Une journée historique pour le réseau de transport de la ville, mais aussi un moment important dans l’histoire du transport public : la refonte complète du réseau de transport de Winnipeg est l’un des plus grands changements d’horaires en une journée jamais effectués en Amérique du Nord.
Un projet de 20,4 millions $, la refonte du réseau a permis de supprimer 1 700 arrêts de bus et d’en installer 460 nouveaux.
« C’est très rare qu’un système de transport en commun fasse un changement de cette envergure, dit Michel Durand-Wood, auteur, chroniqueur, et observateur de la vie municipale.
Comment c’est arrivé?
Dans le cadre de son Plan directeur du transport en commun, la Ville a mené plusieurs recherches sur les habitudes de déplacement des Winnipégois en créant une base de données de points géographiques.
Elle a donc mené des sondages et recueilli des données de localisation anonymes d’appareils intelligents pour générer une carte de plus de 25 millions de points de données montrant comment les résidents interagissent avec le système de transport en commun, où se trouvent les zones d’emploi les plus courantes, et plus encore.
Il s’agit essentiellement d’un ensemble de données montrant comment les habitants de Winnipeg se déplacent et où ils veulent aller.
« Ils ont mis ça ensemble avec la géographie de la ville comme elle existe pour repenser, à partir de zéro, comment faire un système qui est beaucoup plus efficace, explique Michel Durand-Wood.
Par exemple, dit-il, un temps significatif est ajouté au trajet régulier d’un bus lorsqu’il doit tourner sur une autre rue. En moyenne, une minute est ajoutée pour un virage à droite, et deux minutes pour un virage à gauche. Quand ces minutes s’accumulent à travers tout l’itinéraire, elles peuvent représenter un temps considérable.
En enlevant autant de tournants que possible, la ligne de bus peut fonctionner de manière plus efficace, ce qui signifie que les bus peuvent circuler à une fréquence plus élevée, tout en conservant la même quantité de ressources.
Au lieu d’un bus qui passe à l’arrêt toutes les 40 minutes, la ville peut garantir qu’au moins un bus passera toutes les dix à quinze minutes.
Non seulement ces changements rendent le réseau de bus plus fiable et permettent à un plus grand nombre de personnes d’utiliser le système d’autobus, mais ils permettent également aux usagers de planifier leurs déplacements sans avoir à les calculer à la minute près. C’est, en fin de compte, ce qui permet de créer un système de transferts faciles.

Le modèle des réseaux principal et secondaire
Jusqu’à présent, le système de transport en commun était qualifié de réseau en étoile : le noyau était le centre-ville, un centre très fréquenté, et le réseau se ramifiait en différents quartiers.
Le nouveau réseau suit un modèle où on trouve un réseau principal avec des lignes secondaires. Quatre types de lignes de bus ont donc été établis sur le réseau principal en fonction des données collectées et du design géographique de la ville : rapide, express fréquent, fréquent et direct. Selon l’heure de la journée, les autobus de ces lignes primaires devraient passer toutes les 4 à 30 minutes.
En revanche, les deux lignes secondaires, les lignes de raccordement et les lignes communautaires, ont des temps d’attente légèrement plus longs allant de 15 à 60 minutes. Le réseau secondaire comprend aussi des lignes limitées qui ne sont utilisées qu’à certaines heures de la journée, comme les heures de pointe, et des services sur demande pour les endroits où la demande de transport en commun est faible ou encore en cours
d’aménagement.
Selon la Ville, la ligne de transport rapide peut circuler beaucoup plus rapidement parce qu’elle se promène sur une voie réservée aux bus et permet aux usagers d’éviter la circulation. Les lignes express fréquentes sont celles qui deviendront des lignes de transport rapide dans le futur lorsque les infrastructures seront mises à jour. Les lignes fréquentes et directes, quant à elles, traversent les principales artères et rues de Winnipeg pour faciliter le transport dans toute la ville et d’un quartier à l’autre.

Les lignes secondaires sont conçues pour aider les gens à se déplacer dans leur propre quartier. Les lignes de raccordement permettent un transfert facile vers le réseau primaire, tandis que les lignes communautaires ont été dessinées pour permettre aux gens de naviguer dans leur propre quartier.
Ce système de réseau primaire et secondaire est d’ailleurs en partie ce qui a amené la Ville à rouvrir l’intersection Portage et Main le 27 juin dernier, puisqu’elle avait identifié ce secteur comme un point de transfert important pour les usagers du transport en commun.
« Il faut faciliter le choix pour que plus de gens décident de voyager avec ces modes de transports, dit Michel Durand-Wood. On doit rendre ça facile, et rien de plus facile que de pouvoir simplement traverser la rue plutôt que de naviguer dans le passage souterrain. »
Un changement controversé
« Dans mon cas, il ne s’agit pas d’un changement positif, se lamente l’utilisatrice Stephanie Collett. J’utilise le bus assez souvent pour faire mes courses, aller à des endroits avec mes enfants, etc. Mais avec le nouveau système, mes trajets semblent devenir beaucoup plus compliqués. »
« Je garde l’esprit ouvert, mais je n’aime pas l’idée de plus de transferts, surtout parce que cela fait dépendre votre voyage de plus d’un bus à l’heure, ce qui est rare, et je ne me sens pas en sécurité en attendant aux arrêts de bus en centre-ville, surtout avec mes enfants. »
Plusieurs Winnipégois semblent effectivement désorientés par ce changement. Tandis que certains se disent frustrés par le peu de temps qu’ils ont eu pour s’adapter à l’idée du nouveau réseau, d’autres se montrent sceptiques quant à la fiabilité réelle des nouvelles lignes.

« La seule différence que j’espère voir, c’est que les bus seront plus fiables, dit le résident Anthony Cove. Ils sont souvent en retard ou annulés, ce qui fait que je suis en retard au travail. J’espère que ce problème sera résolu. »
D’un autre côté, certains Winnipégois semblent optimistes. Certains ont souligné que ça pourrait contribuer à réduire le trafic dans la ville et ont remarqué que la distance jusqu’au nouvel arrêt de bus le plus proche était plus courte.
« Il y a des gens qui sont inquiets parce que c’est différent, admet Michel Durand-Wood. Et c’est vrai, c’est différent. Mais avec une perspective plus grande, c’est vraiment positif pour la ville. »
Transition en douceur
Selon lui, ce changement fait partie d’une série plus vaste de décisions qui pourraient réduire les coûts de fonctionnement de la ville, et donc libérer des fonds pour d’autres projets.
« Les plus gros coûts d’infrastructures qu’on a, ce sont nos routes et nos conduits d’eau. Il faut faire meilleur usage de ce qu’on a pour réduire ces coûts. Du point de vue des routes, ça veut dire plus de gens qui se déplacent à vélo, à pied, en autobus. »
Et considérée dans le contexte d’une ville en pleine croissance, alors que plusieurs craignent que Winnipeg ne saura pas s’adapter à temps, l’optimisation du système de transport en commun pourrait permettre à cette transition de se faire en douceur.
« On peut accueillir plus de personnes, conclut Michel Durand-Wood. Mais il n’y a plus de place pour d’autres voitures. On a déjà de la difficulté à entretenir les infrastructures qu’on a, ce n’est pas le temps de penser à en ajouter d’autres. Il faut penser à mieux utiliser ce qu’on a déjà. »
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