Dyslexie Canada et la Commission des droits de la personne du Manitoba ont publié un rapport sur le Droit de lire au Manitoba. Ce dernier souligne l’importance d’une approche plus structurée et équitable pour que chaque élève, peu importe ses difficultés, puisse accéder pleinement à la littéracie.
Dyslexie Canada a publié la première partie de son rapport sur le droit de lire au Manitoba.
Un rapport dirigé par la Commission des droits de la personne du Manitoba et dont l’objectif est de trouver le moyen d’aider tous les élèves du Manitoba à améliorer leur compétence en littéracie et assurer qu’ils aient accès à leur droit de lire.
À l’occasion de la publication de ce rapport, une soirée de lancement s’est tenue au CCFM le jeudi 30 octobre.
L’évènement s’est déroulé dans une salle Jean-Paul Aubry comble où parents et enfants ont pu partager leurs expériences.
Au Canada, l’on estime que 750 000 enfants et environ 5 millions d’adultes sont atteints de dyslexie.
Entre 30 et 45 % des élèves terminent leur troisième année sans les compétences de lecture adéquate. Or, 70 % d’entre eux rencontreront alors des difficultés avec la lecture tout au long de leur vie.
Des obstacles systémiques
Karmen Sharma est la directrice générale de la Commission des droits de la personne du Manitoba.
Elle explique que le rapport a également permis de définir quels étaient les principaux défis et barrières à l’apprentissage. « Ce rapport illustre nos découvertes initiales qui semblent limiter nos élèves. »
Et la plupart semblent être systémiques.
« Nous nous sommes intéressés à la façon dont nous enseignons la lecture aux enfants dans la province et certaines des méthodes employées ne sont pas basées sur les données et les besoins des élèves. Nous devons adopter, partout dans la province, une approche qui est soutenue par la recherche. »
La façon dont nous approchons l’enseignement de la lecture n’est pas assez inclusive et laisse souvent de côté les élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage ou souffrant de dyslexie.
« Nous devons avoir, pour tous les élèves, une instruction systématique et explicite dans les compétences nécessaires pour débloquer le code écrit de la langue. Pour les personnes qui ont des difficultés, ces compétences doivent être construites à travers une instruction directe. »
Ce que souligne Karen Sharma, c’est que le rapport met en lumière une inégalité entre les étudiants lorsqu’il s’agit d’apprendre à lire. Pour ceux qui font face à des difficultés, les conséquences sont durables.
« Ça réduit le taux d’accès aux études postsecondaires, ce qui influe plus tard sur leur voie économique. Les conséquences sont donc limitantes et l’on sait qu’il existe un lien entre le niveau de littéracie et les indicateurs socio-économiques. »
Les personnes ayant un niveau de littéracie bas seraient plus susceptibles de faire face à des défis de santé mentale.
Plus enclins à consommer de la drogue et à être confronté à des problèmes de pauvreté et d’itinérance.
« Ça fait partie de nos recommandations, il faut que l’on crée un changement au niveau systémique. »
Karen Sharma laisse tout de même savoir que les ressources manquent encore pour le moment dans la province, pour mettre en place une approche basée sur la recherche.
« Certaines étapes ont été prises pour voir comment changer notre curriculum provincial en anglais. Il faut maintenant que l’on suive les mêmes étapes pour les programmes français. Mais nous avons encore besoin d’un meilleur soutien pour nos éducateurs, pour l’accès aux garderies également. Il faut s’assurer que tous les élèves de notre province aient accès aux ressources dont ils ont besoin le plus tôt possible. »
Vers un dépistage universel
Dans la liste des recommandations du rapport figure aussi la mise en place d’un dépistage universel pour la dyslexie.
D’ailleurs, le projet de loi 225 propose de modifier la Loi sur les écoles publiques (1) en instaurant un dépistage systématique des troubles d’apprentissage. La Loi entrera en vigueur si elle est sanctionnée avant le 1er juillet 2026.
