood-Transcona est devenue une circonscription périphérique, accueillant des familles de classe moyenne, donc les valeurs conservatrices ont pris de l’ampleur ».
AMBM : veiller aux défis économiques et démographiques
Au-delà des changements de couleur de certaines circonscriptions, l’arrivée de nouveaux élus à Ottawa suscite déjà des attentes du côté des collectivités franco-manitobaines. Dans cette optique, l’Association des municipalités bilingues du Manitoba (AMBM) entend renforcer les liens avec les nouveaux décideurs.
Pour Justin Johnson, chef de la direction du groupe AMBM, il est primordial de continuer à faire rayonner la francophonie et faire connaître les enjeux économiques des municipalités manitobaines à Ottawa.
« Nous sommes prêts à travailler en équipe avec eux pour activer le plein potentiel économique et social des deux langues officielles et des collectivités bilingues, qui sont pour nous un pilier fondamental pour la prospérité du Canada ».
Pour lui, il s’agit également d’évoquer à Ottawa les défis liés aux changements démographiques. « Nos municipalités connaissent une croissance démographique sans précédent, en incluant la ville de Winnipeg c’est une augmentation d’environ 8 % au Manitoba, et cela amène son lot de défis, mais aussi de grandes occasions pour renforcer l’attractivité dans nos collectivités. »
Au-delà de se dire prêt pour établir un plan d’action avec les nouveaux députés, le directeur général de l’AMBM se dit d’abord attentif au sujet des projets d’infrastructures.
« Nous devons veiller à avoir les outils et les ressources nécessaires pour bâtir et faire en sorte que l’on devienne plus compétitif et concurrentiel ».
En attendant la mise en route des projets du cabinet fédéral, Justin Johnson et ses équipes se préparent à prendre la route pour Ottawa. « Nous aurons l’occasion de rencontrer les nouveaux représentants à la fin du mois de mai, au Congrès national de la fédération canadienne des municipalités. »
SFM : poursuivre l’engagement
Tout comme l’AMBM, la Société de la francophonie manitobaine (SFM) se dit prête à travailler avec les nouveaux représentants d’Ottawa. « Ce gouvernement libéral minoritaire est déjà un gouvernement que l’on connaît », souligne Jean-Michel Beaudry, directeur général de la SFM.
Pour lui, bien qu’il s’agisse dans les faits d’une nouvelle direction, une continuité dans le travail déjà entamé avec le gouvernement de Justin Trudeau est possible.
« Avec l’ancien gouvernement, nous avons pu adopter la modernisation de la loi sur les langues officielles donc nous espérons poursuivre ce travail avec l’ensemble des partis à la chambre des communes. »
Nouveau contexte ou non, la SFM tient à poursuivre fermement son engagement principal : que la francophonie gagne en considération. Mais alors que certains sujets habituels doivent toujours être discutés à l’assemblée, comme l’immigration ou le règlement pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles, d’autres préoccupations viennent s’ajouter aux enjeux de la francophonie.
« Dans le contexte actuel avec les États-Unis, pousser les perspectives des langues officielles, notamment en termes d’identité canadienne, est assez nouveau », souligne Derrek Bentley, président du Conseil d’administration de la SFM.
De ce fait, « la question de l’accès à des nouveaux marchés, aussi bien en Europe qu’en Afrique, érige la francophonie comme enjeu économique dans un contexte de guerre tarifaire », ajoute Jean-Michel Beaudry.
La francophonie comme force commerciale est également discutée dans les transits interprovinciaux. « Le commerce entre les provinces est vraiment mis en avant dans les discours, notamment par rapport à la réaction du Canada face aux États-Unis, donc on s’insère davantage dans les débats et la francophonie tend à retrouver sa première place », souligne le directeur général.
Derrek Bentley se réjouit que la francophonie puisse permettre d’ouvrir le Canada vers d’autres pays, mais il s’agit aussi d’un travail interne, nécessitant le déve- loppement de la francophonie au fédéral.
« Nous avons l’espoir que la lentille francophone se développe réellement dans tous les ministères ». Mais pour le moment, Jean-Michel Beaudry tient à rappeler l’attente de la nomination d’un nouveau Commissaire aux Langues officielles.
« Nous attendons cette nomination, qui, en principe, est déjà en retard. »
En attendant, la SFM attend de rencontrer très prochainement les nouveaux représentants élus.
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