Des dirigeants et syndicat canadiens ont critiqué mercredi la décision de Stellantis d’investir massivement aux États-Unis, craignant de nouvelles pertes d’emplois liées avec la guerre commerciale menée par le président américain Donald Trump.
Le constructeur automobile, qui regroupe notamment Jeep, Chrysler, Citroën, Alfa Romeo et Peugeot, a annoncé mardi avoir l’intention d’injecter 13 milliards $ dans les quatre prochaines années aux États-Unis pour augmenter de 50 % sa production par rapport au niveau actuel.
Décrivant cet investissement comme le plus important de son histoire aux États-Unis avec ses 5 000 emplois projetés dans le Midwest, l’entreprise a confirmé à l’AFP mercredi que cette annonce concernait “le transfert d’un modèle du Canada vers les États-Unis”.
UNIFOR, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, a précisé que le modèle visé était le Jeep Compass, qui sera déplacé de l’usine de Brampton, en Ontario, vers l’Illinois.
“Les emplois dans le secteur canadien de l’automobile sont sacrifiés sur l’autel de Trump”, a dénoncé Lana Payne, présidente nationale d’Unifor, dans un communiqué.
“Nous avons besoin que le gouvernement fédéral utilise dès maintenant son influence pour lutter pour nos emplois”, a-t-elle insisté, ajoutant que “sauver l’usine d’assemblage de Brampton doit désormais être la priorité absolue de ce pays”.
Doug Ford, le premier ministre de l’Ontario – province canadienne dans laquelle cette industrie est largement concentrée -, a qualifié mercredi l’annonce de Stellantis de “douloureuse”.
“J’ai parlé avec Stellantis pour exprimer ma déception face à leur décision”, a-t-il affirmé, exhortant le Premier ministre Mark Carney à “défendre les 157 000 travailleurs du secteur automobile ontarien”.
– “Transformer notre économie” –
Au sud de la frontière, le rapatriement des emplois automobiles vers les États-Unis est un pilier central de la politique commerciale de Donald Trump. Le Canada a été partiellement épargné par les tarifs mondiaux imposés au secteur automobile grâce à l’accord commercial nord-américain existant, l’ACEUM.
Mais les droits de douane en vigueur depuis plusieurs mois ont engendré de l’incertitude et des pertes d’emplois isolées pour les travailleurs canadiens.
Le Premier ministre Carney, qui a rencontré Donald Trump la semaine dernière à la Maison-Blanche pour faire progresser les discussions commerciales, s’est montré optimiste quant à la possibilité de réduire les tarifs douaniers dans certains secteurs comme l’aluminium. Une percée dans le domaine automobile semble toutefois moins probable.
Le dirigeant canadien a affirmé tard mardi soir sur les médias sociaux que la décision de Stellantis était “une conséquence directe des droits de douane actuels des États-Unis”.
“Nous réalisons des investissements stratégiques qui transformeront notre économie, en la rendant moins dépendante de notre principal partenaire commercial (les États-Unis)”, a-t-il spécifié dans sa publication.
Selon l’expert en relations industrielles Rafael Gomez, de l’Université de Toronto, le Canada doit se préparer à une perte progressive des emplois dans l’assemblage automobile au cours des prochaines années.
Donald Trump ne renoncera pas aux droits de douane mis en place pour produire plus de véhicules aux États-Unis, a-t-il expliqué à l’AFP. “Imaginez la photo : une coupe de ruban devant la première Jeep fabriquée en Illinois depuis des années”, a-t-il illustré.
Selon lui, le Canada devrait se positionner comme fournisseur essentiel de pièces automobiles pour les usines d’assemblage américaines.
Stellantis a assuré à l’AFP qu’elle reste engagée envers le Canada. “Nous sommes présents au Canada depuis plus de 100 ans et continuons d’investir, a déclaré l’entreprise. Nous avons des projets pour l’usine de Brampton et les partagerons après de nouvelles discussions avec le gouvernement canadien”.
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