À la fois porteurs d’une richesse culturelle et écologique, les arbres de la ville font face aux maladies, au vieillissement, mais aussi à l’urbanisation.
Le thème de 2025 de la National Forest Week, du 21 au 27 septembre, était « Roots of Resilience: from seed to canopy », une thématique qui semble s’appliquer pleinement à Winnipeg.
La ville de Winnipeg, riche de ses arbres et de sa canopée, fait face à une situation délicate qui rend cette richesse fragile.
Un grand nombre de quartiers tiennent leur identité de leur paysage, « des endroits comme Wolseley, West End ou Saint-Boniface, quand on pense à ces quartiers, ce qui nous vient aussi à l’esprit, ce sont les rues bordées d’arbres, les parcs », explique Christian Cassidy, le directeur de Trees Winnipeg.
Pour lui, le lien entre Winnipeg et ses arbres est autant culturel qu’écologique.
« Winnipeg était connue pour sa mer verte. Les arbres faisaient partie intégrante de l’identité des quartiers, mais nous avons trop longtemps pris nos arbres pour acquis. On pense qu’ils seront toujours là, peu importe ce qu’on fait, qu’ils s’occupent seuls d’eux-mêmes. Malheureusement, on a aussi pu voir que ce n’était pas le cas ».
Une forêt fragilisée
Cette richesse est aujourd’hui en danger, selon la Ville de Winnipeg, il y aurait environ 14 000 arbres publics de moins qu’en 2025.
Henri Daudet, qui a longtemps œuvré à la gestion forestière de la ville, insiste sur le souci du vieillissement de certains arbres, près des boulevards notamment.

Il évoque certains arbres qui datent de plus de cent ans, et qui sont aujourd’hui affaiblis par la pollution, le sel de voirie, les sols compacts ou même les chocs thermiques.
D’après le directeur de Trees Winnipeg, au cours des dernières décennies, « on a perdu des milliers d’arbres sans les remplacer ».
En 2024, la ville a abattu 6 508 arbres dans les parcs et les boulevards, presque tous affectés par la maladie hollandaise de l’orme, empêchant les arbres d’acheminer de l’eau.
Dans une dynamique d’un arbre remplacé pour un arbre abattu, la ville en a replanté 6 484, une amélioration par rapport aux années précédentes.
Une dynamique qui, selon Christian Cassidy, participe tout de même à faire une différence.
En plus de la menace de la maladie hollandaise, s’ajoute l’agrile du frêne qui a été détecté à Winnipeg en 2017, une maladie qui prolifère rapidement, c’est pourquoi « un frêne infesté devient vite dangereux et doit être abattu immédiatement », selon Henri Daudet.
Les frênes sont déjà des espèces vulnérables, qui souffrent de sécheresses accrues.
« Tout d’un coup, on voit ces points oranges sur les arbres, dans les rues autour de chez nous, ou dans nos parcs. Certaines personnes ont commencé à remarquer », ajoute Christian Cassidy.
Le directeur de Trees Winnipeg, estime la forêt urbaine de Winnipeg à environ 3 millions d’arbres, environ « 24 % de ces arbres sont victimes d’agrile du frêne, c’est-à-dire 24 % de notre forêt que l’on pourrait perdre dans les prochaines années ».
Réponses et limites
L’un des facteurs les plus importants dans la lutte pour la préservation de la forêt urbaine, semble être financier.
Un aspect que Christian Cassidy explique ainsi : « Les arbres doivent être maintenus, élagués et observés. Ces trois phases sont laborieuses et très chères. Jusqu’à récemment, il n’y avait pas beaucoup d’argent pour cela ».
Au Manitoba, plusieurs initiatives tentent de relever le défi.
Le programme fédéral 2 milliards d’arbres prévoit de planter 20,8 millions d’arbres, notamment dans le nord de la province, entre 2022 et 2031.
À Winnipeg, dans une dynamique de revitalisation, la Ville s’est fixé l’objectif de 71 000 arbres à replanter entre 2022 et 2027, dans le but d’améliorer la qualité de l’air et de l’eau.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du programme Home Grown, du député de Winnipeg-Sud Terry Duguid, et du maire de Winnipeg, Scott Gillingham, soutenu par un financement fédéral de plus de 7 millions $ sur cinq ans.
L’objectif pour la ville est d’attendre un couvert arboré de 24 % d’ici à 2065, et pour cela, il faut chercher à aller au-delà du ratio un arbre abattu pour un arbre replanté.
Cependant, ces annonces seules ne peuvent suffire à revitaliser la province.
Bien que Christian Cassidy salue les progrès des dernières années, avec une augmentation de la forêt urbaine ces quatre dernières années, « planter, c’est une chose, mais il faut aussi penser à la survie et à la diversité des espèces ».
Un constat également partagé par Henri Daudet, souligne qu’il va falloir « 50, 60, voire 80 ans pour qu’un arbre planté atteigne le même seuil de maturité que celui perdu. On peut se dire qu’on coupe un arbre ici et qu’on en replante un autre dans le parc, mais ce n’est pas égal ».
Un réveil citoyen
Dans le contexte winnipégois, il semble qu’un effort citoyen soit nécessaire afin d’améliorer la situation.
Pour Henri Daudet, « planter des arbres ne peut être uniquement la responsabilité de la ville, les propriétaires privés doivent, eux aussi, apprendre à planter et à protéger leurs arbres ».
C’est là que des initiatives citoyennes comme celles de Trees Winnipeg prennent tout leur sens.
Trees Winnipeg est un organisme à but non lucratif qui organise des ventes d’arbres, notamment par le biais de programmes comme ReLeaf.
L’organisme intervient dans des écoles, des paroisses et des organismes pour planter des arbres et sensibiliser la population.
À ce sujet, Christian Cassidy affirme ne pas planter des arbres « pour un groupe, mais avec un groupe ».
Les arbres sont essentiels à notre bien-être et à celui de nos sociétés.
Au-delà de l’aspect esthétique, les arbres et les forêts urbaines jouent un rôle essentiel en étant utiles, par exemple, à la rétention d’eau et à la biodiversité.
« On ne parle pas seulement d’arbres. On parle de santé, de bien-être, de climat. Quand on plante un arbre, on investit dans un quartier pour les générations à venir », assure Christian Cassidy.
Toutefois, pour Henri Daudet et pour le directeur de Trees Winnipeg, en dépit des efforts pour planter, le manque de législation quant à l’abattage d’arbres sur des terrains privés demeurent un frein important.
« On peut perdre quelques milliers d’arbres par an à cause des nouvelles constructions, c’est sur des terrains privés, donc on n’y fait pas tant attention, explique Christian Cassidy, mais c’est aussi là que réside la menace. »
De son côté, Henri Daudet s’interroge, « on plante, mais est-ce qu’on compense vraiment les pertes? », d’autant plus lorsque ce sont des arbres matures que l’on perd.
Il semble que la réponse dépendra de la capacité des institutions à respecter leurs promesses, mais aussi, de la volonté des citoyens à maintenir un engagement envers les forêts urbaines et le couvert arboré de leur ville, pour Christian Cassidy, la réponse est simple « chaque citoyen a un rôle à jouer ».



