Pour s’adapter, ceux-ci sont contraints de répercuter le manque à gagner sur les frais de scolarité.
Le financement des établissements d’enseignement supérieur au Canada a beaucoup changé au cours de ces dernières années. Le Manitoba n’est pas épargné et l’Université de Saint-Boniface (USB) non plus.
Et même si la situation actuelle est encore loin d’être dramatique pour l’établissement francophone, ces changements soulèvent tout de même des inquiétudes.
Des inquiétudes soulevées par Patrick Noël, président de l’APPUSB, professeur agrégé d’histoire et jusqu’à très récemment, président du comité francophone de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU).

Lors d’un comité consultatif pré-budgétaire de la Province en février 2025, ce dernier avait pris la parole pour faire part de ses craintes de voir le système financier des universités basculer vers le domaine privé en raison d’un manque de financement provincial.
« Jusqu’à la fin des années 80, explique-t-il, les universités canadiennes dans leur ensemble étaient financées, à peu près, en moyenne à hauteur de 85 % par les gouvernements provinciaux. Il restait un 15 % qui venait surtout des frais de scolarité. Plus on avance dans le temps, plus la tendance est à la réduction des subventions. »
Dans son bulletin du mois de janvier 2025, l’ACPPU publie un graphique qui illustre la diminution des financements provinciaux à l’égard des universités à travers le pays.
L’argent des gouvernements provinciaux représentait environ 55 % des revenus de fonctionnement des universités sur l’année 2012-2013. Elle est à un peu plus de 40 % en 2022-2023. « Et l’aiguille va dans la mauvaise direction ».
Pour Patrick Noël, difficile de parler d’éducation publique si la part du gouvernement n’atteint pas les 50 %. Il y voit plutôt une « privatisation grandissante » des établissements d’éducation supérieure.
Le cas de l’USB
Aujourd’hui, la principale source de revenu de l’USB provient du gouvernement du Manitoba. Un octroi de 23 704 117 $ en 2024, et de 23 211 700 $ pour l’année en cours. Cet octroi récurrent, représente 51 % du budget de fonctionnement de l’établissement.
À cet octroi de base, Sophie Bouffard, rectrice de l’USB, indique que certaines subventions ponctuelles viennent s’ajouter, notamment des fonds pour des bourses dédiées aux élèves ou encore des projets spécifiques.
En tout cas, la rectrice est formelle : « Notre pouvoir d’achat a baissé. »
Sur les dix dernières années, l’octroi de base de la Province a augmenté de 10,5 %. L’université souligne que six de ces dix années ont été sujettes à des gels ou des coupes budgétaires.
Il convient de noter qu’au cours des dix dernières années, le total d’inflation cumulé au Canada est d’environ 25,5 %.
Quant à savoir comment se calcule cet octroi, Sophie Bouffard lance qu’il est assez difficile de répondre à la question. Elle dit tout de même ceci :
« Chaque université a un montant global pour ses opérations. Normalement la Province donne le même pourcentage d’augmentation à tous les établissements ».
Et pour obtenir davantage de financement, « on peut développer de nouveaux programmes. L’USB a pu augmenter son financement de base avec l’ajout additionnel de diplôme en sciences infirmière. On a aussi augmenté notre capacité en éducation avec l’ajout d’un programme d’auxiliaire en enseignement ».
Toutefois, ces augmentations s’accompagnent de livrables. À ce titre, « si l’on augmente le nombre de sièges en sciences infirmières, l’argent ne peut pas servir à autre chose ».
La Liberté a posé la même question au gouvernement. Elle a obtenu une réponse par courriel qui indiquait que le financement ne se basait pas sur le nombre d’étudiants, « mais plutôt en fonction des programmes offerts ».
Évidemment le coût des programmes varie. Une place en programme de sciences infirmières est plus onéreuse qu’une place en programme de lettres.
Les frais de scolarité
Alors si la source principale de revenu est à la baisse au sein des universités, l’argent doit tout de même venir de quelque part. Le financement des universités passe aussi par les frais de scolarité de ses étudiants, c’est la ligne budgétaire de revenus la plus importante après les subventions provinciales.
« Quand les gouvernements ont commencé à se désinvestir, les universités sont allées chercher des fonds ailleurs, auprès des étudiants. Plus on avance dans le temps, plus la tendance est à la réduction des octrois et l’augmentation des frais de scolarité. »
Et l’USB n’échappe pas à la règle, depuis l’année scolaire 2015-2016, les frais de scolarité pour les étudiants canadiens ou détenteurs de la résidence permanente n’ont cessé d’augmenter.
Des augmentations comprises entre 1,2 % au minimum et jusqu’à 6,60 % au maximum.
Et cela inquiète Patrick Noël qui voit dans cette dynamique un risque pour l’accessibilité à l’éducation post-secondaire.
En particulier pour les étudiants internationaux.
Car il faut comprendre que les gouvernements provinciaux peuvent imposer des directives et un plafond pour ce qui a trait aux frais de scolarité pour les étudiants citoyens. En ce qui concerne les étudiants internationaux, les universités ont le champ libre.
Les frais sont donc généralement, beaucoup plus élevés pour ces derniers.
Sophie Bouffard donne un exemple.
« En administration des affaires, un étudiant canadien paye 6 995 $ pour 30 crédits. Un étudiant international en paiera 14 600 $. »
À l’USB, le taux de majoration pour les étudiants qui viennent de l’étranger est compris entre 2.00 et 2.20.
Pour le même programme à l’Université du Manitoba, un étudiant international déboursera 23 361 $. Le taux de majoration y est plus important.
La rectrice de l’USB invoque le fait que l’université ne reçoit pas de financement en lien avec l’accueil de cette population estudiantine. « On veut couvrir nos frais associés », explique-t-elle en indiquant que des frais supplémentaires relatifs à l’IRCC, « au suivi » et à la « conformité » sont pris en compte dans cette majoration.
À la question de savoir si le modèle de financement actuel ne risque pas d’encourager des augmentations des frais de scolarité plus importantes, Sophie Bouffard ne répond pas directement mais fait valoir que l’USB pourrait bénéficier à « revoir le modèle de financement ».
« Il y a plusieurs éléments à mettre à jour. Pour l’USB il faudrait prendre en considération notre côté unique et notre mandat provincial, notre rôle d’appui à l’épanouissement de la francophonie. Notre souhait est de travailler en ce sens avec le gouvernement pour que notre financement soit encore plus propice au développement de l’université et être en mesure de soutenir une croissance structurante. »
(1) Pour l’exercice terminé au 31 mars 2024, les revenus de l’USB s’élevaient à 43 129 181 $, ses dépenses étaient de 41 962 195 $. L’USB terminait donc l’année avec un surplus de 1 787 900 $. Les actifs financiers nets à la fin de l’exercice étaient de 40 757 212 $.
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