La Liberté | Chronique de Raymond HebertStephen Harper est premier ministre du Canada depuis 2006, mais c’est seulement depuis qu’il a formé un gouvernement majoritaire le 2 mai 2011 que l’on peut commencer à porter des jugements sur ses intentions réelles et son style de gouvernement.

Jusqu’à maintenant, les résultats sont mixtes. Selon un sondage Nanos mené en octobre 2011, Stephen Harper conserve son avance en tant que chef (37% des Canadiens le jugent le plus compétent), devançant de beaucoup les chefs des autres partis. Sa force est du côté économique, et même l’ancien ministre des finances Paul Martin admet que le ministre actuel Jim Flaherty mène bien son dossier dans cette période où l’incertitude quant à l’avenir de notre économie est généralisée.

Sur d’autres dossiers, par contre, Stephen Harper adopte une ligne dure, répétant constamment qu’il a l’intention d’implanter le programme électoral pour lequel il a été élu. De plus en plus à la Chambre des communes il impose une limite sur les débats et d’ici à la fin de la session on commencera sans doute à parler du déficit démocratique que son gouvernement aura encouru dans sa gestion des affaires du Parlement.

En plus, sur un certains nombre d’importants dossiers spécifiques, le gouvernement Harper a manifesté une atttitude anti-scientifique troublante. Or la science, que ce soit les sciences pures ou les sciences sociales, sont le premier outil de la rationnalité à notre époque, et les gouvernements démocratiques partout depuis un siècle maintenant tentent de développer des politiques et des programmes qui utilisent les données et les analyses les plus récentes, souvent en comparant les approches utilisées dans d’autres pays dans le domaine social et en signalant celles qui ont réussi.

Or M. Harper a démontré à maintes reprises son mépris de la science, surtout dans la formulation des politiques et des programmes sociaux. Les exemples suivants suffiront:

  • Le bill omnibus sur la criminalité présentement débattu en Chambre comprend plusieurs éléments importants qui sont rétrogrades et contre-productifs; ces mesures vont dans le sens de mesures punitives qui vont augmenter la population incarcérée sans qu’il y a de bénéfices démontrés pour la société du côté de la réduction du crime ou de la sécurité du public. La science criminologique ainsi que l’expérience dans d’autres pays ont depuis longtemps discrédité ces approches.
  • L’abolition du registre des fusils d’épaule contredit non seulement la science accumulée sur le sujet mais aussi la logique des autres “réformes” dans la lutte contre le crime initiée par M. Harper et ses acolytes. Les forces policières partout au Canada ont indiqué clairement leur désir que ce registre soit maintenu, puisque, selon eux, il est un outil important dans la lutte contre le crime et un grand nombre de policiers consultent régulièrement ce registre.
  • L’abolition de l’obligation chez tous les Canadiens de remplir le formulaire long du recensement du Canada a été dénoncé par au-delà d’une centaines d’organismes scientifiques et autres (y inclus la Banque du Canada), puisque cette décision va entraîner une dégradation des données cueillies par Statistique Canada. En plus de l’affaiblissement de la validité des données, cette décision plus que toute autre a démontré le mépris qu’apporte M. Harper à l’entrerprise scientifique comme telle.
  • La tentative de fermeture de la clinique Insite à Vancouver, offrant des injections gratuites aux toxicomanes dans un milieu sain et supervisé, a été invalidée par un arrêt récent de la Cour suprême évoquant explicitement le fait que la décision proposée par le gouvernement allait à l’encontre des données scientifiques dans ce domaine, et que la fermeture de la clinique pourrait causer des morts inutiles sans augmenter l’utilisation des drogues illégales dans la communauté.

Le fil conducteur dans toutes ces décisions du gouvernement Harper est son idéologie de droite dure sans égard à la science ni à la raison. Car qui dit idéologie dit valeurs basées sur les instincts, les émotions et certaines formes de religion plutôt que la raison. Il ne serait pas trop exagéré de dire que par ces démarches, M. Harper voudrait nous faire reculer en arrière, nous faire oublir le Siècle des Lumières. Au fait, M. Harper voudrait éteindre certaines de ces lumières et nous retourner à une époque médiévale alors que la superstition et les craintes irrationnelles gouvernaient le comportement humain.