Par Michel LAGACÉ.
« Cet honneur historique est à la mesure des enjeux de notre temps », a-t-il déclaré, faisant allusion au désir maintes fois répété du Président américain d’annexer le Canada pour en faire le 51e État de son pays.
Pour Mark Carney, il s’agit d’une démonstration du fait que le Canada est un pays indépendant dont Charles III incarne la souveraineté. La participation du roi est aussi un rappel que la Chambre des communes et le Sénat ne peuvent pas légalement entreprendre leurs travaux tant que le monarque ou son représentant, le gouverneur général, n’a pas lu le discours du Trône.
Vue dans cette perspective, la lecture du discours du Trône est une occasion de mettre en valeur le rôle fondamental que joue la Couronne dans la conception de la démocratie parlementaire du Canada. Elle constitue une illustration de la différence profonde entre notre pays et la république américaine. Car il s’agit non seulement des différentes formes de gouvernement des deux pays mais des différences de fond que les symboles illustrent.
Tenant compte des prétentions annexionnistes de Donald Trump, l’invitation adressée au roi chatouille la corde sensible du Président, grand admirateur de la célébrité de la famille royale. En 2019, à la suite de sa visite d’État au Royaume-Uni, il a lancé une rafale de compliments à l’intention des membres de la famille. Ce sont parmi les personnes les plus connues au monde et le Président américain aimerait penser qu’il est la personne la plus connue au monde.
Évidemment, la réaction positive à l’annonce de la visite royale n’a pas été unanime. Car, pour ceux et celles qui ne comprennent pas le rôle symbolique du roi, il peut sembler contradictoire que le Canada cherche à affirmer son autonomie par rapport aux États-Unis en rappelant que le roi d’Angleterre est aussi le chef d’État du Canada.
Un porte-parole du Bloc québécois a d’ailleurs critiqué l’invitation adressée par Mark Carney et a déclaré qu’inviter un « monarque étranger » à inaugurer une nouvelle session parlementaire était incompatible avec les valeurs des Québécois.
Les temps ont cependant changé et la menace américaine a eu pour effet de réduire la popularité du Bloc dont le nombre de sièges à la Chambre des communes est passé de 33 en 2021 à 23 en 2025. Cette menace a fait valoir l’avantage pour la langue française de faire partie du Canada plutôt que des États-Unis qui, le 1er mars 2025, par décret de son Président, désignait l’anglais la seule langue officielle du pays.
Il y a fort à parier que le roi ne mentionnera pas la menace américaine contre le Canada lors de sa visite, mais sa seule présence aura l’effet symbolique voulu. Elle aura rappelé au Président américain que nos deux pays ont une histoire, des traditions et des valeurs différentes.
Quelqu’un voudra peut-être même raconter à Donald Trump l’histoire laborieuse de la création de la frontière entre nos deux pays. Le choix du 49e parallèle pour établir la frontière occidentale du continent, par exemple, loin d’être une ligne arbitraire ou imaginaire, comme il le prétend, est le produit de générations de querelles juridiques, de dépossession autochtone et de manœuvres politiques.
Et puisque la Grande-Bretagne a joué un rôle central dans la création de la frontière canado-américaine, la visite de Charles III pourra rappeler tant aux Canadiens qu’aux Américains pourquoi et comment nos deux pays en sont arrivés à se distinguer au fil des années.