Les récentes revendications populaires en Tunisie, en Égypte, au Maroc et les guerres civiles ivoirienne et libyenne; la descente dans rues des Sénégalais pour protester contre une éventuelle réélection de l’actuel président Abdoulaye Wade, des Burkinabés protestant contre leur gouvernement…
Tous ces événements, à mon sens, sont des bénédictions pour tous les Africains. Mais, à quel prix?
Bains de sang et des centaines de milliers de vies perdues. Paix à leurs âmes! Tous les Africains doivent comprendre que la démocratie ne s’octroie pas, elle s’acquiert… par les larmes, la lutte, la détermination et malheureusement, souvent, par le sang.
Le jeu en vaut-il donc la chandelle? Malheureusement oui, car c’est le seul moyen pour faire comprendre aux dictateurs que l’heure est à la démocratie et que les richesses nationales et le pouvoir que les dictateurs partageaient en famille, en réalité, appartenaient au peuple. Autrement dit, c’était le seul moyen pour faire comprendre à ces dirigeants que ce pouvoir et ces richesses leur appartenaient de droit.
En 1990 au Sommet France-Afrique de la Baule en France, le président français de l’époque, François Mitterrand, demande aux dirigeants africains d’instaurer le multipartisme dans leurs pays respectifs. C’était l’une des conditions à respecter pour continuer à recevoir l’aide de la France. Mais, d’aucuns croient que les aspirations des peuples africains à la démocratie sont des rêves inutiles, car la démocratie est un luxe que les Africains ne peuvent se payer.
Durant ces mêmes années, 1990, une journaliste française d’Europe 1, Catherine Nay, demandait à l’ancien président français (avant son arrivée au pouvoir) « s’il n’était pas un peu raciste de dénier aux Africains, le droit d’avoir plusieurs partis comme n’importe quel citoyen du monde ». Chirac a répondu que : « C’est que les pays d’Afrique ont une caractéristique, c’est d’être divisés, non pas par l’idéologie. Il n’y a pas d’affrontement idéologique entre Africains dans tel ou tels pays, mais des divisions ethniques. Il y a dans ces pays un très grand nombre de tribus qui ont leurs traditions, qui ont leur culture, qui ont leur histoire et qui se sont toujours battues. Le grand effort des dirigeants modernes de ces pays depuis les indépendances, c’est de rassembler ensemble ces gens, de les faire s’entendre et de réaliser l’unité nationale et l’effort de redressement. […] Vous avez immédiatement un parti par tribu et au lieu d’avoir la démocratie, vous avez l’affrontement et un risque d’anarchie. Il faut tout de même réfléchir avant d’imposer à tous ses certitudes. La démocratie peut revêtir un certain nombre de formes. J’entendais tout à l’heure qu’on avait le choix entre un parti et un autre parti. Cela n’a aucun sens en Afrique où il n’y a pas de clivages idéologiques. »
En d’autres termes, l’Afrique n’est pas mure pour la démocratie, car cette forme de gestion du pouvoir n’est pas adaptée au continent noir. Cet afro-pessimisme qui, malheureusement, continue d’alimenter les débats et d’être l’argument principal des détracteurs du continent doit être relégué aux oubliettes.
Ces manifestations nous montrent que les déclarations du président Chirac sont erronées et la démocratie n’est pas l’apanage du monde occidental. Tout est question de courage et de volonté.
L’année 2011 est le début d’une nouvelle ère, le début de la démocratie que le peuple a payée de son sang. Cette ère sera gravée à jamais dans les mémoires des mères, des pères et des jeunes algériens, tunisiens, ivoiriens, égyptiens et libyens qui ont perdu un fils ou fille, un frère ou une sœur durant les manifestations populaires de ces derniers mois. La leçon à tirer de toutes ces oppositions aux dictateurs africains et qu’on ne devrait jamais oublier est que L’AFRIQUE N’A PAS BESOIN D’HOMMES FORTS, MAIS PLUTÔT D’INSTITUTIONS FORTES.
La responsabilité de la construction et du renforcement des institutions incombe à tous les Africains, y compris ceux de la diaspora.