Omniprésents tout au long de cet été 2025, les feux de forêt et les fumées qui les accompagnent n’ont cessé de faire parler d’eux pendant des mois.  

À différents degrés, ils ont affecté la vie de tous les Manitobains cet été. Certains les ont vus de près, trop près parfois. Pour d’autres, les incendies n’ont pris l’allure que d’un épais brouillard.  

Pour ces derniers, les inquiétudes concernaient donc principalement les impacts sur la qualité de l’air auquel, sporadiquement, les Manitobains ont finalement été exposés tout l’été. 

Alors que l’on se dirige tranquillement vers l’automne, l’on peut faire le point sur la situation des incendies à travers la province.  

Selon le dernier rapport de la province publié le 2 septembre 2025, il reste à ce jour 127 feux actifs, en majeure partie dans le nord. À date, le total d’incendies s’élève à 420 et 293 ont pu être éteints. La situation semble donc en passe de se calmer.  

Il convient toutefois de s’interroger sur les conséquences de cette exposition prolongée aux fumées.  

« C’est devenu la question à un million de $! » lance le Dr Andrew J. Halayko. 

Andrew J. Halayko est un chercheur et professeur au département de physiologie et physiopathologie de l’Université du Manitoba.  

La réalité selon lui ne permet pas de dire avec certitudes ce à quoi l’on peut s’attendre, « les études sur les effets à long terme sont encore trop limitées », explique-t-il.  

Un mystère à résoudre  

Cependant, « l’on peut faire des prédictions basées sur ce que l’on sait de la santé des fumeurs et de leur exposition sur plusieurs années ».  

La différence ici, c’est que l’on parle de fumée en lien avec des incendies pendant quelques semaines sur une période de deux à trois mois.  

La composition de ces fumées est elle aussi quelque peu particulière et apporte son lot de nouveautés et d’inconnues. 

« On parle des particules fines polluantes PM2.5 comme étant les plus dommageables. En principe, c’est assez semblable à la fumée de cigarette, mais la composition chimique est différente. Les fumées de feux de forêt comportent certains éléments, comme le benzène, qui peut être plus nuisible. Nous savons que l’exposition au benzène sur de longues périodes peut mener au développement d’un cancer par exemple. »  

Pour autant, peut-on faire un lien direct entre la fumée d’incendie et la formation d’un cancer? « Pas vraiment », répond le professeur.  

Le fait est qu’il existe beaucoup de facteurs à prendre en compte et qu’une fois de plus, les études sur le sujet sont encore trop minces.  

« Est-ce que vous êtes une personne qui vit à 2 000 kilomètres des feux? Ou bien à une centaine de kilomètres? Si les fumées viennent de loin, elles sont plus diluées. Combien de temps avez-vous été exposé? »  

Un autre aspect à prendre en compte est la localisation des incendies. Le professeur souligne notamment que certains feux de forêt se sont propagés dans des endroits près d’exploitations minières et de fonderies. « Les sols et la végétation autour de Flin-Flon par exemple sont imprégnés de métaux comme le fer, le plomb et le zinc. On retrouve ces métaux dans les plantes. Alors lorsque la couche organique brûle, ça libère toutes ces choses qui sont assez toxiques. »  

Tout cela doit donc être pris en compte. La fumée varie d’un feu à l’autre. Alors la seule certitude pour le moment, « c’est qu’il faut enquêter et mener des recherches pour comprendre les effets potentiels à long terme ».  

Pour ce qui est des effets chroniques, l’on en sait un peu plus. Il existe des populations qui sont plus vulnérables à une mauvaise qualité de l’air. Les personnes âgées, les très jeunes, et les personnes vivant avec des maladies chroniques comme l’asthme et d’autres encore, qui ne sont pas forcément reliées aux poumons.    

« L’insuffisance rénale, les maladies cardiaques, certains cancers, le diabète. La raison pour laquelle ces maladies rendent vulnérables, c’est qu’elles mettent le corps dans un état constant d’inflammation. » 

Une échelle qui varie  

À propos de la mauvaise qualité de l’air cet été, force est d’admettre que la Province a bien communiqué sur le sujet. Le système de notation mis en place cependant soulève quelques questions pour le chercheur, notamment à propos des données sur lesquelles se base le système.  

« Peut-on traduire une même variation de qualité de l’air pour tout le monde? »  

De fait, est-ce qu’une qualité de l’air noté cinq sur une échelle de dix affecte tout le monde de la même manière? 

« Lorsque l’on utilise une mesure, elle est généralisée, c’est une moyenne, indique Andrew J Halayko. Personne n’est affecté de la même façon et il faut alors se reposer sur des décisions personnelles. Est-ce que je tousse? Est-ce que j’ai du mal à respirer? Peut-être que je ne ressens pas ces symptômes à un niveau cinq, mais mon voisin lui peut-être que oui. »  

Au-delà de cela, le fait même de mesurer la qualité de l’air est un exercice assez difficile. Cette dernière peut varier d’une heure à l’autre, d’un kilomètre à l’autre. « Les systèmes de surveillance pourraient probablement être améliorés. »  

Sans vouloir tirer la sonnette d’alarme, le professeur est convaincu qu’il faut explorer des pistes d’améliorations. Car selon lui, « Le problème ne va disparaître et nous y serons confrontés encore et encore ».    

Des réponses bientôt?  

Au moment d’écrire ces lignes, un laboratoire est en cours de création à l’Université du Manitoba. AirSAFE Research Centre, devrait permettre de trouver les réponses posées jusqu’alors.  

« Le laboratoire nous permet de générer et délivrer de façon contrôlée des polluants. »  

Le laboratoire permettra également de mélanger les polluants et c’est là que ça devient intéressant. Car si l’on a souligné l’aspect unique de la composition de chaque fumée, il faut garder en tête que dans un contexte urbain, les fumées qui s’emparent des rues de Winnipeg viennent se mêler à la pollution déjà environnante des échappements de voiture par exemple.  

« Il y a des raisons de penser que les polluants interagissent et se mélangent pour devenir plus nocifs », avance Andrew J. Halayko.     

De plus, les chercheurs sont capables de recréer dans des boîtes de Petri les cellules d’un poumon humain pour observer les effets des polluants et de l’exposition sur le corps humain.