Au cours de la soirée, La Liberté a eu l’occasion de s’entretenir avec trois mères de famille, dont au moins un des enfants est dyslexique. Toutes les trois ont confié que l’une des plus grandes sources de frustration, c’est de s’entendre dire de la part des institutions, que « tout va bien ».
« On était toujours inquiet, malgré ce que disait l’école. Alors, on a décidé de lui faire faire à Hazel une évaluation privée », raconte Colette Pancoe.
Une évaluation qui se chiffre aux alentours des 3 000 $ et qui doit être faite par un psychologue ou un pédiatre.
Et Colette Pancoe n’est vraisemblablement pas la seule à être passée par là, puisque Laura Jones rebondit.
« Certaines assurances couvrent ces frais en partie, mais ce n’est pas complètement remboursé. »
Geneviève Shyiak est maman d’une enfant dyslexique et enseignante. Elle explique que le rapport du professionnel de santé peut ensuite être partagé avec l’école.
Elle explique toutefois, « il y a un manque de ressources. On ne peut pas donner à ces enfants le soutien dont ils ont besoin ».
« Pour ma fille, ils m’ont dit qu’ils feraient de leur mieux. Mais les enseignants ne sont pas tous formés à cela. »
Dans ce cas-là, la responsabilité incombe aux parents d’effectuer le travail nécessaire à la maison, en plus des heures d’école.
À noter également qu’une grande partie de la population passe à travers les mailles du filet et traverse leur scolarité sans savoir qu’ils sont dyslexiques.
Toutes les trois s’accordent sur la nécessité d’adopter une nouvelle approche plus structurée « pour donner les mêmes chances à tous les élèves ». Colette Pancoe a pris la décision de changer sa fille d’école pour l’inscrire dans le privé. Plus onéreux, mais mieux équipé.
Il en allait de la littéracie de sa fille, mais aussi de sa confiance en soi. Hazel, 11 ans, confie qu’elle ne se sentait pas très à l’aise à l’école avant d’en changer.
« Je pensais que j’étais vraiment stupide et que je n’arriverais jamais à lire. »
En raison de ces difficultés, l’école dans laquelle se trouvait Hazel au départ lui a permis de participer à un programme de « littéracie structurée » appelé le programme Barton.
« Mais ça ne m’a pas beaucoup aidée », explique Hazel.
Le défi du bilinguisme
Si elle est capable de répondre à nos questions en français, pour obtenir une éducation spécialisée, la petite Hazel a dû renoncer à faire sa scolarité dans une école d’immersion et s’éloigner un peu du français.
Cependant, Geneviève Shyiak, qui enseigne à la Division scolaire Louis-Riel, indique qu’il n’y a pas réellement de différente manière d’enseigner la lecture que ce soit en anglais ou en français.
En revanche, pour les enfants avec des difficultés d’apprentissage, apprendre les deux peut être un réel défi.
« On a des ressources disponibles dans les deux langues. La différence c’est qu’il faut apprendre deux codes. Quand on parle de phonétique, ça peut être beaucoup pour l’enfant d’apprendre les deux codes. »
Geneviève Shyiak revient sur le besoin et les avantages à mettre en place une approche systématique et explicite.
« Nos jeunes qui ont une dyslexie ont besoin de répétitions. Et au plus tôt nous faisons ces interventions, au moins ils sont susceptibles de rencontrer des difficultés plus tard. Une approche uniformisée dans la province permettrait de réduire l’écart entre les capacités des jeunes. »
Pour les trois mères de famille, il s’agit ici d’une question d’équité. Laura Jones explique que le coût en éducation pour les enfants dyslexiques est plus important en raison notamment d’un besoin de tutorat privé. Or toutes les familles n’ont pas nécessairement les moyens de se l’offrir.
(1) Le 4 novembre 2025, le gouvernement manitobain a adopté le projet de loi 225, Loi modifiant la Loi sur les écoles publiques (dépistage universel des troubles d’apprentissage).
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