Ce fossile vieux de plus de 390 millions d’années pourrait enrichir notre compréhension de l’évolution des mâchoires et des dents chez les vertébrés.
Melina Jobbins est en pleine conversation téléphonique sous le squelette impressionnant d’une tortue Achelon suspendue au plafond.
Par-dessus son épaule se dresse la reconstitution d’un Gorgosaurus, dont la silhouette n’est pas sans rappeler une version plus petite d’un tyrannosaure. Et deux autres espèces de créatures marines flottent sous le toit du musée des sciences géologiques du bâtiment Wallace de l’Université du Manitoba.
Un Xiphactinus et un Platercapus pour ceux qui se posent la question.
En tout cas, le décor convient parfaitement.
Melina Jobbins, biologiste de l’évolution, a découvert l’an passé, un nouveau fossile de poisson révélant l’existence d’un nouveau genre au sein de la grande famille des placodermes, l’Elmosteus lundarensis.
Les placodermes sont des poissons préhistoriques qui chassaient dans les mers à l’époque du Dévonien (période géologique s’étendant d’environ – 419 millions d’années à – 359 millions).
Postdoctorante à l’Université du Manitoba, Melina Jobbins et son équipe ont donc découvert ce nouveau fossile dans la région de Lundar.
« En 1996, ce poisson a été découvert pour la première fois et a été décrit en se basant sur quelques spécimens de fossiles. En 2023 en arrivant ici, j’ai demandé à voir les collections pour me familiariser avec cette espèce locale. Et, en nous rendant sur le terrain, on a découvert ce nouveau fossile ».
Les yeux de la chercheuse se portent sur un morceau de roche, exposé derrière une vitre, couvert de plaques sombres. Elles font penser à une carapace.
« C’est ce que l’on appelle la partie thoracique, explique Melina Jobbins. C’est le haut du dos, là où l’articulation se rapproche du crâne. On a aussi pu obtenir des parties de la joue et toutes ces parties on ne les connaissait pas. Lors des analyses phylogénétiques avec les autres morceaux d’os découvert plus tôt, nous avons pu définir qu’il s’agissait de quelque chose de nouveau. »
La découverte permet donc d’ajouter une pièce en plus au puzzle qu’est le domaine de la paléontologie. En cela la découverte est déjà importante en soi, mais elle pourrait permettre une meilleure compréhension de la chaîne évolutive et de ce que l’on y trouve en fin de compte : nous autres, homo sapiens.
Les placodermes sont parmi les premiers vertébrés à posséder une mâchoire. Il faut imaginer un mélange entre un bar et un requin d’environ 1 mètre, 1,30 mètre.
« C’est super pour nous parce que ça nous permet de comprendre comment la mâchoire et les dents ont commencé à évoluer chez eux pour finalement arriver chez nous. Nous avons les mêmes structures, et ils les ont eus avant nous, ce sont donc nos très vieux ancêtres.
« Ce que l’on sait par exemple c’est qu’ils sont les premiers à avoir eu une mâchoire et des dents, mais leurs dents n’avaient pas encore d’émail qui est clé pour nous, car nos dents sont plus molles et s’abiment plus vite. »
Les placodermes ont fini par disparaître à la fin du Dévonien à la suite d’une extinction de masse. Difficile d’expliquer pourquoi exactement, car les informations relèvent en partie de l’interprétation.
« On sait qu’il y avait de la prédation entre eux, les adultes piscivores faisaient de la prédation sur les juvéniles. Sur la fin du Dévonien, la taille des ancêtres des requins commence à évoluer. Il y avait donc beaucoup plus de compétition pour la nourriture et ce ne serait pas étonnant qu’ils soient devenus les proies de certains requins. »
Les changements climatiques et environnementaux ont aussi probablement participé à cette extinction.
Pour ce qui est de la suite des événements, c’est beaucoup de travail qui attend Melina Jobbins, qui se dit très fière de sa découverte.
« Je vais faire beaucoup de terrain, il n’y en a pas assez. On va pouvoir explorer différentes régions et différentes périodes du Dévonien, ça va me permettre de comprendre comment la diversité de poissons au Manitoba a évolué avec le temps et faire des parallèles sur une plus grande échelle.
« Il y aura aussi des projets plus grands sur l’origine des dents. »
Il est possible d’observer l’Elmosteus lundarensis et les fossiles découverts au musée des sciences géologiques qui restera ouvert la semaine pendant l’été.
En plus des nombreux fossiles à découvrir, le musée propose toute sorte de géodes, de minéraux et de roches.