Le changement de couleurs de nos forêts relève de bien plus que d’une question d’esthétique. Le cycle des saisons est le résultat d’une adaptation constante des arbres à leur environnement, un environnement qui se réchauffe dangereusement.

Au grand désarroi de beaucoup de Manitobains, l’été est officiellement terminé et l’on est maintenant au plein cœur de l’automne.

Pour nous, cela veut dire que les couches de vêtement désormais vont commencer à se multiplier, mais pour les arbres, au contraire, l’on va en retirer quelques couches.

L’automne est toujours accompagné d’une myriade de couleurs, les forêts manitobaines se parent de rouge, d’orange et de jaune.

Laurent Lamarque, chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada, rappelle que ce phénomène est en réalité le fruit de l’adaptation des arbres à leur environnement.

C’est la réduction de la durée du jour qui vient enclencher le mécanisme.

« Le mécanisme derrière est déjà entamé parce qu’elles sentent que la durée du jour diminue et qu’on s’en va vers l’automne et après l’hiver. »

Les arbres commencent alors à ralentir leur production de chlorophylle, qui donne la couleur verte aux feuilles et permet la photosynthèse.

Les cellules de chlorophylle se dégradent et laissent la place à d’autres pigments présents dans les feuilles.

Les caroténoïdes sont responsables des teintes jaunes et oranges.

Et les anthocyanines leur donnent une couleur rouge. Un processus essentiel pour la survie de l’arbre.

« Les anthocyanines vont servir de protection aux feuilles, explique le biologiste spécialisé. Un peu comme une crème solaire pendant que les feuilles fonctionnent encore. Ce processus permet en fait aux arbres de récupérer les nutriments comme l’azote et le phosphore contenus dans la chlorophylle avant que les feuilles ne tombent et nourrissent le sol. »

Il s’agit en fait d’un cycle vertueux. Les feuilles qui tombent nourrissent le sol, qui à son tour nourrit les arbres environnants, et l’histoire se répète chaque année.

L’autre raison pour laquelle les arbres à feuilles larges préfèrent s’en séparer pendant l’hiver, c’est pour éviter les « blessures » que peut causer l’accumulation de neige.

Toutefois, certains chênes gardent des feuilles brunes, pour protéger notamment leurs bourgeons des herbivores. À noter que l’on parle ici des arbres feuillus et pas des conifères, qui ont un mode de fonctionnement différent.

« Il privilégie une croissance qui est plus lente, mais conserve leurs aiguilles pendant plusieurs années », explique Laurent Lamarque.

Il indique tout de même qu’il existe une espèce de conifère au Manitoba, le Mélèze Laricien, qui est le seul de son espèce à perdre ses aiguilles en hiver.

Les enjeux du réchauffement climatique

Ces mécanismes, comme mentionné plus tôt, sont le fruit de millions d’années d’adaptation.

Aujourd’hui, la hausse des températures et les sécheresses de plus en plus fréquentes risquent de bousculer le système en place.

Et cela peut avoir un impact direct sur leur capacité de photosynthèse.

Un processus essentiel pour la survie des arbres, le recyclage du dioxyde de carbone et la production d’oxygène.

« En période de sécheresse intense, les arbres vont fermer les stomates, des pores qui se trouvent sur leurs feuilles, de façon continue pour garder l’eau. Le risque, c’est qu’ils puisent trop souvent dans leurs réserves et s’affaiblissent. »

Ce sont ces stomates qui permettent, entre autres, la production d’oxygène.

De plus, la fermeture de ces pores réduit la production d’anthocyanines et cela peut rendre les couleurs automnales plus ternes. Après un été marqué par des feux de forêt particulièrement véhéments, notamment en raison de la sècheresse, Laurent Lamarque observe que la majorité des arbres ont probablement interrompu leur processus de photosynthèse.

Mais les dégâts ne se limitent pas à cela. Les incendies modifient aussi la composition des forêts. Certaines espèces, comme le pin gris, ont besoin de la chaleur des feux pour disperser leurs graines et se reproduire.

Or, comme le précise le chercheur, si les incendies deviennent trop récurrents, et détruisent des parcelles de terre où les arbres n’ont pas eu le temps d’atteindre la maturité nécessaire à la reproduction.

« L’espèce peut être perdue. »