Alors que l’année scolaire est déjà entamée depuis quelques semaines, la question de l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle dans les salles de classe reste un débat qui peut animer les directions d’école.
Emmanuel Duplàa, professeur titulaire, Faculté d’éducation et Directeur du Programme de développement professionnel à l’Université d’Ottawa, s’est également intéressé au sujet.
Ses recherches incluent les technologies éducatives, le cyberapprentissage, les jeux vidéo éducatifs et les littératies numériques.
« Le problème n’est pas l’interdiction ou l’autorisation totale, il faut vraiment accompagner à la formation. Car ça va être toujours plus présent », souligne d’abord Emmanuel Duplàa.
Un point de départ, pas un point final
Pour le professeur, l’IA n’est pas un tout, mais une aide à l’apprentissage. « Des gens l’utilisent comme un produit final. J’ai eu plusieurs étudiants qui l’ont utilisé comme un produit final, ça n’a pas bien marché dans leurs examens », prévient-il.
Emmanuel Duplàa plaide pour une utilisation avec certaines précautions. « Il y a plein de recommandations pédagogiques qui arrivent un peu partout, comme produit initial, c’est-à-dire qu’on démarre avec ça, puis après il faut valider. Et donc, à long terme, ça demande un gros développement de la pensée critique. »
L’IA permet la démocratisation du savoir, selon Emmanuel Duplàa. « Ça donne accès quand même à énormément de connaissances. Pour quelqu’un qui ne connaît rien à un sujet, c’est un point de départ fantastique. Maintenant, si on pense qu’on devient expert avec ça, c’est le même problème : ça ne suffit pas. »
Emmanuel Duplàa détaille quelques utilisations de l’IA pour lesquelles elles peuvent être pertinentes dans une salle de classe.
« L’on peut penser au langage. J’écris en anglais et je me fais corriger mon anglais par l’intelligence artificielle, tout en gardant mes structures. Ce n’est pas pour faire produire du texte ni pour traduire automatiquement, mais se faire corriger par l’intelligence artificielle, là c’est intéressant.
« Aussi, en histoire. Je cherche un point d’histoire avec une intelligence artificielle. Je vois ce qui est raconté, certaines IA me donnent aussi les sources, les références. C’est là des pratiques intéressantes qu’il faut ensuite développer pour les enseignants. C’est un point de départ pour ensuite vérifier et construire. »
Conserver l’envie d’apprendre
Si les enseignants ont une place centrale pour accompagner cette utilisation de l’IA dans les salles de classe, les élèves ont aussi une part de responsabilité.
À l’heure où il est possible d’avoir toutes les réponses possibles sous toutes les formes en interrogeant quelques minutes une IA, comment continuer à partager l’envie d’apprendre?
Comment garder un élève motivé et curieux d’apprendre dans ce contexte?
« Il y a deux profils d’élèves. L’étudiant qui court pour la note, et il y a l’étudiant qui court pour comprendre », fait remarquer Emmanuel Duplàa.
« Avec ces outils-là, si vous faites courir vos élèves pour la note, ça ne va jamais marcher. Ils vont vous recracher les réponses de l’IA. Ces élèves seront les grands perdants.
« Si vous faites courir l’élève pour qu’il comprenne, avec un usage initial, c’est sur ça demande une transformation des cours. Ça ne va pas se faire tout de suite. Mais je vois une hausse de la motivation. Toutes les données que j’ai sur l’utilisation active des technologies où je mets les étudiants en situation de faire, c’est très positif.
« Alors, bien sûr, j’accompagne, j’apporte mon expertise. Mais c’est super motivant parce que c’est eux qui choisissent ce qu’ils veulent apprendre. »
Emmanuel Duplàa rappelle par ailleurs que ses étudiants, mais plus généralement dans la publication scientifique, si de l’IA a été utilisée, il faut le notifier.
De manière générale, Emmanuel Duplàa recommande aux commissions et aux divisions scolaires de démystifier ce sujet pour trouver les usages possibles.
Ça prend tout de même de la formation concède-t-il.
« Les enseignants sont déjà très bons, mais il faut garder en tête la pensée critique et se former à l’algorithmique et à la pensée informatique. Tous mes cours d’IA commencent par de l’algorithme pour comprendre comment pense la machine.
« C’est de la production textuelle. Il n’y a rien de magique », lance-t-il.
Pour rappel, au Manitoba, des initiatives se lancent pour mieux comprendre ces sujets. La Province, avec d’autres partenaires, travaille à la mise en place d’une plateforme qui devrait voir le jour dans sa version bêta à l’automne 2026. Le fonctionnement des algorithmes et l’utilisation de l’intelligence artificielle devraient notamment faire partie de ce projet.
Du côté francophone, la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) avait annoncé à la fin de l’année dernière la création d’un comité chargé d’établir des directives administratives qui devait se pencher sur l’encadrement de l’utilisation de l’IA.