Dès l’année scolaire 2026-2027, les écoles de la province commenceront à offrir des tests de dépistage systématiques des troubles d’apprentissage aux enfants de la maternelle à la 4e année, grâce à l’adoption du projet de loi 225 le 4 novembre dernier.

La loi 225 exigera, dès l’année scolaire prochaine, l’évaluation annuelle de chaque enfant à l’aide d’outils fondés sur des données probantes et la mise en place de mesures de soutien et de suivi.

Le but : veiller à ce que tous les enfants qui éprouvent des difficultés dans l’acquisition des compétences fondamentales en lecture, ce qui peut être un indicateur de troubles d’apprentissage comme la dyslexie, soient identifiés rapidement et puissent bénéficier de l’aide dont ils ont besoin aussi tôt que possible.

« Dans notre cas, si on avait reçu et bien compris les résultats du dépistage qui avait été complété, on aurait pu voir les gros signaux d’alarme beaucoup plus tôt », dit Laura Jones, mère d’une enfant dyslexique.

Elle affirme que jusqu’à la troisième année, les habitudes d’apprentissage des jeunes sont encore malléables, et qu’il est encore possible de leur donner les outils nécessaires pour améliorer leurs compétences. Mais après la quatrième année, corriger les difficultés rencontrées par l’enfant lui demande beaucoup plus d’efforts.

« À ce moment-là, ça commence déjà à atteindre sa confiance. »

Un effet qui peut avoir des répercussions tout au long d’une vie.

Laura Jones ajoute que certains des adultes présents lors de la deuxième lecture du projet de loi 225, le 8 octobre dernier, ont témoigné de leur propre expérience.

« Il y a une femme qui a dit être triste d’avoir été si dure envers elle-même. Toute sa vie, elle pensait qu’elle ne mettait pas assez d’effort parce que tout ce qu’elle vivait venait si naturellement aux autres », se remémore Laura Jones.

Et bien que ce projet de loi vise avant tout à détecter le plus tôt possible les troubles d’apprentissage chez les enfants, il peut également être utile pour d’autres élèves qui ont du mal à suivre le rythme de leurs camarades.

En proposant des dépistages à tous les enfants, les enseignants peuvent surveiller ceux qui réussissent moins bien et leur offrir un soutien plus adapté.

Une mise en œuvre encore incertaine

Si cette loi devrait aider plus d’enfants à mieux apprendre, la plupart des inquiétudes qu’elle suscite concernent sa mise en œuvre. Bien que le test de dépistage ne dure que cinq minutes, encore faut-il que les enseignants, ou toute autre éducateur chargé de l’évaluation, sachent interpréter les résultats.

Comme la loi exige aussi une communication continue avec les parents et un soutien aux élèves qui ont besoin d’une aide supplémentaire, plusieurs questions se posent quant au soutien qui sera accordé aux enseignants déjà débordés.

« Sans ressources, personnel et temps suffisants, cette loi risque d’imposer une charge supplémentaire aux enseignants et pourrait ne pas atteindre les résultats attendus pour les élèves », prévient Lilian Klausen, présidente de la Manitoba Teachers’ Society (MTS).

Elle dit espérer voir une contribution significative et une collaboration avec les éducateurs dans la mise en œuvre des outils de dépistage.

Cela impliquerait un financement adéquat pour les ressources supplémentaires et le personnel nécessaires afin d’assurer un dépistage et un soutien post-évaluation appropriés; un meilleur accès à des spécialistes comme des psychologues et des orthophonistes; ainsi que des plans clairs pour réduire la charge de travail des enseignants.

« Sans ces soutiens, les dépistages risquent de devenir une simple formalité plutôt qu’une étape significative vers l’amélioration des résultats en matière d’alphabétisation, explique Lillian Klausen. La ministre de l’Éducation et de l’Apprentissage de la petite enfance, Tracy Schmidt, a répondu aux préoccupations de la MTS en reconnaissant la nécessité d’augmenter le nombre de professionnels de l’éducation.

