Après une semaine d’audiences publiques, le conseil municipal de la ville de Winnipeg a approuvé des changements importants à ses règlements sur le zonage, autorisant bientôt la construction de triplex et de quadruplex dans les zones résidentielles.
Cette modification est due au fait que la ville a reçu un soutien du Fonds pour accélérer la construction de logements du gouvernement fédéral, un programme qui a débuté en 2023. Cette subvention exige des villes bénéficiaires qu’elles suivent un plan d’action dans le but d’accroître la disponibilité de logements abordables.
Winnipeg a reçu deux des quatre versements annuels des 122,4 millions $ qu’elle doit recevoir de ce fonds. Mais pour continuer à recevoir cette subvention, la ville doit modifier ses lois de zonage afin de permettre la construction d’un plus grand nombre d’unités. Une modification dont la mise en œuvre nécessite, selon la loi, une consultation des citoyens.
Les résidents se font entendre
Les Winnipégois, qu’ils soient pour ou contre, ont donc témoigné à l’hôtel de ville pour faire entendre leur voix. Les partisans du changement, qui ont fait entendre leur opinion le 2 juin dernier, ont cité plusieurs points positifs.
Ils ont mentionné le besoin de logements plus diversifiés dans la ville, la possibilité de développer des terrains abandonnés, l’amélioration de l’accessibilité pour les citoyens vivant avec un handicap et la possibilité de développer la ville d’une manière plus économe en carbone.
Dylon Martin, l’un des citoyens qui a témoigné par Zoom, a exprimé son soutien : « Il s’agit d’offrir plus de choix aux nombreux Winnipégois, dont je fais partie, qui préfèrent vivre près des transports en commun dans des communautés complètes où il n’est pas nécessaire de se déplacer en voiture pour chaque course. »
Pour ceux qui sont contre le changement, certaines considérations ont été soulevées : la perte de valeur de la propriété pour les maisons situées à proximité des nouveaux développements, le manque de stationnement, la perte de contrôle sur la façon dont le quartier pourrait être structuré, les menaces environnementales potentielles pour les cours d’eau importants et la capacité de la ville à accueillir ce changement.
« La ville souffre de déficits massifs en matière d’infrastructures : routes, parcs, eau et égouts, a déclaré Michele Kading, une citoyenne qui a témoigné contre les modifications. L’usine qui traite 70 % des eaux usées de la ville atteindra sa pleine capacité dans moins de cinq ans. Il est imprudent d’augmenter la densité résidentielle sans s’attaquer à ce déficit. »
Considérations municipales
Bien que toute décision politique de ce type comporte des désavantages, Michel Durand-Wood, auteur, chroniqueur et observateur de la vie municipale, considère qu’il s’agit d’une question complexe qui, en fin de compte, aurait des effets positifs sur la ville.
Du point de vue des finances municipales, il estime que l’augmentation de la densité urbaine permettrait à la ville d’être gérée de manière plus économique, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter des infrastructures supplémentaires, comme la construction de routes ou de conduites d’eau, pour s’adapter à des terrains plus vastes.
« Si ça nous permet d’augmenter notre population et notre base imposable, donc d’augmenter les impôts qu’on est en mesure de collecter sans augmenter nos dépenses d’infrastructures, c’est un assez gros point positif », dit-il.
Selon lui, l’effet potentiel d’économies de ces lois de zonage ne peut être dissocié d’autres aspects des finances municipales. Par exemple, le fait d’avoir une plus forte densité urbaine permettrait à un plus grand nombre de personnes d’être desservies adéquatement par les transports en commun, ce qui signifierait moins de voitures sur les routes et moins d’entretien nécessaire.
Les économies réalisées sur les infrastructures pourraient donc être si importantes qu’elles permettraient de dégager des fonds pour les piscines communautaires ou les bibliothèques locales, au lieu de devoir augmenter les impôts chaque année pour équilibrer le budget.
La question de l’abordabilité
Il ajoute que, bien que les préoccupations concernant les logements abordables soient valables, il est important de les considérer d’un point de vue plus large afin de comprendre comment cette décision pourrait aider.
D’abord, la modification de la loi ne signifie pas que seuls des quadruplex seront construits, mais simplement que ces immeubles seront désormais autorisés.
Cela pourrait permettre une plus grande diversité de logements, ce qui est fondamental pour favoriser une ville avec des logements abordables.
« Ce qui a été étudié dans plusieurs villes, c’est que quand on construit un nouveau logement qui est plus cher, la personne qui déménage dans ce logement a libéré un autre logement qui coûtait moins cher. »
Reconstruire les terrains vacants ou abandonnés de la ville
Et cela s’applique autant au marché locatif qu’à celui de la vente : autoriser la construction de quadruplex ou de triplex permettra d’augmenter les prix des logements, de sorte que les locataires et les acheteurs auront davantage d’options adaptées à leur budget et à leur situation, ce qui signifiera plus de choix également pour les citoyens à faibles revenus.
Une autre considération est que cette décision pourrait permettre de reconstruire les terrains vacants ou abandonnés de la ville. Parce que ces terrains ne sont plus rentables à être restaurés, ou parce que leur restauration irait dans certains cas à l’encontre des lois de zonage en vigueur, les propriétaires et les développeurs qui souhaitent leur redonner vie n’ont pas de recours.
Mario Manuel Lopes, un propriétaire qui a témoigné devant le Conseil lundi, a expliqué : « Il y a actuellement 90 maisons barricadées dans le quartier William Whyte, et ce n’est que la pointe de l’iceberg. La Ville ne veut pas de ça. Les pompiers ne veulent pas de ça. Les voisins ne veulent pas de ça. »
« En ce moment, je ne peux construire qu’un duplex. Je vais à la banque et je demande une hypothèque, ce sera 400 000 $ pour construire un duplex. On me demande combien coûteront les loyers. Eh bien, un duplex dans le North End ne se louera pas très cher. Ils examinent la demande et disent tout simplement qu’il n’y aura pas assez de revenus. L’hypothèque est refusée, un point c’est tout. »
Développer en fonction des besoins
Il ajoute que s’il était possible de construire un quadruplex sur le même terrain, la banque, voyant les revenus des loyers augmenter, serait beaucoup plus disposée à approuver l’hypothèque et à lui permettre de construire, ce qui serait rentable pour les propriétaires tout en créant plus de revenus imposables pour la ville.
Michel Durand-Wood explique également que cette décision permettrait aux gens de développer leurs propres bâtiments en fonction de leurs besoins. Plutôt que de devoir demander une audience publique, les familles qui s’élargissent pourraient directement engager des développeurs pour effectuer des travaux sur le terrain et diviser l’espace, ce qui permettrait plus de flexibilité et de créativité, et ferait économiser de l’argent à ces familles.
« Les gens veulent développer leur lot s’ils sont capables, dit-il. Mais si les règlements ne le permettent pas, qu’il faut appliquer pour des audiences publiques, c’est du temps, c’est de l’argent, c’est du risque. »
Cela permettrait en fin de compte de construire une ville diversifiée qui pourrait toujours plaire aux citoyens. Certains quartiers de Winnipeg ont, après tout, été construits à une époque où les lois sur le zonage étaient beaucoup moins strictes.
« Quand on parle du Vieux Saint-Boniface, de Wolseley, d’Elmwood, des quartiers qu’on trouve tellement jolis, ce sont des quartiers qui ont justement des lots plus petits, avec une variété de maisons. »
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté