Grâce à la passion de jeunes guides comme Rodin Labossière, ce lieu à l’écart des routes principales devient un véritable musée à ciel ouvert, gardien d’un pan d’histoire du Manitoba rural.

À environ une centaine de kilomètres au sud-ouest de Winnipeg, là où les prairies se travestissent en collines, l’on trouve le tout petit village de Cardinal.

En parallèle de la route provinciale 244, un chemin de terre s’enfonce vers une poignée de maisons et une église blanche qui se dessine en amont de la route.

La chapelle Sainte-Thérèse trône paisiblement derrière quelques grands arbres et tourne le dos à de vastes champs qui s’étendent à perte de vue.

Si ce n’était pour les chants de coqs, les aboiements des chiens, et les quelques véhicules stationnés çà et là, l’on pourrait penser que plus personne ne vit à Cardinal.

Ce vendredi 4 juillet, La Liberté avait rendez-vous avec Rodin Labossière, qui vit à Graysville à quelques kilomètres de là. Fraîchement sorti du secondaire, le jeune homme de 18 ans travaille en tant que guide touristique au sein de la chapelle pendant l’été.

Rodin Labossière nourrit un amour tout particulier pour l’histoire et malgré son jeune âge, il connaît sur le bout des doigts celle de ce petit village de la municipalité de Lorne.

« J’aimerais que les gens voient à quel point cet endroit est beau et à quel point les petits villages du Manitoba peuvent avoir des histoires riches. » Rodin Labossière.

Un musée à ciel ouvert

En 1888, Philippe Cardinal et sa femme, Céline, s’installent dans ce qui deviendra plus tard Cardinal. En 1905, Canadian Northern Railway fait construire une voie ferrée de 15 kilomètres reliant Learys à Somerset.

La construction consécutive d’une gare marquera le début du développement économique de Cardinal.

Dans les années qui suivent, le village finit par compter 15 familles, cinq magasins généraux, un hôtel, un boucher, un forgeron, un sellier, un cordonnier et un élévateur à grain.

« En voyant la croissance de Cardinal, une sorte de jalousie est née chez les résidents de Notre-Dame-de-Lourdes. »

Situé à environ quatre kilomètres de là, Notre-Dame-de-Lourdes, par crainte de passer au second plan, obtiendra un accord pour faire ramifier le chemin de fer vers le village. Les conséquences seront sévères pour le village de Cardinal.

En 1931, la municipalité de Lorne fait l’acquisition de la ville et, pour l’anecdote, Gabrielle Roy elle-même travaillera en tant qu’enseignante à Cardinal, auprès de 44 élèves de l’école Saint-Louis, aujourd’hui fermée.

Plus tard, en 1959, les Chemins de fer nationaux du Canada quittent les lieux, causant la ruine du village et l’exode d’une bonne partie de ses résidents.

Si bien qu’aujourd’hui l’on trouve disséminés à travers le village des panneaux d’interprétation situés aux endroits où se trouvaient à l’époque les différents commerces et établissements qui ont désormais disparu.

Finalement Cardinal est un peu un grand musée à ciel ouvert. Quant à sa chapelle, elle reçoit en 1989 la dénomination de site municipal du patrimoine.

Construite en 1929, elle a été fermée en 1960 par Monseigneur Baudoux avant d’être restaurée à l’été 1991.

Un besoin de visibilité

L’édifice est donc devenu un musée et l’intérieur sent encore un peu la peinture fraîche.

« Avant 1989, il n’y avait que des pigeons dans cette église, explique Rodin Labossière. Les bancs, les luminaires, les tableaux, tout avait été récupéré. »

Aujourd’hui, tout est comme neuf et le musée est jonché de panneaux d’interprétation, des images, des documents d’archives et des artéfacts qui permettent d’en apprendre davantage sur l’histoire, à la fois du lieu, mais aussi du village lui-même.

Alors que le registre des visites de cet été compte une petite dizaine de personnes, Rodin Labossière souligne l’importance d’offrir plus de visibilité à cet endroit.

« On dépend presque entièrement des donations. Le gouvernement finance une partie des opérations et mon salaire est payé par des octrois. Mais il faut encourager le maintien et la restauration du bâtiment. Le perron devra éventuellement être refait, et il faut finir le toit. »

Au moment de notre visite, le toit de la chapelle est à moitié rénové, et cela pour une raison simple.

« Le gouvernement finance la moitié de ces travaux-là. Le coût est estimé à 200 000 $ et la Province nous distribue 25 000 $ par an, pendant quatre ans. On a besoin de dons pour financer l’autre moitié. »

La chapelle Sainte-Thérèse, symbole de résilience

Pour les résidents restants, la chapelle Sainte-Thérèse est un symbole encore visible de la résilience et de l’amour que les premiers habitants de Cardinal avaient pour le village.

« J’aimerais que les gens voient à quel point cet endroit est beau et à quel point les petits villages du Manitoba peuvent avoir des histoires riches. »

Lors de notre visite, même si ce n’est pas recommandé, Rodin Labossière et La Liberté ont joué les explorateurs et visité l’une des maisons abandonnées que l’on trouve encore dans le village.

Si la nature a repris ses droits à l’extérieur et sur la façade du bâtiment, l’intérieur quant à lui est encore en bon état et la plupart des meubles ont été laissé comme tels.

« Si l’on avait les moyens, en plus de la rénovation de la chapelle, j’aimerais voir ces maisons-là transformées en musées également. »

À la rentrée prochaine, Rodin Labossière ira faire ses études en France, mais il sera disponible cet été pour faire visiter la chapelle et ses alentours aux curieux qui souhaiteraient en apprendre davantage sur l’histoire de ce village.

(1) Pour les demandes de renseignements d’horaires ou autres, vous pouvez contacter le 204-248-2105 ou bien par courriel à l’adresse suivante : [email protected].

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