Les résidents voient donc leur budget ménager grignoté de toutes parts. Une série de hausses qui révèle l’ampleur des défis budgétaires de la Ville — et l’impossibilité de retarder plus longtemps des choix difficiles.

À Winnipeg, la facture explose.

L’augmentation de 5,95 % de la taxe foncière, la plus forte que la ville ait connue depuis 1990, a pris les Winnipégois par surprise cette année.

Cependant, ajoutant au stress financier auquel de nombreux résidents sont déjà confrontés en raison de l’augmentation du coût de la vie, la ville a également augmenté les frais liés aux déchets et au recyclage, à l’eau, aux égouts et aux transports en commun.

Examen des chiffres

Pour une maison unifamiliale moyenne, l’augmentation de 5,95 % de l’impôt foncier signifie qu’elle devra payer 121 $ de plus cette année.

La Ville a également créé une nouvelle taxe de gestion des déchets pour remplacer la précédente taxe de réacheminement des déchets. Auparavant, une partie des coûts de gestion des déchets était couverte par les taxes foncières, mais ces services vont maintenant être facturés sous un nouveau tarif de 63,50 $ par trimestre, ou 254 $ par an, un chiffre qui a été calculé au prorata à 190 $ parce qu’il a été mis en œuvre le 1er avril.

Cette redevance devrait augmenter d’environ 10 $ par an au cours des deux prochaines années. Pour les locataires, chaque logement doit payer 31,75 $ supplémentaires par mestre, soit 127 $ par an, au titre de ce nouveau coût de gestion des déchets.

D’autres services publics devraient coûter plus cher

Pour les factures d’eau et d’égouts, le montant facturé par mètre cube d’eau utilisé augmente aussi de 1,24 $ par trimestre, tandis que la redevance de base du compteur d’eau augmente de 2 sous par jour.

Selon la Ville de Winnipeg, cette augmentation devrait s’élever à 56 $ par trimestre, soit 224 $ par an, pour une famille moyenne de quatre personnes. Cette augmentation, explique la Ville, est destinée à commencer à financer d’importants travaux de modernisation de la station d’épuration du North End, qui a 90 ans et qui traite plus de 70 % des eaux usées de la ville. Une facture totale qui devrait s’élever à 3 milliards $.

Au total, pour un foyer unifamilial moyen, ces frais représentent une augmentation soudaine de 599 $, avec d’autres augmentations potentielles au cours des prochaines années.

En outre, d’autres services publics devraient coûter plus cher : la Régie des services publics vient d’approuver une augmentation du tarif du gaz, augmentant le coût annuel moyen pour les consommateurs de 73 $. Une augmentation du prix de l’hydroélectricité est en attente d’une audience plus tard dans l’année, qui, si elle est approuvée, augmentera le prix de l’hydroélectricité de 3,5 % chaque année jusqu’en 2028.

« On a construit une ville qu’on n’est pas en mesure de payer. On a beaucoup trop d’infrastructures, plus qu’on ne peut se le permettre. » Michel Durand-Wood.

Pourquoi des hausses aussi importantes?

Ces augmentations peuvent s’avérer écrasantes pour des familles déjà aux prises avec une situation économique difficile. Selon Michel Durand-Wood, auteur, chroniqueur et observateur de la vie municipale, les problèmes financiers de la Ville sont anciens et malheureusement complexes.

« On a construit une ville qu’on n’est pas en mesure de payer », dit-il. « On a beaucoup trop d’infrastructures, plus qu’on ne peut se le permettre. »

Pendant de nombreuses années, la Ville a emprunté de l’argent en utilisant son budget d’investissement et en transférant les fonds vers le budget opérationnel, qui doit être équilibré chaque année. Aujourd’hui, alors que nous approchons de la limite de la dette que la Ville peut contracter, la marge de manœuvre pour emprunter est réduite, ce qui signifie que la Ville n’a pas d’autre choix que d’augmenter ses revenus à travers des taxes et des frais plus élevées.

« Même les nouveaux frais pour les déchets, c’est un peu une augmentation cachée des impôts », dit Michel Durand-Wood. « Ils ont enlevé la portion qui était couverte par les impôts et l’ont remplacée par un frais. Il y aurait dû y avoir une réduction équivalente dans nos impôts, mais ce n’est pas ce qu’on a eu. »

Le conseiller municipal de Saint-Vital, Brian Mayes, est du même avis et estime que cette taxe rend les revenus de la Ville moins équitables.

« Je comprends que le public a tendance à se concentrer davantage sur le chiffre de la taxe foncière. Mais le problème de cette taxe fixe est qu’elle n’est pas progressive. Quelle que soit la valeur de votre maison, vous payez le même montant, ce qui est moins équitable pour les ménages à faible revenu. »

La taxe cachée

Comme le mentionne Rémi Gosselin dans sa lettre publiée dans le journal du 23 au 29 avril, les tarifs des services publics de la ville de Winnipeg ne sont pas soumis à la Régie des services publics. C’est ce manque de surveillance qui a permis au conseil d’utiliser une partie des revenus du service d’eau et d’égouts pour équilibrer le budget opérationnel depuis 2011.

