Par Raymond CLÉMENT.
Dans ma chronique publiée au moment du dépôt du budget fédéral, j’ai exprimé la conviction que Ottawa a les moyens financiers d’orienter notre avenir économique. Je persiste et signe.
La monnaie est un bien public qui joue trois rôles : 1) servir d’unité de compte; 2) servir de moyen d’échanges; 3) servir de mesure de valeur. Les deux premiers rôles sont assez évidents. Le troisième rôle est la source d’un énorme défi dans notre société.
Il existe essentiellement deux façons de créer la monnaie : par les banques commerciales agréées et par la Banque centrale du pays.
Les banques commerciales agréées et la monnaie-crédit
L’erreur courante est de croire que les banques utilisent les dépôts de leurs clients pour prêter à d’autres clients.
En fait, lorsqu’un client se présente à une banque commerciale pour obtenir un prêt, la banque doit décider si le client répond aux conditions d’obtention d’un crédit. Si le client satisfait à ces conditions, le prêt est accordé.
Autrement dit, c’est la dette contractée par le client qui crée la monnaie. Lorsque la dette est repayée, la monnaie qui avait été créée est effacée. C’est facile à retenir : toute monnaie qui est créée a une contrepartie qui est appelée dette.
La Banque centrale et la monnaie fiduciaire
Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, les accords de Bretton Woods, négociés en 1944, stipulaient que la valeur des monnaies des pays soit fixée par rapport au dollar américain.
Le dollar américain était alors ancré sur l’or à 35$/once. De ce fait, la quantité de monnaie en circulation dans le monde était directement liée au montant d’or possédé par les États-Unis.
Toutefois, le 15 août 1971, en pleine guerre du Vietnam, le président Richard Nixon a abandonné les règles établies à Bretton Woods.
Résultat : la plupart des monnaies mondiales ont commencé à laisser flotter leur monnaie. Dorénavant, tous les pays dotés d’une monnaie nationale et d’une Banque centrale pouvaient émettre autant de monnaie que jugée nécessaire pour le fonctionnement de leur économie.
La situation économique canadienne
En ce qui concerne l’économie du Canada, on constate que les dettes des ménages créées par le crédit bancaire ont, entre autres, alimenté l’énorme hausse des prix des logements.
En 50 ans, l’âge moyen du propriétaire d’un premier logement est passé de 29 ans à 39 ans. Durant la même période, un logement est passé d’un bien de consommation à un instrument d’investissement.
Par conséquent, l’accès au logement devient de plus en plus difficile pour les jeunes ménages ou les nouveaux arrivants au pays. Face à cette situation, certains économistes affirment que le déficit et la dette publique vont imposer un énorme fardeau sur les générations futures et qu’on va manquer d’argent pour rembourser cette dette.
Les évidentes limites de la monnaie-crédit
Durant le dépôt du dernier budget fédéral, la grande majorité des commentateurs ont répété que le déficit budgétaire et la dette publique représentaient un sérieux problème.
Mais ces experts mettent trop souvent dans le même sac dette publique et dette privée. Assurément la dette privée, qui doit être remboursée par des particuliers, peut devenir un problème face à la hausse du chômage et au toujours possible éclatement d’une bulle financière dans le marché boursier.
Mais il en va tout autrement de la dette publique du gouvernement fédéral.
Sans aucun doute, Ottawa a la capacité monétaire de réorienter notre avenir économique.
Au Fédéral de prendre la responsabilité de mettre en place une bonne stratégie industrielle, accompagnée des ressources publiques nécessaires pour promouvoir l’économie de demain.



