Par Raymond CLÉMENT.
Ce privilège qui nous est accordé est toutefois accompagné d’une autre réalité moins reluisante : le Canada est le plus grand consommateur d’énergie per capita au monde. Ce triste constat nous place parmi les grands pollueurs de la planète en termes de CO2 par habitant.
Et voilà que Danielle Smith, la Première ministre de l’Alberta, qui s’inquiète de la menace des droits de douane américains sur l’exportation des énergies fossiles de sa province, a avancé l’idée de construire des oléoducs à travers le pays.
De son côté, le Premier ministre du Canada veut saisir la bataille autour des droits de douane comme levier pour unifier notre pays. Son objectif : la construction d’un corridor énergétique transcanadien.
La réalité des tendances énergétiques mondiales
Comment est-ce que Danielle Smith en est venue à sa position d’augmenter la production de pétrole pour l’exportation? Il me semble qu’elle se base sur les dernières prévisions de l’OPEP. L’organisation internationale des producteurs de pétrole anticipe que la demande mondiale va passer de 103,7 millions de barils par jour (mb/j) en 2024 à 113,3 mb/j en 2030 pour atteindre 123 mb/j en 2040.
Pour sa part, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que la demande mondiale atteindra son maximum en 2030, pour ensuite diminuer.
De fait, la demande énergétique de la Chine est censée plafonner en 2025, puisque le pays est en train d’effectuer à marche forcée sa transition vers l’électricité.
Les manœuvres sur l’énergie à l’échelle canadienne
Tout dernièrement, les premiers ministres de l’Ontario et de l’Alberta se sont entendus pour lancer une étude de faisabilité pour un nouvel oléoduc et une nouvelle ligne ferroviaire.
Ces deux projets connecteraient les ressources fossiles et les matières critiques que possède l’Alberta à la baie James et à d’autres régions de l’Ontario. Dans la même logique de réciprocité, l’Ontario s’engage à rendre plus accessible à ses consommateurs la bière et les spiritueux albertains et l’Alberta se prépare à acheter les voitures fabriquées en Ontario.
Mais d’autres voix s’élèvent pour consolider l’union canadienne en s’appuyant sur l’énergie renouvelable.
L’approche américaine, la vision chinoise et le défi canadien
Nous sommes confrontés à deux grandes puissances internationales qui sont deux forces importantes en matière de tendance énergétique : les États-Unis et la Chine.
Le président Trump veut redonner la place de gloire aux fossiles, sur l’air bien connu de Fore baby fore. Dans l’autre camp, la Chine s’apprête à devenir le chef de file mondial dans le domaine électrique avec ses usines de batteries toujours plus performantes, ses voitures électriques très concurrentielles et son immense production de panneaux solaires, pour s’en tenir à ces trois exemples.
Face à cette réalité incontournable, la question qui tue se pose simultanément à Danielle Smith et Mark Carney : Est-ce que le projet d’oléoduc vers le Pacifique est toujours rentable dans la perspective où la demande de la Chine va baisser? Vraiment, les Canadiens gagneraient à examiner le plan d’affaires albertain avant de financer le projet.
Ce n’est que trop clair : devant la situation climatique, les Canadiens font face à une décision cruciale. Pourtant, nos politiciens semblent vouloir ignorer la réalité environnementale avec leurs grands projets destinés à unifier le pays et à combattre les visées de Donald Trump sur le Canada.
Mais qu’on le veuille ou non : quelles que soient les considérations politiques et économiques qui ont actuellement cours, nous sommes bel et bien à la croisée des chemins.