La Liberté, journal francophone
Bill Finney, ici avec son petit-fils, Soren Tindall.

Alors que la Province du Manitoba avance dans la construction de son premier canal d’urgence, entre les lacs Saint-Martin et Winnipeg, pour résorber les inondations, des inquiétudes se font entendre.

Camille SÉGUY

Depuis l’annonce par la Province du Manitoba, le 26 juillet dernier, de la construction d’un canal de dérivation d’urgence de sept kilomètres entre les lacs Saint-Martin et Winnipeg, pour faire baisser le niveau d’eau du lac Saint-Martin, les travaux avancent lentement.

« Nous devons terminer la construction du premier canal d’urgence d’ici le 1er novembre pour une efficacité maximale, et on ne sait toujours pas si on y arrivera car la zone est très difficile d’accès pour nos machines, confie le ministre adjoint d’Infrastructure et Transports Manitoba, Doug McNeil. Si on n’a pas fini avant le gel, il faudra attendre que la glace soit complètement formée et capable de supporter les machines, donc ça retardera le processus. »

Pour l’heure, la construction du canal en lui-même n’a pas encore commencé. La Province doit d’abord construire une route d’accès pour les machines, le long du futur canal. Un peu plus d’un kilomètre était fini au moment d’écrire ces lignes.

Inquiétudes

Outre les problèmes d’accès au site de construction et les inquiétudes d’être ralentis par la météo, la Province fait aussi face à des oppositions de la part des groupes résidants dans les zones concernées, notamment les communautés des Premières Nations.

Le Grand chef de l’Association des chefs du Manitoba (ACM), Derek Nepinak, explique en effet que « l’ACM a lancé une campagne d’opposition au nom des chefs du Manitoba car le processus de construction du canal d’urgence ne met pas les peuples au premier plan ».

L’ACM reproche en effet à la Province de ne pas avoir assez réfléchi aux conséquences de la construction d’un tel canal avec les communautés des Premières Nations.

« C’est une situation très complexe qui demandait beaucoup de réflexion, affirme Derek Nepinak. La Province avance trop vite sur le dossier. Les Premières Nations du lac Saint-Martin ont été dépossédées de leurs terres traditionnelles et ils ne pourront certainement plus y revenir car ça pourrait prendre plusieurs années à sécher. Ils auraient dû avoir leur mot à dire car ce sont eux qui font face à la tragédie d’avoir dû quitter leurs terres.

« On pense qu’il existe des alternatives à la construction d’un canal de dérivation d’urgence, poursuit-il, et l’ACM travaille présentement à les établir. »

Par ailleurs, l’ACM est aussi inquiète des conséquences du canal d’urgence sur l’industrie de la pêche, qui est « l’économie principale de la plupart des communautés des Premières Nations », rappelle le Grand chef.

Derek Nepinak a rencontré le premier ministre du Manitoba, Greg Selinger, le 18 août. « C’était une très bonne rencontre et on a posé les bases d’une bonne discussion, mais la construction est déjà commencée donc c’est difficile de revenir en arrière, remarque Derek Nepinak. Les décisions ont déjà été prises.

« L’important maintenant, poursuit-il, c’est que les Premières Nations soient informées de ce qui se passe et écoutées, mais aussi compensées pour avoir été inondées à cause du canal de dérivation autour de Winnipeg. »

Doug McNeil assure pour sa part que la Province « a rencontré les chefs des Premières Nations du Manitoba avant de commencer le projet, ainsi que les autres communautés. On a consulté autant de monde que possible pour expliquer ce qui allait se passer et répondre à leurs inquiétudes, et on continue à le faire, même si on ne peut pas attendre d’avoir fini le processus de consultations pour avancer avec le projet à cause de la situation d’urgence ».

 

Manque d’écoute

C’est d’ailleurs également ce que reproche le Lake Manitoba Flood Rehabilitation Committee (LMFRC), qui rassemble les communautés et les Municipalités rurales inondées autour du lac Manitoba.

« La Province dit qu’elle nous consulte, mais en fait elle ne fait que nous informer de ce qui va se passer, déplore un membre du comité qui vient d’Eddystone dans la Municipalité rurale d’Alonsa, Bill Finney. On ne nous demande pas notre opinion, alors qu’on pourrait être de bonnes ressources locales car on connaît bien la région. Ce n’est pas très respectueux de nos communautés. »

Par ailleurs, si le LMFRC comprend que la Province doive d’abord résoudre le problème d’inondation du lac Saint-Martin avant de s’attaquer à celui du lac Manitoba, car l’inverse ne ferait qu’aggraver la situation au lac Saint-Martin, le comité s’inquiète du sort du lac Manitoba.

« Il y a certainement quelque chose à faire pour le lac Manitoba dès maintenant, estime Bill Finney. Le canal d’urgence du lac Saint-Martin ne suffira pas à drainer les lacs Saint-Martin et Manitoba. On n’a eu aucune nouvelle information depuis le 26 juillet et on aimerait voir quelque chose se passer. On ne veut pas revivre une telle inondation deux fois. »

Doug McNeil répond que la Province a bien pris note des inquiétudes des riverains du lac Manitoba et qu’elle travaille aussi vite que possible, mais que « nous devons d’abord nous assurer du succès du canal de dérivation du lac Saint-Martin avant de pouvoir commencer les travaux sur le lac Manitoba, sinon ce serait catastrophique ».