Coup d’œil sur les effets des écrans sur le sommeil et le mouvement.

Les experts ont mis en garde contre les effets des écrans sur notre bien-être physique, mais c’est surtout pour mettre en garde contre le mode de vie qu’engendre l’utilisation des écrans.

D’abord, les écrans, nous rendent plus sédentaires. Rester assis devant un écran pendant de longues périodes est devenu monnaie courante pour plusieurs dont le travail se fait principalement à l’ordinateur. Nos options de divertissement, comme regarder des films, jouer à des jeux vidéo ou passer du temps sur les réseaux sociaux, ont tendance à être des activités statiques avec peu de mouvements associés.

De plus, alors que plus de 80 % des Canadiens se rendent au travail en voiture, ce temps précieux qui donnait autrefois une opportunité d’activité physique s’ajoute à notre temps passé assis chaque jour.

Même le temps passé à l’intérieur a beaucoup augmenté au cours des 20 dernières années, affirme le Dr

Jean-Philippe Chaput, professeur à l’Université d’Ottawa, qui a fait partie des groupes d’experts chargés d’élaborer les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’activité physique et la sédentarité, ainsi que les directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures.

Il explique que les écrans jouent un rôle important dans le fait que nous passons moins de temps à l’extérieur, un temps qui présente de nombreux avantages en nous permettant de nous connecter à la nature et d’être plus actifs. De plus, le temps passé sur les écrans peut malheureusement nous inciter à adopter d’autres habitudes néfastes pour la santé.

« Beaucoup de temps d’écran, surtout dans l’heure avant le dodo, peut perturber notre sommeil, » dit-il.

« Lorsqu’on ne dort pas bien, on est plus fatigué et moins enclin à vouloir bouger. Et on sait que les bienfaits de l’activité physique nous donnent un sommeil qui est plus efficace. »

Le Dr Jean-Philippe Chaput note que le manque de sommeil est aussi lié à de mauvaises habitudes alimentaires, souvent trop grasses ou sucré, « parce que notre cerveau le demande ».

C’est pourquoi les directives canadiennes sur le mouvement et la sédentarité recommandent que, chaque jour, les adultes ne passent pas plus de 3 heures devant un écran pour des raisons récréatives, pas plus de 8 heures sédentaires, et qu’ils dorment au moins 7 à 9 heures. Si la majorité des Canadiens dorment suffisamment chaque nuit, seul 1 sur 5 respecte les recommandations sur les comportements sédentaires (3).

D’autre part, les directives en matière de mouvement sur 24 heures stipulent que les adultes devraient faire au moins 150 à 200 minutes d’activité physique par semaine. Selon les experts, cela signifie environ 30 minutes par jour d’activité de plus de 3 unités d’équivalent métabolique (MET), comme la marche rapide, le vélo ou la natation.

Présentement, seule la moitié des Canadiens atteignent la quantité d’activité physique recommandée par semaine.

« On peut éliminer l’effet pervers du temps passé assis si on est actif physiquement, » dit Jean-Philippe Chaput, « mais il faut quand même beaucoup bouger pour compenser. »

Heureusement, il explique qu’il n’est pas nécessaire de transpirer tous les jours pour obtenir des résultats positifs sur notre santé. La recherche montre que la répartition de ces 150 à 200 minutes d’activités recommandées n’a pas grande importance.

En revanche, rompre la sédentarité par des mouvements légers et fréquents tout au long de la journée reste important pour obtenir de meilleurs résultats sur le bien-être.

« La sédentarité et l’activité physique sont deux concepts différents, » explique-t-il.

« On peut être actif et sédentaire ; en anglais, on appelle ça être un « active couch potato ». Donc si je fais une heure d’activité physique chaque jour, je suis actif, mais si ensuite je reste assis pendant 10 heures à l’ordinateur, je suis aussi sédentaire. »

L’idéal, selon les experts, est de viser les 8 000 pas par jour, mais l’on peut rompre cette sédentarité simplement en se levant à travers sa journée pour prendre une pause-café. Si ça ne parait pas grand-chose, les effets restent significatifs

Les écrans et le sommeil

D’un autre côté, les écrans perturbent aussi notre sommeil, et environ 30 % des Canadiens ne dorment pas la quantité de sommeil recommandée chaque nuit.

Le Dr Roger Godbout, professeur émérite au département de psychiatrie de l’Université de Montréal et membre fondateur de la Société canadienne du sommeil, explique que nos écrans peuvent affecter le sommeil de plusieurs manières.

Tout d’abord, à cause de la lumière.

