De nombreux étudiants se plaignent de bus bondés, de trajets rallongés ou d’attentes interminables. Le témoignage de Sympho Ndjibu, étudiante à l’Université de Saint-Boniface, illustre un ressenti que confirment les syndicats étudiants de la ville.
Tous les matins, Sympho Ndjibu calcule son temps de trajet avant le début de ses cours. Étudiante en quatrième année à l’Université de Saint-Boniface (USB), elle dit mettre une heure pour rejoindre son campus universitaire.
« Avant, mes amis qui habitent dans le même secteur me disaient qu’ils mettaient 45 minutes. Mais depuis les changements récents, je dois prendre deux bus au lieu d’un seul, avec une correspondance. Ça rallonge le trajet », explique-t-elle.

Sympho Ndjibu nous donne l’exemple du bus 10 qui, avant les changements, passait en face de l’USB, à l’arrêt Cathédrale, et reliait directement le centre-ville, offrant alors la possibilité aux étudiants de prendre des correspondances.
Il ne reste, à ce jour, que le bus 888, offrant un service limité avec une fréquence de 30 minutes.
« On doit aller plus loin, sur le boulevard ou vers le pont pour avoir un bus qui va vers le centre-ville et ensuite prendre un autre bus, et ça prend du temps », dit Sympho Ndjibu. Pour l’instant, elle n’a manqué aucun cours, mais comme beaucoup d’étudiants, elle anticipe les retards de l’hiver. De façon générale, elle souhaiterait « plus de bus, surtout aux heures de pointe ».
Les responsables de Winnipeg Transit, justifient ces changements par un objectif d’efficacité. Björn Rådström, responsable du développement des services de transport à Winnipeg Transit, explique l’écart entre prévision et la réalité.
Pour lui, le bus 10 qui passait devant l’USB illustre ce compromis. Maintenant, les étudiants doivent marcher jusqu’à l’arrêt Provencher, « mais ils disposent du F7 et FX4, des offres donc plus fréquentes que ce qui existait auparavant et beaucoup mieux desservies », justifie-t-il.
Un même son de cloche
Le mécontentement de Sympho Ndjibu est à l’image des nombreuses critiques à l’encontre du réseau de bus winnipégois.
Selon un sondage mené sur l’application Instagram par le syndicat étudiant de l’Université du Manitoba (UMSU), 92 % des étudiants qui ont répondu estiment que la situation a empiré.
Du côté de l’Université du Manitoba, campus le plus large en termes d’étudiants et de surface, l’irritation des étudiants est plus que palpable.
Le président du syndicat étudiant (UMSU), Prabhnoor Singh, explique que les étudiants viennent souvent se plaindre « que leurs trajets sont maintenant deux fois plus longs, avec davantage de correspondances et plus de confusion dans les lignes ».
Tout comme Sympho Ndjubi de l’USB, Prabhnoor Singh évoque déjà l’hiver qui arrive : « Les bus bondés aux heures de pointe ne s’arrêtent parfois même pas, ce n’est pas encore l’hiver, mais la situation risque d’être catastrophique pour ceux qui attendent dehors aux arrêts de bus qui n’ont, pour certains, même pas d’abri ».
À l’Université de Winnipeg, même son de cloche. Le président du syndicat étudiant (UWSA), Alan Saji Koshy, explique que, pour lui, si les étudiants du centre-ville profitent de trajets plus courts et plus rapides, ceux qui vivent en périphérie sont pénalisés, tout comme peut l’être Sympho Ndjubi de l’USB.

Un constat similaire à celui de Prabhnoor Singh, président du syndicat UMSU.
Les deux présidents font le lien entre l’efficacité des services de transports en commun et la réussite académique : « Mettre une heure pour rentrer chez soi, c’est une heure perdue qui aurait pu être consacrée à étudier ou à se reposer », selon Alan Saji Koshy de l’UWSA. Le président de l’UMSU, Prabhnoor Singh, ajoute : « les étudiants ne devraient pas avoir à passer autant de temps dans les transports au lieu d’étudier, avoir à sauter le petit-déjeuner, ou encore avoir à réorganiser leur vie entière en fonction des services de bus ».
Ces critiques, Björn Rådström les entend, mais pour lui, elles font état d’une période de transition et d’une difficulté d’adaptation à un service nouveau, qui suit des logiques différentes de l’ancien. Il affirme que « c’est un changement énorme, et qu’il y aura forcément d’autres changements à venir ».
Sous les directives du conseil de la ville, ce système de réseau a été lancé un an plus tôt que sa date initiale, et sur les « 20 millions $ de budget alloués pour ce nouveau réseau, ce n’est qu’un peu moins de la moitié de cette somme qui jusqu’à présent a été dépensée, poursuit-il, nous avons donc encore beaucoup à planifier et à installer, notamment de nouveaux abribus ».
Des changements à venir
Au-delà de la qualité et de la fréquence, les préoccupations restent la qualité et la sécurité dans les transports.
À l’heure où certains usagers se plaignent de la station d’Osborne, envahie par les pigeons, et où des discussions s’ouvrent sur la possibilité d’avoir des agents de police dans les transports, la priorité semble être à l’écoute et l’observation.
Si Sympho Ndjibu dit se sentir « en sécurité dans le bus », elle reconnaît qu’attendre longtemps sa correspondance le soir peut être une source d’anxiété et que parfois, elle préfère marcher.
À l’Université de Winnipeg, consciente de ces enjeux, l’université a mis en place un programme appelé SafeWalk, afin d’accompagner les étudiants jusqu’à leur arrêt de bus, par exemple.
Björn Rådström reconnaît que le manque d’offres en soirée reste un problème. Il affirme que les efforts ont été, pour l’instant, concentrés sur les heures de pointe. Toutefois, des changements sont à venir.
« Le comité des travaux publics a demandé de développer un plan d’amélioration du service en soirée et de nuit, qui sera soumis au conseil en novembre pour être éventuellement intégré au budget de 2026. »
La question du transport public n’est pas simplement une question de logistique, c’est aussi une question de justice sociale. L’efficacité des services de transports contribue à l’intégration et à l’épanouissement académique des étudiants.
En somme, la demande est assez simple, dans une ville où l’étalement urbain peut compliquer les mobilités : prendre en compte les réalités des usagers.
Selon le président de l’UMSU, Prabhnoor Singh, c’est comme si « le nouveau système avait été pensé pour être efficace, mais qu’en réalité ça ne fonctionne pas ».
Il confie également être en train de planifier une rencontre avec la Ville, afin de discuter des défis rencontrés, et de ce nouveau système qui semble compliquer la vie des étudiants.
Cependant, Björn Rådström, affirme que Winnipeg Transit a déjà mené plusieurs consultations auprès des universités, par le biais de sondages ou de rencontres sur le campus.
Pour Björn Rådström, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, « les usagers doivent utiliser et se familiariser avec ce système ».
Chaque automne, les étudiants ajustent leur emploi du temps et les flux d’usagers se stabilisent encore, il faut donc plus de recul sur la situation.
De plus, après avoir « changé quasiment toute la ville, ce n’est certes pas parfait, souligne Björn Rådström, nous devons entendre ce qui ne fonctionne pas, mais nous devons aussi entendre les choses qui fonctionnent pour ne pas baser nos changements uniquement sur les commentaires négatifs, et éliminer les services qui fonctionnent pour certains usagers, et ça, on ne l’a pas entendu », conclut Björn Rådström.