Intervenant du théâtre, le Franco-Manitobain Jean-Marc Lafond a de nombreuses cordes à son arc. Mais pour accéder à cette formation, il a dû partir étudier en anglais.

La Liberté - (MB)
Jean-Marc Lafond, ici dans sa fonction de maquilleur.

Quand il s’agit d’art dramatique, il y a peu de choses que le Franco-Manitobain de 28 ans, Jean-Marc Lafond, n’a pas encore faites. « Je suis concepteur de maquillage et maquilleur, perruquier, concepteur et fabricant de costumes, éclairagiste, charpentier de scène, peintre scénique, metteur en scène, accessoiriste, ou encore comédien », énumère-t-il en faisant signe qu’il en oublie certainement.

« J’aime cette variété de fonctions car chacune a ses propres défis et ses propres petits cadeaux, et chacune apporte un approche différente du personnage, explique-t-il. Je suis aussi passionné par l’une que l’autre. Et puisque je travaille à contrat, je me suis dit pourquoi ne pas travailler dans différents rôles, d’un contrat à l’autre? »

Outre la passion, c’est aussi la nécessité qui l’a forcé à ne pas se spécialiser. « J’ai beaucoup travaillé avec des petites compagnies ayant peu de moyens donc je devais tenir plusieurs chapeaux pour aider la production », raconte-t-il.

Études en anglais

Que ce soit pour l’avant comme pour l’arrière-scène, un regret de Jean-Marc Lafond reste qu’il n’a pas pu apprendre son art en français.

« Quand j’ai fait mon baccalauréat en littérature au Collège universitaire de Saint-Boniface (CUSB), devenu depuis l’Université de Saint-Boniface (USB), on pouvait jouer dans la troupe des Chiens de soleil mais il n’y avait aucune formation en théâtre.

« Le CUSB commençait à parler de mettre sur pied un programme de théâtre, mais rien ne se passait, poursuit-il. Il y avait bien une spécialisation théâtre dans le bac en littérature, mais c’était juste un cours, surtout théorique et littéraire, non pas pratique, et c’était très informel. »

En 2006, il a donc décidé de partir étudier le théâtre à l’Université de Winnipeg, en anglais. « Je ne voulais plus perdre de temps car en théâtre, quand tu vieillis, tu te fermes des rôles, explique-t-il. Mais j’ai commencé par étudier en conception et production. Pour me former en jeu, j’ai d’abord attendu de voir si le CUSB allait offrir un programme en français.

« C’était curieux pour moi d’abandonner le français, confie Jean-Marc Lafond. J’avais vécu toute ma vie en français pendant plus de 20 ans, et là je devais réapprendre toute la terminologie en anglais et me refaire une routine scolaire en anglais. Ce n’était pas facile. De plus, l’approche du théâtre et les références culturelles sont différentes entre les deux cultures. Par exemple, je ne pouvais plus utiliser les Têtes à claques, ça n’avait aucun effet de ce côté-là de la rivière. J’ai dû me mettre dans la peau d’un autre pour communiquer. »

Aujourd’hui, diplômé depuis décembre 2011 d’un bac en arts à l’Université de Winnipeg, spécialité Théâtre et film, Jean-Marc Lafond travaille surtout avec des compagnies manitobaines anglophones, comme le Prairie Theatre Exchange, la Gilbert and Sullivan Society of Winnipeg, ou encore l’Opéra du Manitoba.

« Je travaille plus en anglais qu’en français, mais mon avantage est que je peux offrir des services en français si besoin aux gens dont je m’occupe, souligne-t-il. À l’Opéra par exemple, on reçoit des chanteurs de partout dans le monde et certains sont francophones. Ils aiment vraiment ça que je puisse leur parler en français. »

En attente

Aujourd’hui encore, il n’est pas possible au Manitoba d’étudier en théâtre en français et les jeunes doivent choisir entre rester au Manitoba mais étudier en anglais, ou partir dans l’Est étudier en français.

« Pour ma part, j’ai préféré rester au Manitoba pour une question financière et parce que j’y avais établi mon groupe social, explique-t-il, mais beaucoup décident de partir dans l’Est pour étudier en français. Si ça continue, on risque de perdre nos artistes francophones et donc notre identité culturelle. Comme je ne voulais pas ça et que je pouvais travailler dans les deux langues, ça m’a décidé à rester. »

Le projet de baccalauréat en théâtre est toujours d’actualité à l’USB, mais il est bloqué dans les méandres provinciaux. « L’intérêt est toujours là et on a le soutien artistique et matériel pour le mettre sur pied, mais il nous manque le soutien financier du ministère provincial de l’Éducation postsecondaire », résume le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche de l’USB, Gabor Csepregi.

« Le volet académique du programme, qui sera de quatre ans a déjà été approuvé en août 2010, conclut le doyen de la Faculté des arts et de la Faculté des sciences de l’USB, André Samson, mais on ne peut pas le lancer sans le finan­cement de la Province. Le bac en théâtre est sur notre liste de priorités et on fait demande à la Province chaque fois que c’est possible, c’est-à-dire une fois par an, mais en ce moment la priorité est donnée aux programmes de santé. »