Par Julie BÉLANGER-BELLEY.

Imaginons : vous venez tout juste de recruter la bonne personne.

On célèbre? Pas tout de suite…

Quelques jours plus tard, votre nouvelle recrue vous annonce que son employeur actuel lui a fait une contre-offre : une augmentation, une promotion, peut-être même plus de vacances. Ce scénario, autrefois rare, est aujourd’hui devenu fréquent.

En contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, les entreprises n’hésitent plus à « racheter » leurs talents… juste avant qu’ils ne quittent.

Recruter ne suffit plus : il faut séduire jusqu’au bout.

Aujourd’hui, les candidat·e.s pèsent chaque décision. Ils sont influencés par leur entourage, leur gestionnaire actuel… et leurs propres hésitations.

Voici quelques mesures pour prévenir ces revirements :

  1. Parlez des contre-offres dès l’entrevue
    Demandez clairement aux candidat·e.s ce qu’ils feraient si leur employeur actuel tentait de les retenir. Les signaux d’alerte sont souvent visibles dès le départ. Autant les voir venir.
  2. Comprenez les vraies motivations
    Si le changement est uniquement motivé par une hausse de salaire, attention! Ce type de motivation est facilement récupérable par leur employeur actuel. Ce n’est pas à vous de jouer à qui paie le plus.
  3. Maintenez le lien jusqu’au jour 1
    Le moment où une offre est acceptée est crucial. Un silence entre l’acceptation et l’entrée en poste est un terrain fertile pour les doutes… et les contre-offres. Restez en contact. Démarrez l’accueil et l’intégration.
  4. Clarifiez ce qui vous distingue
    Parlez de votre culture, de vos valeurs, de vos projets. Présentez votre organisation, pas juste le poste. C’est souvent l’expérience globale qui fait pencher la balance.
  5. Multipliez les points de contact
    Offrez une rencontre additionnelle avec un membre de l’équipe ou un gestionnaire. Cela renforce la relation et développe la confiance dès le départ.
  6. Travaillez avec des pros RH
    Des recruteurs expérimentés savent repérer plusieurs drapeaux rouges. Ils vous éviteront de perdre du temps avec ceux qui « magasinent » une augmentation chez leur employeur actuel.
  7. Sachez quand lâcher prise
    Une personne qui hésite aujourd’hui risque fort d’être instable demain. Recruter, c’est aussi savoir faire preuve de jugement.

Et si une contre-offre survient… chez vous?

Et si cette fois, la contre-offre ne vient pas de l’employeur d’un·e candidat·e… mais d’un membre de votre équipe?

Un matin, un membre clé de votre équipe vous annonce qu’il a reçu une offre ailleurs et qu’il s’apprête à l’accepter. Que faire?

D’abord, évitez de paniquer. Écoutez. Ensuite, posez les bonnes questions : Qu’est-ce qui motive ce départ? Est-ce une question de salaire, de reconnaissance, d’environnement de travail?

Si c’est une question purement financière et que vous avez la marge de manœuvre, une contre-offre peut s’envisager. Mais attention : elle ne doit pas devenir un réflexe. Elle n’est utile que si elle s’inscrit dans une démarche sincère de réajustement à long terme.

Si la personne part à cause d’un manque d’évolution, d’une perte de sens ou d’un climat d’équipe difficile, ajouter des zéros sur une paie ne changera rien. Une contre-offre mal alignée peut même avoir un effet boomerang.

Et surtout : attention au précédent que cela peut créer. Si vos employé·es constatent que seul un avis de départ déclenche une révision de leur valeur, vous encouragez malgré vous une culture de chantage silencieux. Cela nuit à la loyauté et fragilise la confiance collective.

Les données sont claires : un·e employé·e qui accepte une contre-offre quitte souvent dans l’année suivante. Pourquoi? Parce que les causes profondes – manque de reconnaissance, absence de perspectives, climat toxique – ne sont pas réglées par une simple hausse de salaire.

Pire encore, une contre-offre peut envoyer un message nuisible : « Ici, on t’écoute… seulement quand tu annonces ton départ. » Cela crée un précédent dangereux, qui mine la confiance et encourage la négociation par le chantage.

Parfois, malgré tous vos efforts, la personne partira quand même. Et c’est correct. Ce qui importe, c’est de tirer des leçons et d’ajuster votre approche globale de fidélisation.

Comment répondre à cette contre-offre?

La question inévitable : devez-vous faire vous-même une contre-offre pour garder la personne que vous venez tout juste de recruter?

Parfois, oui, c’est justifié :

Le coût du remplacement est élevé.
La personne détient une expertise difficile à transférer.
Devoir reprendre le processus pourrait déstabiliser toute l’équipe.

Vers une culture d’intéressement (et non de rétention)

Même le mot « rétention » est en transformation dans le monde des RH. Il évoque l’idée de retenir, donc de forcer. En 2025, on parle plutôt d’intéressement : comment créer un environnement où les gens ont envie de rester, de s’investir et d’évoluer.

Oui, cela commence par une rémunération équitable. Mais ça ne s’arrête pas là. L’évolution professionnelle, le sens au travail, la reconnaissance authentique et la confiance sont les vrais leviers de fidélisation durable.

Conclusion : prévenir plutôt que rattraper

Recruter aujourd’hui, c’est anticiper demain. Une stratégie d’intéressement ne doit pas être une réponse à une démission, mais une culture vivante, incarnée, qui valorise les gens avant même qu’ils se posent la question de partir.

Et si, malgré tout, un bon employé ou une bonne employée s’en va? Il faut parfois avoir l’humilité d’accepter que son cycle chez vous est terminé.

L’objectif n’est pas d’empêcher les départs. C’est de donner envie de rester.