Tous les écrans rétroéclairés, explique-t-il, émettent de la lumière bleue.

« Il y a un spectre large de la lumière qui va du rouge au bleu : d’infrarouge à ultraviolette. Et la lumière bleue, elle est surtout présente le matin. La lumière du soir, elle, devient rapidement teintée plus de rouge. »

« Cette lumière bleue, inhibe la sécrétion de mélatonine. Or la mélatonine, c’est une hormone de noirceur. »

L’idée que l’on se fait de la mélatonine est qu’il s’agit d’une hormone qui donne envie de dormir. En réalité, elle ne fait qu’indiquer à notre organisme que le moment est peut-être venu de dormir, si d’autres facteurs sont aussi présents.

D’autres mammifères dont l’horloge biologique est également affectée par la mélatonine réagissent différemment à cette hormone : les rongeurs, qui sont nocturnes, se sentent stimulés par la production de mélatonine, qui leur indique que la voie est libre pour aller chercher de la nourriture.

C’est également la mélatonine qui est responsable du changement de couleur de la fourrure des lapins en hiver, une réaction à la diminution de la lumière qui indique qu’un pelage blanc peut les rendre moins visibles pour les prédateurs.

Chez les humains, exposer nos rétines à de la lumière bleue, associée à la matinée, envoie à notre cerveau un signal contradictoire qui peut interférer avec notre endormissement.

Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement des écrans : même les ampoules LED vives ou économes en énergie peuvent affecter la production de mélatonine et augmenter l’état de veille si elles sont allumées après le coucher du soleil.

Un autre facteur qui peut affecter notre sommeil est le contenu que nous consommons : selon le Dr Godbout, la consommation de contenus stimulants avant le coucher peut également avoir un impact sur le sommeil.

« Si on regarde des vidéos stimulantes, si on lit un roman policier sur son téléphone, ou même le fait de consommer du contenu de travail, on dit au cerveau que finalement, on ne dormira pas. Si je regarde mes courriels, je dis à la machine qu’il faut se mettre en mode travail. »

Les effets à long terme

Il ne suffit pas de quelques nuits de mauvais sommeil pour en subir les effets à long terme, comme l’augmentation des risques de diabète, d’hypertension et de problèmes cardiaques.

Pour beaucoup, des facteurs de risque génétiques et les effets cumulés d’autres comportements malsains sont également en jeu. Cependant, les effets d’un mauvais sommeil sur la santé mentale peuvent être ressentis de plus près.

« Même une nuit peut nous rendre moche et maussade, » dit Roger Godbout.

« Plusieurs symptômes peuvent apparaître : on est plus anxieux, on peut faire plus d’erreurs au travail. Les enfants vont le manifester de façon beaucoup plus directe. Ils vont devenir impulsifs, oppositionnels, irritables. Ils vont franchir le seuil de la crise de nerfs plus facilement. »

Il en va de même pour l’activité physique : le temps sédentaire a été associé à des risques plus élevés d’anxiété et de dépression, tandis que des niveaux élevés d’activité physique ont des effets positifs sur la santé mentale.

L’activité physique aide à réduire le stress, à traiter les émotions et même à réduire les symptômes du syndrome de stress post-traumatique.

« Il y a une différence entre l’effet aiguë et l’effet chronique d’un comportement malsain qu’on cumule au fil du temps, » explique Jean-Philippe Chaput.

« Avec les autres comportements qui sont associés, tout ça peut mener à des maladies chroniques et à des problèmes pour notre santé à long terme. »

Par conséquent, les directives en matière de mouvement sur 24 heures n’ont pas été conçues comme une quantité minimale d’activité physique à respecter, mais plutôt comme une quantité idéale à atteindre afin de garantir une santé globale et de prévenir les maladies chroniques.

Présentement, seul un Canadien sur 20 respecte les trois lignes directrices des 24 heures, qui incluent de dormir suffisamment, limiter la sédentarité et le temps passé devant ses écrans, et pratiquer assez d’activité physique.

« Le plus dur, c’est d’amener les gens qui sont inactifs à les faire bouger un peu plus. C’est là qu’on voit les plus grands bienfaits et c’est la classe qui est la plus difficile à faire bouger davantage. »

Roger Godbout recommande à tous ceux qui souffrent de troubles du sommeil de tenir un journal du sommeil. Noter les heures de sommeil et les conditions qui l’entourent est essentiel pour reprendre le contrôle de son horaire de sommeil.

« Il faut faire le tour de son jardin : la température, la noirceur, le confort, la routine. Puis en général, c’est 90 % des cas de troubles du sommeil qu’on peut aider en regardant tout ça. »