La fondation canadienne de recherche sur le SIDA (FCRS) vient d’octroyer un financement de 40 000 $ à la docteure Julie Lajoie, professeure adjointe au département de microbiologie médicale et des maladies infectieuses de l’Université du Manitoba.

Les fonds permettront à la docteure de mener une étude dite pilote sur l’impact de la ménopause sur le système immunitaire des femmes qui vivent avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Les fonds perçus devraient couvrir une période d’environ deux ans et permettre à la chercheuse d’aller chercher des « données préliminaires » afin de pouvoir ensuite soumettre une demande de subvention plus importante, auprès des instituts de Santé Canada par exemple.

« Obtenir de gros fonds de recherche, ça nécessite que l’on ait des données au préalable. Alors justement ces petits projets d’un an ou deux, ça sert à accumuler les données nécessaires. »

Ce projet pilote, Julie Lajoie le mènera en collaboration avec le Sex Worker Outreach Program et une équipe de chercheurs basée à Nairobi au Kenya.

Si le titre même de la recherche paraît assez explicite quant à son objectif, elle permettra en réalité d’accomplir plusieurs choses.

Le constat est assez triste, mais il est ce qu’il est : « La santé des femmes a souvent été négligée dans la recherche médicale. » Pour plusieurs raisons, notamment le cycle menstruel, ou encore la possibilité de tomber enceinte. Et même si « depuis quelques années, on essaie de renverser la tendance », lorsqu’il s’agit de ménopause et de périménopause, Julie Lajoie fait valoir que l’on ne sait « presque rien de l’impact que cela peut avoir ».

« On connaît les bouffées de chaleur, le changement d’humeur et compagnie… mais vraiment l’impact que la ménopause a sur notre système, sur notre capacité à répondre à des infections, à combattre les infections, on ne le connaît pas vraiment. On sait que les hormones comme la progestérone et les œstrogènes sont très importantes pour réguler le système immunitaire des femmes. Tout d’un coup à la ménopause, ces hormones-là disparaissent, mais on ne connaît pas les conséquences de ça. »

La docteure note tout de même que l’on sait que les femmes ménopausées sont plus susceptibles aux inflammations, ce qui pourrait être lié à l’augmentation des risques cardiovasculaires, « mais on n’en sait pas beaucoup ».

En premier lieu, la recherche tentera donc de dégager une meilleure compréhension des impacts de la ménopause sur la santé des femmes.

Pour ce qui est d’expliquer pourquoi les données manquent quant aux femmes ménopausées qui vivent avec le VIH, et bien ce n’est pas tant dû à une négligence qu’au contexte.

En effet, dans les années 1980 et 1990 et « même au début des années 2000 », c’étaient principalement les hommes qui étaient touchés par les infections au VIH. En tout cas dans les pays occidentaux.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas eu de négligence. Comme le rappelle Julie Lajoie, en Afrique subsaharienne, qui est la région du monde la plus touchée par le VIH et le SIDA, c’est une majorité de femmes qui sont infectées, et elles n’ont pas fait l’objet d’étude pour autant.

« On a transformé le VIH en maladie chronique, elle n’est plus une maladie mortelle, rappelle Julie Lajoie. Alors on se retrouve aujourd’hui avec une cohorte d’hommes qui vieillissent désormais avec le VIH. On commence donc à comprendre ce que ça veut dire que de vieillir avec ce virus. On note plus de risque de cancer, plus de risque de démence aussi par exemple. »

Pour les femmes c’est moins évident pour la simple raison que jusqu’alors, les femmes qui vivent avec le VIH, en tout cas au Canada, étaient moins nombreuses. Même si aujourd’hui les choses semblent changer.

« Au Manitoba, la face du VIH est en train de changer. Il y a beaucoup plus de jeunes femmes qui deviennent infectées, le groupe le plus touché par le VIH au Manitoba, c’est les jeunes femmes. Donc on va les voir vieillir ces jeunes femmes-là. Alors il faut comprendre ce que cela signifie pour leur système immunitaire, quelles sont les comorbidités? Comment bien les traiter? »

Tout cela dans le but de faciliter la mise en place d’un système de santé capable de les traiter au mieux en adaptant la médication par exemple.

C’est là que l’intérêt de la collaboration avec Nairobi entre en jeu.

« On a la possibilité de travailler avec des femmes qui sont travailleuses du sexe au Kenya et qui vivent avec le VIH depuis 20 ou 30 ans, dans certains cas, qui ont vécu la périménopause et qui vivent avec la ménopause. »

Cette étude, en résumé, va chercher à brosser le portrait du système immunitaire de femmes ménopausées qui ont, et qui n’ont pas le V.I.H afin de les comparer dans l’objectif de mener une étude à plus long terme.
Pour, finalement, répondre à la question suivante : qu’est-ce que cela signifie que de vieillir avec le VIH lorsque l’on est une femme?

Tout en rectifiant le tir pour des années de négligence de la santé des femmes dans la recherche médicale.