La marche des fiertés de Steinbach devait avoir lieu le samedi 13 septembre. Elle a été annulée à la suite de menaces et d’inquiétudes liées à la sécurité des participants.

Une annulation qui rappelle que les discriminations persistent, mettant en évidence la nécessité de protéger les personnes de la communauté 2SLGBTQ+ au Manitoba.

Pour des raisons de sécurité, les organisateurs ont décidé d’annuler la marche de Steinbach.

Chris Plett, président de Steinbach Pride, a été sollicité par La Liberté, mais n’a pas pu accorder d’entretien.

Presque dix ans après sa première édition, cette annulation soulève de nombreuses interrogations sur le climat actuel à travers le Manitoba.

Les discours de haine contre la communauté 2SLGBTQ+ sont en augmentation au Canada.

Bien que la Charte canadienne des droits et libertés protège la liberté d’expression, il existe des exceptions et les discours de haine et autres discours qui portent atteinte à l’ordre public, à la dignité humaine et à la sécurité d’autrui, sont interdits par la loi.

Pourtant, si l’on en croit le président de la Pride de Winnipeg, Barry Karlenzig, le niveau de menaces reçues est fortement en croissance, notamment avec le climat actuel aux États-Unis. Il explique recevoir « beaucoup plus de discours haineux, surtout en ligne ».

Assurer la sécurité

« Le climat au Manitoba, et en particulier à Winnipeg, est tel que nous constatons que les discours haineux sont de plus en plus ciblés. Si l’on prend l’exemple de Winnipeg Pride, ce qui était autrefois un phénomène mensuel, devient désormais quotidien », déclare Barry Karlenzig.

Selon une enquête menée en 2022 par Statistique Canada, dans le cadre du Plan d’action fédéral 2SLGBTQ+ près de 21 % des personnes interrogées déclarent ne jamais, ou rarement, avoir ressenti un sentiment de sécurité lorsqu’elles expriment de l’affection à un partenaire en public.

En 2023, ce sont 39 % des personnes 2SLGBTQ+ interrogées qui déclarent avoir subi des formes de violences homophobes, transphobes ou des discriminations liées à leur identité ou à leur orientation sexuelle.

Souvent, ces violences ont lieu sous formes d’insultes et d’abus verbaux (90%), ou encore en ligne sur internet (51%) comme le soulignait Barry Karlenzig.

Toujours parmi les personnes interrogées, 91 % n’ont pas porté plainte, mis en cause, le manque de confiance envers la police, ou encore la peur de ne pas être pris au sérieux (1).

Dans le cas de la Winnipeg Pride, l’organisation assure avoir demandé au gouvernement fédéral d’investir des fonds destinés à assurer la sécurité de ces marches, mais aussi à assurer la sécurité de la communauté queer dans son ensemble.

À l’inverse du gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et la Ville de Winnipeg « sont restés silencieux face à la situation », déplore Barry Kalenzig.

Face à cette réalité, l’organisation winnipégoise affirme avoir augmenté ses mesures de sécurité de 40 % depuis 2019.

L’organisation a également mis en place un soutien logistique pour d’autres petites Pride à travers la province, notamment par le biais de la Manitoba Pride Alliance dont Barry Kalenzig est membre, « de façon à ce que les communautés rurales à travers la province aient une voix, car ce qui se passe à Winnipeg diffère de ce qui se passe à Steinbach, ou Brandon par exemple, donc on doit s’assurer que ces marches des fiertés ont une voix et du soutien ».

La création, deux ans plus tôt, de la Manitoba Pride Alliance s’inscrit dans une logique de convergence et de solidarité.

Ainsi, si une des organisations de la province « se sent menacée ou à risque, dit-il, ils peuvent nous contacter et travailler avec notre service de sécurité, du soutien a été offert à Steinbach, qui malheureusement a dû reporter, ce qui était la chose à faire ».

Grandes et petites villes

D’après Barry Karlenzig, il existe un nombre de 19 organisations des marches des fiertés dans l’ensemble du Manitoba, et ce qui ressort de l’organisation de ces marches des fiertés, c’est le manque d’appui des autorités locales.

Le président de Winnipeg Pride, actif au sein de l’organisation depuis 2019, insiste sur les raisons qui ont poussé à la création de la Manitoba Pride Alliance.

L’objectif premier est de donner une voix, mais aussi d’apporter du soutien aux Pride organisées en dehors de Winnipeg.

La décision d’annuler est comprise, respectée et saluée par le président de la Winnipeg Pride Alliance, ou même de la Pembina Valley Pride, qui tous soulignent la difficulté dans cette prise de décision tout en partageant leur soutien.

En annulant la Pride, l’organisation de la marche des fiertés de Steinbach a priorisé la sécurité.

Ne disposant pas « des fonds nécessaires, elle a dû choisir entre tenir la marche ou assurer la sécurité de l’équipe et des participants – un choix qui ne devrait jamais avoir à se poser selon le président de Winnipeg Pride.

Vingt ans après la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, cette situation illustre le manque de soutien institutionnel suffisant pour garantir la sécurité de tous. L’absence de cette fête résonne comme un rappel des défis quotidiens auxquels fait face la communauté 2SLGBTQ+ au Manitoba.

« Dans beaucoup de petites villes, le climat est tel que des gens ont dû quitter leur communauté d’origine pour venir à Winnipeg, afin de pouvoir vivre et être la version d’eux-mêmes la plus authentique. Ce n’est pas normal, ajoute-t-il, on devrait pouvoir être soi-même où que l’on vive. »