Portée par Carmen Roberge et des experts comme Guy Jourdain, cette formation entend répondre aux besoins grandissants de bilinguisme dans le domaine du droit.
À la rentrée 2025, l’Université de Saint-Boniface comptera dans sa liste de diplômes disponibles, un tout nouveau programme de traduction juridique.
C’est l’aboutissement d’un projet lancé en 2019 et le fruit d’un travail de collaboration entre une multitude d’experts du monde juridique.
L’aboutissement d’un projet
Pour n’en citer que quelques-uns, Me Guy Jourdain, qui est l’ancien directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba, a fait partie du comité consultatif aux côtés de la docteure Lorna Turnbull professeure et ancienne doyenne de la faculté de Droit de l’Université du Manitoba, mais aussi Gerald Heckman, juge de la Cour d’appel fédérale.
Carmen Roberge, directrice de l’École de traduction à l’Université de Saint-Boniface, est aussi à l’origine de ce projet qu’elle a finalement su porter jusqu’au bout.
Elle, qui a aussi travaillé dans le domaine de la traduction juridique, raconte qu’elle « avait toujours l’impression qu’il me manquait quelque chose ».
« Ce qu’il me manquait c’était une base, de savoir manier la langue juridique, de pouvoir lire le sous-texte. J’étais capable de traduire les mots, mais il reste un petit vide et j’en étais consciente. »
Donc, c’est pour venir combler ce « petit vide » que le programme a été pensé.
« C’est un programme qui s’ajoute à notre baccalauréat en traduction. C’est une spécialisation qui rapporte 30 crédits. »
La spécialisation peut être choisie lors de son inscription en baccalauréat de traduction, mais le programme s’adresse aussi aux personnes déjà diplômées.
« Le baccalauréat en traduction comprend des cours de traduction juridique dans lequel on touche à toute sorte de texte et toute sorte de domaines. Tout y est survolé et l’on n’a pas vraiment le temps d’apprendre, ni le droit, ni la traduction. »
Quels objectifs?
À travers de cette spécialisation, les étudiants auront l’occasion d’approfondir leurs con- naissances en droit afin d’obtenir une meilleure compréhension des textes ainsi que leur sens.
Ayant activement participé à l’élaboration de ce cursus, Guy Jourdain indique que les objectifs, dès le départ, étaient clairs.
« L’on visait à donner les outils nécessaires aux étudiants pour bien comprendre les textes dans la langue de départ et les capacités de les reformuler. En fin de compte, les idées seront reformulées dans un langage idiomatique et naturel. »
Il précise également qu’il n’est pas nécessaire pour les étudiants ou les personnes souhaitant s’inscrire d’avoir fait des études de droit.
« Dans le cadre du programme, ils vont acquérir des connaissances de base en droit et seront capables de produire des textes de haute qualité. »
Carmen Roberge souligne par ailleurs que la spécialisation ne comprend pas de limite d’étudiants et met en avant que l’approche de ces cours est assez novatrice.
Par exemple, « c’est une approche par compétences. Les étudiants ne sont pas jugés lors d’examens, mais à travers leurs travaux ».
Répondre à un besoin
Ce programme, en ligne et asynchrone, premier du genre au Manitoba, n’a pas vu le jour tout à fait par hasard. Guy Jourdain rappelle que depuis plus de 40 ans maintenant, les lois manitobaines sont traduites en français et adoptées dans les deux langues officielles.
Celui qui a travaillé en tant que traducteur législatif au gouvernement fait valoir qu’il y a toujours eu « d’importantes pénuries de personnel », ainsi que des difficultés de recrutement.
De plus, « Il y a déjà bon nombre d’années, les universités canadiennes ont cessé d’offrir des programmes structurés de formation en traduction juridique. »
C’est ce même constat qui a mis la puce à l’oreille de Carmen Roberge lorsqu’elle se lance dans l’aventure en 2019.
Alors, c’est avec enthousiasme que Guy Jourdain a accepté de participer à la création de ce programme.
Pour Guy Jourdain, cette problématique risque d’ailleurs de ne pas aller en s’arrangeant.
« Le français va être de plus en plus utilisé dans le domaine juridique »
« Avec tout le phénomène d’immigration francophone, le français va être de plus en plus utilisé dans le domaine juridique. Nous allons avoir besoin de traducteurs qualifiés pour toute une variété de documents juridiques. »
Me Tarik Daoudi, directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba partage les inquiétudes de Guy Jourdain.
« Le gouvernement et les tribunaux ne peuvent plus se contenter de quelques membres de leur personnel bilingue ou des contractuels. Ils ont besoin d’une capacité plus élevée pour répondre à la demande qui augmente. »
Ainsi, les espoirs sont importants.
« Ce programme aidera grandement à répondre aux besoins en hausse constante en matière de bilinguisme des lois et des tribunaux. D’une part, la Direction de la traduction législative et parlementaire au ministère provincial de la Justice aura accès à de nouvelles cohortes de diplômés et diplômées possédant une solide formation en traduction juridique en contexte de common law et sensibles aux réalités locales de chez nous. D’autre part, les finissants et finissantes du programme seront en mesure de jouer un rôle de premier plan pour faciliter l’accès à la justice en français », explique Guy Jourdain.
De plus, s’il est important de surveiller les retombées de ce programme ici au Manitoba, il faut rappeler que ce dernier a été conçu pour répondre aux besoins des gens partout au Canada.
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