Par Michel LAGACÉ.

Dans un message publié le mois dernier, il a évoqué le souvenir de Louis Riel qui « a rêvé du Manitoba comme une province véritablement bilingue. »

Son gouvernement s’engage maintenant à réaliser ce rêve vieux de plus d’un siècle. En exprimant ces intentions, le Premier ministre et le ministre responsable des Affaires francophones, Glen Simard, n’ont pas précisé la nature et la portée du rêve qu’ils souhaitaient réaliser.

Mais déjà en 2023, dans la lettre de mandat écrite uniquement en anglais qu’il adressait au ministre Simard, Wab Kinew lui demandait de reconnaître le rôle fondateur de la communauté francophone dans la Province, de protéger ses droits et d’améliorer l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux services en langue française « so that we are truly a bilingual province. »

Cette interprétation axée sur des programmes gouvernementaux semble avoir été élargie au fil des deux dernières années. En lançant un appel à la consultation publique le mois dernier, Wab Kinew se dit prêt à appuyer la création d’une stratégie qui réalisera le rêve de Louis Riel, ce qui semble dépasser le cadre des programmes évoqués en 2023.

En 1870, les services gouvernementaux étaient essentiellement inexistants et il est difficile d’imaginer à quoi correspondrait le « rêve de Riel » aujourd’hui.

De plus, le poids démographique et politique des francophones est beaucoup moins important qu’autrefois. Le document émis par la Province affirme que 112 115 personnes au Manitoba peuvent tenir une conversation en français, soit 7,6 % de la population estimée à 1 484 135 en 2024. De plus, 37 750 personnes au Manitoba parlaient régulièrement le français chez elles l’an dernier.

Nous sommes loin de la majorité francophone de 1870.

La formulation vague de la lettre de mandat de Glen Simard laisse beaucoup de place à l’interprétation. L’idée qu’on se fait du « rêve de Riel » pourrait même inclure la possibilité de modifier la constitution pour protéger les droits des francophones, ce qui exigerait une entente entre le parlement fédéral et la législature manitobaine, comme il a été fait au Nouveau-Brunswick.

De fait, la lettre de mandat mentionne surtout l’objectif d’améliorer les services. D’évidence, il ne s’agit pas de prétendre que le Manitoba deviendrait une province vraiment bilingue. Et Glen Simard ne précise pas ce que signifie le mandat que le Premier ministre lui a confié, se contentant de se concentrer sur l’offre de services dans les deux langues officielles.

Malgré le manque de clarté dans le lancement de ses consultations, la Province invite la population à participer au développement d’une stratégie pour le bilinguisme.

Comme l’indique le document publié le mois dernier, elle cherche à identifier ce qu’elle appelle des « actions transformatrices qui assureront la reconnaissance permanente et la protection de notre bilinguisme. »

Et là, cependant, elle semble dépasser les cadres de l’administration provinciale en demandant comment faire en sorte que nous puissions utiliser davantage la langue de notre choix dans notre vie personnelle et professionnelle.

La Province se dit prête à faire les premiers pas « pour créer une province où le français est visible et utilisé partout. »

Alors peu importe ce qu’on peut imaginer comme le « rêve de Riel », l’occasion est maintenant offerte à la population de s’exprimer sur les prochaines étapes dans le développement d’une politique des langues officielles au Manitoba.

Il revient donc à nous d’exprimer nos propres rêves sur ce que pourrait être l’avenir du bilinguisme au Manitoba.