La brève carrière de Nycole Turmel en tant que chef intérimaire du Nouveau parti démocratique aura servi à rehausser le doute et l’incertitude au sein du parti et du caucus créés par le départ en congé de maladie de son chef, Jack Layton.

Car il faut déjà mettre cette carrière au passé : en effet, Mme Turmel, en avouant avoir été membre du Bloc Québécois pendant cinq ans et ayant contribué plus de 200 $ à ce parti, a perdu toute crédibilité en tant que chef d’un parti fédéraliste. Encore plus dommageable à sa réputation politique est la révélation qu’elle fut, et demeure toujours, membre du parti Québec Solidaire, un parti provincial québécois encore plus radical dans sa poursuite de la souveraineté et dans son programme social et économique que le Parti québécois.

En conférence de presse mercredi, le premier ministre Harper se léchait déjà les babines en vue de gains possibles au Québec aux prochaines élections alors qu’il s’est dit profondément « déçu » de ces nouvelles concernant Mme Turmel, ajoutant que le moindre que les Canadiens puissent exiger d’un chef politique, c’est un engagement ferme et non équivoque par rapport à l’unité canadienne.

L’incident constitue aussi la première erreur majeure du chef Jack Layton, qui a choisi personnellement Mme Turmel pour le replacer durant son congé de maladie. Il l’a nommée en connaissance de cause, puisque Mme Turmel a affirmé lui avoir dévoilé les détails de son passé politique. Cette erreur a été répétée par le caucus et le Conseil national du NPD, qui ont entériné sa nomination, malgré ses antécédents politiques.

Même si aucun des partis fédéraux ne réclamait sa démission mercredi, il est clair maintenant que sa position comme leader de son parti à la Chambre des communes est intenable. Les dossiers importants et controversés qui feront l’objet des délibérations en chambre, sous forme de projets de loi ou autres, exigent de l’opposition officielle une crédibilité substantielle. Compte tenu de son passé, le Parti conservateur pourra facilement faire dévier toute objection apportée par Mme Turmel vers la question de l’unité nationale et de sa loyauté envers le Canada. Tactique facile et cynique, certes, mais sans doute politiquement efficace et typique du Parti conservateur comme nous avons appris à le connaître.

Pour le NPD, c’est un désastre. Il devra choisir maintenant un deuxième chef intérimaire en moins d’un mois, après la nouvelle déjà peu rassurante que Jack Layton, qui a porté son parti aux nues, combat maintenant un deuxième cancer. Le choix d’un deuxième chef intérimaire pose toutes sortes de problèmes, surtout du fait que les poids lourds (Thomas Mulcair, Libby Davies) sont exclus, puisqu’ils sont des candidats présumés à la succession éventuelle de M. Layton. Le parti devra donc retomber sur un autre illustre inconnu…

Évidemment tous ces événements modifient en profondeur la scène politique fédérale. Ils donnent une ouverture inespérée au Parti libéral de renouveler lui-même son leadership et de reprendre éventuellement la place qu’il occupait traditionnellement au Québec et ailleurs au Canada, ce qui lui méritait, plus souvent qu’à son tour, de former le gouvernement. Peut-être que les Québécois feront enfin leur examen de conscience et décideront qu’ils en ont marre de votes de protestation qui les excluent des centres du pouvoir à Ottawa.