Missionnaire au parcours discret, ancien proche du pape François, l’Américain Robert Francis Prevost hérite d’une Église en quête de renouveau. Entre justice sociale, gouvernance partagée et controverses sur sa gestion passée, son pontificat s’ouvre sous le signe de l’espérance… et de la vigilance.

Il aura fallu deux jours de délibérations pour que les 133 cardinaux du conclave s’accordent. L’Américain Robert Francis Prevost, désormais connu sous le nom de Léon XIV, est donc devenu le nouveau chef de file des catholiques le 8 mai dernier.

Âgé de 69 ans, celui qui avait été nommé cardinal en septembre 2023 par le pape François a accepté de siéger à la tête du Vatican en prononçant le célèbre Habemus Papam. Le lendemain de son élection, il a inauguré son pontificat lors d’une première messe à la chapelle Sixtine où il a notamment déploré le recul de la foi catholique.

Quant au choix du nom Léon, celui-ci fait référence au pape Léon XIII (1810-1903), un souverain pontife très engagé en matière de justice sociale. Robert Francis Prevost envoie ainsi le message d’une volonté de se préoccuper des travailleurs et des pauvres.

En effet, Léon XIII est associé à l’encyclique Rerum Novarum publiée à la fin du 19e siècle, qui marque le développement de la pensée sociale de l’Église au 20e et 21e siècle en mettant l’accent sur les « travailleurs et les travailleuses », explique Marie-Andrée Roy, professeure au département de sciences des religions de l’Université à Montréal (UQAM).

Vers un pape proche du peuple?

Un choix que l’archevêque de Saint-Boniface, Monseigneur LeGatt considère de bon augure et qui a tenu à rappeler la proximité de Léon XIV avec les populations locales dans son passé de missionnaire, notamment au Pérou, en Amérique du Sud.

« Il a passé une bonne partie de sa vie au Pérou dans un diocèse très pauvre. Les autochtones représentent une grande partie de la population péruvienne. J’ai entendu dire qu’il était proche des gens et attentif à leur situation », explique-t-il. Bien qu’il n’ait jamais rencontré l’ancien cardinal, Monseigneur LeGatt s’est réjoui de le voir concerné par la souffrance et l’injustice autour de lui qui semblent faire de ces préoccupations une priorité.

« Ça donne beaucoup d’espérance sur ce point », confie l’archevêque de Saint-Boniface.

Par ailleurs, Léon XIV est membre de l’ordre religieux de Saint-Augustin, un ordre mendiant fondé au 13e siècle. « Si l’on transpose cela à notre époque, cela signifie que la simplicité volontaire, ça le connaît, indique Marie-Andrée Roy. Cet ordre est présent un peu partout dans le monde. Alors il a déjà une vision internationale des choses. »

Lors de son discours depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre, il a évoqué le dernier synode convoqué par le pape François, qui s’est conclu en octobre 2024. « Ce synode (ndlr : c’est à dire une grande assemblée de consultation réunissant des représentants de l’Église pour réfléchir à son avenir) était axé sur le processus même de faire synode. Le pape François avait introduit des éléments nouveaux dans la manière de travailler comme en invitant des non-évêques et des femmes. »

Bien que les femmes représentaient le synode seulement à hauteur de 15 % des participants, la professeure de l’UQAM soutient qu’il s’agit de quelque chose de positif au sein de l’Église. En exprimant le souhait d’aller «  dans le sens du synode », Léon XIV démontre ainsi sa volonté de tendre vers une Église davantage « participative et à l’écoute de l’ensemble de ses membres ».

Une posture peu surprenante puisque Léon XIV était un proche collaborateur du pape François. En effet, il occupait le poste de préfet de la Congrégation des évêques. Un poste d’une importance capitale puisqu’il consiste à recommander au pape les potentiels futurs évêques. « Il rencontrait le pape tous les samedis matin pour en parler », explique Marie-Andrée Roy.

De plus, la professeure au département de sciences des religions de l’UQAM ajoute qu’elle a pu apercevoir à plusieurs reprises Léon XIV à Rome lors du synode. Elle le décrit comme quelqu’un de sobre et de discret tant dans son apparence que dans son comportement.

Enjeux et controverses

Il faut également mentionner que l’ancien cardinal Prevost a fait l’objet de critiques concernant sa gestion des abus sexuels au sein de l’Église. En mars 2025, le Survivors Network of those Abused by Priest (SNAP) l’a accusé d’avoir omis et interféré dans une enquête contre plusieurs prêtres du diocèse de Chiclayo dans une lettre envoyée au cardinal Pietro Parolin.

De son côté, le Vatican a fermement nié ces accusations. « Je ne sais quel est le fin fond de l’histoire, convient Marie-Andrée Roy. Nous n’avons pas d’indices qui prouveraient qu’il a essayé de ralentir les processus en œuvre dans l’Église pour dénoncer les abus sexuels qui y sont perpétrés. »

En dehors de ces accusations, l’universitaire souligne aussi son engagement en faveur des plus démunis et ses prises de position politiques. « Il apparaît jusqu’à date comme un homme qui soutient les personnes appauvries, et qui a déjà critiqué le gouvernement de Donald Trump. »

Il est vrai que Robert Francis Prevost a dénoncé la politique de Donald Trump et de son vice-président sur leur politique anti-immigration à plusieurs reprises.

Pour la professeure, le point d’attente majeur touche à la question des femmes et de la reconnaissance de l’égalité des sexes, qu’elle considère comme un échec dans le pontificat du pape François. D’après elle, Léon XIV va devoir s’expliquer sur la façon dont il entend faire une place aux femmes dans l’Église.

De son côté, Monseigneur LeGatt attend de pouvoir se forger un véritable avis sur le nouveau souverain pontife.

« J’attends de voir où est véritablement son cœur et comment il parle de sa foi personnelle et sa relation avec le Seigneur. »