Au départ, ce transfert de fonds était égal à 8 % de la facture de chaque ménage, et il avait été mis en œuvre comme un moyen de maintenir les taxes municipales plus basses, chose que les élus ont intérêt à faire pour rester politiquement populaires.

« Le transfert de fonds est à 11 % depuis 2019 », rapporte Michel Durand-Wood. « Aujourd’hui, c’est à peu près 40 millions $ qu’on prend du service des eaux et des égouts pour équilibrer notre budget opérationnel chaque année. »

Depuis 2011, ajoute-t-il, ce transfert de fonds a totalisé près d’un demi-milliard $ qui auraient pu être utilisés pour les travaux actuellement prévus sur la station d’épuration du North End.

« Je pense que le public a raison de demander pourquoi nous augmentons autant les tarifs des égouts et de dire que nous devrions être beaucoup plus avancés dans ces grands projets d’égouts. » Brian Mayes.

Des sujets en attente

Juste avant la pandémie, le conseil avait commencé à discuter des moyens de supprimer ce prélèvement en augmentant progressivement les impôts fonciers pour que les dépenses correspondent à leur provenance.

Mais la question est au point mort depuis que le projet d’égouts du North End de la ville est devenu une priorité évidente et que les tarifs d’égouts devront augmenter pendant de nombreuses années. Une hausse supplémentaire de la taxe foncière pour compenser le transfert de fonds continuera donc à peser lourdement sur les propriétaires.

Néanmoins, Michel Durand-Wood maintient que cela va à l’encontre des principes de transparence financière auxquels la Ville devrait aspirer. Pour lui, énumérer les transferts de fonds dans un budget de 600 pages n’est pas suffisant pour assurer une vraie reddition de comptes.

Brian Mayes est du même avis.

« Je pense que le public a raison de demander pourquoi nous augmentons autant les tarifs des égouts et de dire que nous devrions être beaucoup plus avancés dans ces grands projets d’égouts. C’était un moyen de maintenir les taxes municipales plus basses, mais cela a créé l’illusion que nous avions tout cet argent pour les projets d’égouts, ce qui n’est pas le cas parce que nous le consacrons à tout le reste : les salaires, les avantages sociaux, les pompiers, la police, les ambulances, les bibliothèques, etc. »

Ouvrir la discussion

Le conseiller de Saint-Vital dit qu’il n’est pas certain que la taxe foncière continuera d’augmenter autant, bien que le maire de Winnipeg, Scott Gillingham, ait déclaré qu’il s’agirait d’une augmentation exceptionnelle.

« Ils disent que ça ne devrait pas continuer, et la pression est toujours là. Je pense certainement qu’il y aura des augmentations pour les égouts pendant plusieurs années à venir parce qu’on essaie d’aller lentement sur le programme d’égouts d’un milliard de dollars au North End. Mais pour ce qui est de la taxe foncière, on verra. »

Quoi qu’il en soit, Michel Durand-Wood estime qu’il y a un débat de société plus large à avoir sur la manière dont les finances municipales devraient être gérées. Que les revenus de la ville proviennent de l’impôt foncier, des taxes provinciales ou fédérales, des taxes sur les entreprises ou des frais de service, elles proviennent toujours du même portefeuille : les Winnipégois.

Pour lui, la question la plus importante n’est pas de savoir d’où viennent les fonds, mais plutôt de savoir comment créer des infrastructures qui coûtent moins cher.

Comment créer des infrastructures qui coûtent moins cher

« Il faut plus de densité résidentielle, et de permettre des déplacements plus économiques. Ça veut dire plus de gens qui se déplacent à vélo, à pied, en transport en commun, parce que ça coûte beaucoup moins cher que si tout le monde se promène en voiture. En même temps, ça ferait des conduits d’égouts et d’eau beaucoup moins longs pour pouvoir profiter des investissements qu’on a déjà faits plutôt que de continuer notre étalement urbain qui coûte extrêmement cher. »

Selon lui, la solution à long terme demeure de trouver une meilleure approche à la construction de la ville. Mais à court terme, des augmentations de taxes et de frais et des coupures de services s’avéreront nécessaires pour maintenir l’équilibre des finances de la ville.

Dans sa lettre à La Liberté, notre lecteur Rémi Gosselin mentionnait qu’il a écrit au ministre des Finances pour demander que les coûts des services publics fassent l’objet d’une véritable supervision. Nous avons contacté le bureau du ministre des Finances pour obtenir un commentaire, mais n’avons pas reçu de réponse au moment de la publication.