« Nous travaillons avec la MTS et nos partenaires dans les divisions scolaires et les conseils scolaires afin d’augmenter ces budgets, afin de garantir que les enfants bénéficient de plus de temps individuel avec leurs professionnels de l’éducation. »

Elle a ajouté que le gouvernement avait embauché plus de 800 nouveaux professionnels de l’éducation et qu’il allait investir 30 millions $ dans un programme universel de nutrition scolaire.

Toutefois, les autres détails en lien avec la mise en œuvre du dépistage universel demeurent ambigus.

Le dépistage mis à l’essai

La Division scolaire Louis-Riel en est à sa cinquième année d’essai pilote des tests de dépistage dans ses écoles. Et chaque année, la division scolaire trouve de nouveaux points à améliorer, selon Ron Cadez, directeur général adjoint en soutien des services pédagogiques, des services aux élèves et des services cliniques.

Ron Cadez, directeur général adjoint en soutien des services pédagogiques, des services aux élèves et des services cliniques à la Division scolaire Louis-Riel.
Ron Cadez, directeur général adjoint en soutien des services pédagogiques, des services aux élèves et des services cliniques à la Division scolaire Louis-Riel. (photo : gracieuseté)

« L’administration des tests de dépistage est peut-être la partie la plus simple de tout ce processus, dit-il. Comment on peut utiliser les données recueillies pour informer la pédagogie dans les salles de classe, c’est ça la plus grande partie de ce projet depuis qu’on a commencé. »

En pratique, il souligne l’ampleur du défi représenté pour les enseignants de pouvoir utiliser les résultats des tests dans leurs classes.

Puisque ces évaluations ne sont pas des diagnostics, elles ne font que mettre en évidence les points forts et les besoins de chaque élève.

Ce que les éducateurs, le personnel scolaire et les directeurs choisissent de faire avec ces informations et la manière dont ils les utilisent pour orienter leur approche constituent une tâche complexe à laquelle la division scolaire continue de s’attaquer.

Après plusieurs années d’essais et d’investissements dans des outils de dépistage, Ron Cadez se range du côté de la MTS en affirmant que la mise en place d’un dépistage universel et l’offre d’un soutien seront un processus long qui nécessitera un soutien important de la part du gouvernement.

« Pour nous, ça nous a pris un effort très concentré pendant plus de 4 ans et je trouve qu’on a encore beaucoup de travail à faire. »

Néanmoins, les résultats sont jusqu’à présent positifs. Ron Cadez explique qu’ils ont remarqué que les élèves qui ont bénéficié d’un soutien supplémentaire grâce au dépistage font preuve de plus de confiance, d’engagement et de motivation.

La division scolaire leur remarque aussi une utilisation de stratégies spécifiques pour lire des mots plus complexes, démontrant une amélioration de leurs capacités de compréhension.

Un défi supplémentaire pour les éducateurs francophones

Une chose est claire : lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des tests standardisés pour les élèves francophones, il ne suffit pas de simplement traduire les tests proposés en anglais.

« Les enseignants francophones auront besoin d’outils et de ressources adaptés sur le plan linguistique et culturel afin de garantir que le dépistage reflète les réalités de l’enseignement en français au Manitoba », affirme Lillian Klausen.

Effectivement, le statut minoritaire du français au Manitoba est un facteur important autant dans l’apprentissage des élèves bilingues que de ceux inscrits dans des programmes d’immersion française.

À la DSLR, Ron Cadez explique qu’ils ont dû faire appel à des experts en immersion et en enseignement du français pour mener des recherches sur les outils susceptibles de « minimiser l’impact de l’acquisition de la langue ».

Mais malgré des années de recherche sur des outils standardisés pour les élèves francophones, il soutient que les ressources qu’ils ont développées restent expérimentales.

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