La francophonie manitobaine évolue. Cette diversité nouvelle se fait sentir dans les arts, où les histoires venues d’ailleurs s’ajoutent au tissu culturel local, offrant de nouvelles perspectives et élargissant le sentiment d’appartenance.
Au sens large de sa définition, la culture est un ensemble de traits qui caractérisent une société.
L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), parle de traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs.
En sociologie, l’on dira plutôt que la culture englobe l’ensemble des connaissances, des croyances, les arts, la morale, les lois et tous autres éléments acquis qu’une société partage et transmet.
Finalement, peu importe la définition que l’on préfère, une chose est certaine, culture et société sont indissociables.
C’est donc sans prendre trop de risque que l’on peut dire que l’un se fait le miroir de l’autre.
Dans le domaine artistique, la communauté francophone du Manitoba illustre parfaitement cela.
Le Festival du Voyageur, la LIM, le Théâtre Cercle Molière (TCM), les éditions du Blé, celles des Plaines, le 100 Nons et d’autres encore, tant d’organismes qui ont vu le jour pour se faire justement le reflet de leur communauté.
En 2024, le Manitoba accueillait un nombre record de migrants (9 540). Et il est évident que cette immigration a quelque peu changé le visage de la francophonie ici dans les prairies.
Un changement de public
Au TCM, la question des publics est devenue centrale dans l’élaboration de la programmation sous la direction artistique de Geneviève Pelletier. Elle se devait de représenter la diversité de la communauté.
« Depuis que j’ai commencé il y a 12 ans, la communauté a beaucoup évolué. L’idée était de prendre le pouls et de comprendre ce qu’était la communauté aujourd’hui. Par le questionnement de ce qu’est le public, vient aussi la question de la représentativité », explique Geneviève Pelletier.
« Si les gens ne se voient pas sur scène, s’ils ne se retrouvent pas? On s’est demandé comment l’on pouvait aller séduire des publics issus de la diversité culturelle pour venir au Cercle Molière, pas seulement en tant que client, mais aussi comme membre actif de l’essor communautaire. »
L’on pense alors à l’art et au théâtre, comme des vecteurs de cohésion sociale.
« Dans une salle on se retrouve, c’est un rassemblement communautaire et c’est très important, mais quand la communauté a changé, il fallait transposer ce sentiment communautaire et l’étendre aux personnes issues de l’immigration et de la diversité. »
Dès lors, il fallait leur laisser l’espace nécessaire pour faire partie intégrante du monde culturel franco-manitobain.
L’ancienne directrice artistique du TCM, en est convaincue, l’art et la culture sont des outils d’intégration, à condition que l’on fasse de la place sur les planches.
« On demande à ces personnes (immigrantes) de prendre place dans une communauté, mais il faut aussi leur donner les moyens de se manifester, d’être représentés. »
Dans le cadre du TCM, cela s’est fait par des ateliers de formations, où simplement en faisant venir des spectacles de l’extérieur.
« Plus les gens ont une empreinte dans la culture, plus ils sont susceptibles de rester sur le territoire. »
Un changement d’offre
En toute logique, l’offre culturelle a subi elle aussi des évolutions.
« La façon de raconter une histoire est propre à une culture et quelque part, lorsqu’une culture commence à s’intégrer, elle vient influencer la façon dont on crée ».
C’est le constat que tire Geneviève Pelletier, mais que l’on peut étendre à d’autres domaines. Notamment celui de la littérature.
« On voit beaucoup l’influence de l’immigration dans nos publications », assure Marie Berckvens, directrice générale des Éditions du Blé.
Elle cite en exemple, Sébastien Gaillard, ou Seream, originaire de France qui a publié plusieurs recueils de poésie, mais aussi Babacar Léna Diamé Ndiaye, lui aussi poète et originaire du Sénégal.
« La francophonie au Manitoba, on sait qu’elle est plurielle, multiple. Alors c’est certain que ça se reflète dans les parutions. »
Le bassin d’auteurs au Manitoba est plus large, et au-delà de cela, dans la nature même des histoires ou des poésies qui sont publiées, l’immigration joue un rôle central.
« Immigrer, s’installer dans une autre région du monde, ça fait parfois naître des histoires et c’est là que ça devient intéressant. Parce que le public a besoin, lui aussi, de se reconnaître dans les histoires qu’il lit », note Marie Berckvens.
Le public lui-même issu de l’immigration y trouve son compte donc, mais il en va de même pour les lecteurs nés au Manitoba. Ces auteurs qui viennent d’ailleurs apportent avec eux une vision nouvelle sur le territoire qu’ils occupent désormais.
« C’est enrichissant. Ça ouvre le regard des gens qui sont là depuis longtemps et je pense que c’est bénéfique pour tout le monde. »
Pour se rendre compte de l’effet de l’immigration sur le contenu littéraire de l’Ouest, il suffit de se pencher sur l’anthologie poétique publiée par les Éditions du Blé à l’occasion de ses 50 ans, en septembre 2024. Poésie franco-ouestienne, 1974-2024, retrace l’histoire de la poésie et l’on y trouve « une grande diversité », comme le souligne la directrice générale.
« Les personnes qui font la poésie du Manitoba sont aussi originaires du Sénégal, de Haïti, de France et j’en oublie. Ils viennent de tout un tas de régions francophones du monde. »
Et en décidant de vivre ici, ils ont amené avec eux, un peu de leurs terres natales.
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté