Cela doit permettre aux femmes autochtones et aux personnes bispirituelles de retrouver sécurité, dignité et communauté.
Le gouvernement du Manitoba a annoncé le 2 octobre un investissement de 3,5 millions $ pour la création du Mino’Ayaawag Ikwewag Lodge, avenue Selkirk à Winnipeg.
Cet espace pour les femmes autochtones, ouvert de jour comme de nuit, sera géré par Ikwe Widdjiitiwin Inc., un organisme dirigé par des femmes autochtones qui depuis plus de 40 ans œuvre pour soutenir les femmes qui fuient des violences.
D’après le communiqué du gouvernement, cet espace, qui ouvrira ses portes courant 2026, proposera huit chambres, une cuisine, des salles communes ainsi qu’un suivi psychologique, en ayant toujours à cœur la dimension culturelle. Également, au centre du projet, un service de transport et une ligne d’urgence.
L’objectif est ici de permettre aux femmes les plus vulnérables, sujettes à la violence, l’itinérance ou même l’exploitation, de trouver un refuge et d’être mises en contact avec des services qualifiés dans un cadre culturel sûr, voire familier.
Dans ce même communiqué, la ministre des Familles et responsable des Femmes et de l’Égalité des genres, Nahanni fontaine, souligne que le centre Mino’Ayaawag Ikwewag « n’est pas qu’un lieu qui empêchera le meurtre ou la disparition de la prochaine femme ou fille autochtone ». Cependant, la volonté est de permettre la guérison tout en renouant avec la dimension culturelle des femmes autochtones.
Plus qu’un simple centre d’accueil, ce projet s’inscrit dans une vision traditionnelle du soin avec des espaces de guérison à la fois communautaires et spirituels, comme un levier dans le processus de reconstruction des femmes autochtones et des personnes bispirituelles.
L’initiative est articulée dans la stratégie gouvernementale Mino’Ayaawag Ikwewag, « toutes les femmes se portent bien » d’un budget de 20 millions $.
Cette stratégie s’articule autour de plusieurs points, comme l’accès à la culture, aux services de santé, à la justice ou à la sécurité. Il s’agit là d’une réaction face aux 231 appels à la justice issus de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (MMIWG), dont le rapport final a été publié en 2019.
Pour Kim Fontaine, la directrice générale d’Ike Widdjiitiwin, citée dans le communiqué gouvernemental, cet espace entend être un pas concret vers la justice et la protection des femmes autochtones :
« Les femmes autochtones sont 12 fois plus susceptibles que les femmes non autochtones d’être assassinées ou de disparaître. Les choses doivent changer. Nous sommes honorées, dit-elle, de participer à la prestation de ce service indispensable qui protégera nos mères, nos filles, nos sœurs, nos tantes, nos cousines et nos amies ».
À l’intersection des savoirs traditionnels et des services socio-sanitaires, ce modèle avance une approche décolonisatrice des politiques publiques, fort de son ancrage communautaire et collectif.
Contactées par La Liberté, la ministre Nahanni Fontaine et Kim Fontaine, directrice d’Ikwe Widdjiitiwin Inc., qui doit diriger le futur centre, n’ont à ce jour pas apporté d’informations supplémentaires.
Ce nouvel espace s’ajoute à d’autres initiatives provinciales récentes. En 2023 à Brandon, la maison d’hébergement Franny’s Place a vu le jour grâce à un financement de 500 000 $, ou encore en août dernier, à Saint Andrews, un projet de création de logements communautaire a été approuvé grâce à un financement de 4,3 millions de $, auquel le département des familles avait participé à hauteur de 250 000 $.
Ces structures traduisent une volonté nette de bâtir un réseau d’espaces sécurisés pour les femmes autochtones à travers la province. Plus qu’un symbole, l’espace qui ouvrira courant 2026 illustre une dynamique de solidarité et de guérison, allant de pair avec une dimension spirituelle.
Bien que les personnes autochtones ne représentent en 2021 que 5 % de la population canadienne recensée, elles représentaient 28,5 % de toutes les victimes d’homicide en 2025.
Quant aux femmes, ce sont elles qui subissent le plus, en 2024 ce sont 240 femmes qui ont été assassinées au Canada, dont 71 étaient des femmes autochtones.
En 2022, d’après Femmes et égalité des genres Canada (FEGC), les femmes autochtones représentaient 26 % des femmes tuées à cause de la violence d’un partenaire intime. Dans une province où les taux de violence envers les femmes autochtones demeurent parmi les plus élevés du pays, l’ouverture du Mino’Ayaawag Ikwewag Lodge apparaît à la fois comme une réponse d’urgence et un geste d’espoir.