Sous un ciel froid mais lumineux de novembre, la communauté métisse du Manitoba s’est réunie devant la tombe de Louis Riel pour commémorer le 140e anniversaire de son exécution, survenue le 16 novembre 1885.

Une cérémonie empreinte d’émotion, de mémoire, et d’un moment historique : pour la première fois, un premier ministre du Canada en exercice, Mark Carney, participait à l’évènement.

Le rassemblement, organisé comme chaque année par l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM), a débuté par une procession menant à la tombe du fondateur du Manitoba.

La présidente du Conseil d’administration de l’UNMSJM, Crystal Desrosiers, a ensuite invité Karine Pelletier, de la Société historique métisse, à prendre la parole, suivie de représentantes et représentants des gouvernements fédéral  et provincial.

Mais l’hommage a aussi été marqué par une absence lourde de sens : celle de Paulette Duguay, ancienne présidente de l’UNMSJM, figure respectée de la communauté, décédée en août dernier.

Son empreinte sur la commémoration était visible dans les mots de celles et ceux qui l’ont connue, notamment Crystal Desrosiers.

« Elle a été présidente pendant plus de 10 ans, et nous avions une très bonne relation » se souvient-elle.

Émue, elle confie à La Liberté qu’il s’agit « d’une grande perte pour la communauté, mais c’est aussi une grande perte pour moi. Elle était ma confidente, comme une mère pour moi »

Cette cérémonie s’est clôturée vers 10 h par une collation au sous-sol de la cathédrale. À l’issue de la cérémonie, différents sentiments s’entremêlaient : la fierté d’avoir vécu un moment historique pour Dée-Anne Vermette, aînée et membre de l’UNMSJM.

Mais aussi la douleur des absences et la force renouvelée de la communauté. Crystal Desrosiers résumait ainsi l’esprit du jour : « Je voulais vraiment commémorer la reconnaissance et l’impact que Louis Riel a encore aujourd’hui, mais aussi parler de nos ancêtres qui sont partis plus récemment, et qui se sont battus pour nos droits ».

Karine Pelletier, Ginette Lavack, Crystal Desrosiers et Robert Loiselle commémorent le 140e anniversaire de la mort de Louis Riel.
Karine Pelletier, Ginette Lavack, Crystal Desrosiers et Robert Loiselle commémorent le 140e anniversaire de la mort de Louis Riel. (photo : Virginie Frere)

Un moment historique

L’un des moments les plus marquants de la journée a également été la prise de parole du premier ministre du Canada, Mark Carney, dont la présence fut qualifiée d’événement sans précédent.

Vers 10 h 30 débutait une autre commémoration, celle de la Fédération métisse du Manitoba (MMF).

Le ministre Will Goodon de la MMF a résumé l’importance du moment en soulignant qu’il s’agissait « de la toute première fois qu’un premier ministre en exercice se rendait au Manitoba le 16 novembre pour rendre hommage à notre premier premier ministre provincial ».

Mark Carney, dans un discours centré sur la réconciliation et l’héritage politique du chef métis, a rendu hommage à celui qui, selon lui, continue d’unir les Canadiens.

« Cent quarante ans après son exécution, l’héritage de Louis Riel contribue à unir un Canada en pleine maturité », a-t-il déclaré, ajoutant que « tout au long de sa vie, Louis Riel a lutté pour la justice sociale » et « a fermement défendu la langue, la culture et les droits des métis ».

Le premier ministre a aussi insisté sur la poursuite du travail lié aux droits métis : « Le gouvernement du Canada est déterminé à écouter vos points de vue, à faire progresser la cause des Métis et à bâtir un meilleur avenir ensemble ».

Le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, était également présent pour cet hommage, lui qui a reconnu officiellement Louis Riel comme premier ministre fondateur du Manitoba dès son entrée en fonction.

Au fil des interventions, un thème s’est imposé : l’importance durable de Louis Riel pour la nation métisse, mais aussi pour le Manitoba et le pays tout entier.

Pour Matt Allard, conseiller municipal de la Ville de Winnipeg, « si l’État peut tuer un homme, il ne peut pas tuer une idée. L’esprit de Louis Riel perdure » a-t-il ajouté, soulignant sa présence dans la culture des Métis de la Rivière-Rouge.

Le président de la MMF, David Chartrand, a quant à lui, replacé les luttes métisses dans une perspective historique, rappelant les injustices et les violences subies par Louis Riel.

« Il a été assassiné. Et il fallait faire taire l’Ouest », dit-il en évoquant la stratégie du gouvernement canadien de l’époque.

Une communauté tournée vers l’avenir

Au-delà des hommages, la cérémonie a aussi rappelé l’importance de poursuivre les luttes menées par Louis Riel : revendication territoriale et reconnaissance politique, revitalisation linguistique.

La ministre des Affaires du Nord et de l’Arctique Rebecca Chartrand a rappelé que « la force du Canada réside dans l’héritage de la Nation métisse et dans le leadership mondial de notre pays » tout en soulignant la nécessité de « continuer à œuvrer pour le rapprochement de toutes les nations du pays ».