Par Geneviève NORMAND.

Le Premier ministre canadien lève le voile mardi sur son premier budget, axé sur de grands investissements et conçu pour donner un nouveau souffle à son pays bousculé par le virage protectionniste de son voisin américain.

Ancien banquier central, Mark Carney a été élu il y a six mois, sur la promesse de parvenir à transformer le Canada confronté à des menaces sans précédent de la part des Etats-Unis.

Les nouvelles politiques du président américain Donald Trump, qui a imposé des droits de douane à son allié, frappent en effet déjà durement le pays, faisant grimper le chômage et mettant sous pression les entreprises dans des secteurs cruciaux (automobile, aluminium, acier).

“Où allons-nous trouver la croissance face aux vents contraires de la nouvelle politique commerciale américaine?

Le budget va apporter une réponse à cette question”, a déclaré Mark Carney à la presse en Corée du Sud pendant le week-end, en marge d’un sommet asiatique.

L’homme de 60 ans, qui n’est entré en politique qu’en janvier, répète depuis des mois que la relation canado-américaine “ne sera plus jamais la même” et que le Canada devra faire des “sacrifices”.

Il a donc promis un budget qui prendrait en compte ces nouvelles réalités géopolitiques.

Parmi les principales mesures du budget, figurera la forte augmentation des dépenses de défense, destinée à aligner le Canada sur les objectifs de l’Otan.

Des fonds seront également alloués à une série de grands projets nationaux que Mark Carney considère comme essentiels à la souveraineté économique du pays et à son ouverture à d’autres marchés, pour réduire sa dépendance aux Etats-Unis.

Parmi ces chantiers : un port, de nouvelles mines, une centrale nucléaire, mais aussi la production de minéraux critiques.

“L’idée est de bâtir le Canada de demain”, a renchéri lundi François-Philippe Champagne, le ministre des Finances, parlant d’un “tournant générationnel”.

– “Ce n’est pas un jeu” –

Au Canada, le budget fait l’objet d’un vote de confiance, ce qui signifie qu’un vote défavorable entraînerait la chute du gouvernement et plongerait le pays dans sa deuxième élection en moins de 12 mois.

En effet, lors de leur victoire électorale en avril, les Libéraux n’ont pas réussi à obtenir la majorité au Parlement (il leur manque trois sièges).

Et ces dernières semaines, le gouvernement a été sous pression des autres partis: beaucoup pointent les nombreuses concessions faites aux Américains sans rien obtenir en retour.

Il y a dix jours, Donald Trump a même mis brutalement fin aux négociations commerciales bilatérales.

Les conservateurs, principal parti d’opposition, sont sans doute les moins enclins à aider à faire adopter le budget.

Leur chef, Pierre Poilievre, a formulé une série d’exigences en échange de son soutien, notamment une réduction du déficit.

Or, selon de nombreux experts comme Geneviève Tellier, professeure à l’université d’Ottawa, il est certain que le “déficit sera d’une très grande ampleur”.

“Je ne serais pas surprise qu’on soit autour de 100 milliards $”, a-t-elle expliqué à l’AFP.

Mais elle estime toutefois qu’il y a “peu de chances” que le gouvernement tombe.

Interrogé ce week-end pour savoir s’il était confiant, Mark Carney a répondu : “Je suis convaincu à 100 % que ce budget est le bon pour le pays actuellement” avant d’ajouter que ce n’était pas un “jeu”.

Et donc qu’il était prêt à défendre ses propositions lors d’élections si nécessaire.

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