Le premier budget du gouvernement conservateur majoritaire de Stephen Harper est moins austère que prévu. Niki Ashton, Raymond Clément, Philippe Cyrenne, Shelly Glover, Michel Lagacé et Raymond Hébert commentent.

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Stephen Harper

Daniel BAHUAUD Malgré une réduction des dépenses se chiffrant à quelque 5,2 milliards $, le budget fédéral du gouvernement Harper, déposé le 29 mars dernier par le ministre des Finances, Jim Flaherty, s’est avéré moins austère que prévu il y a à peine quelque mois par la majorité des observateurs de la scène politique canadienne.

« La décision d’effectuer des réductions plus modestes que celles qu’envisageait Jim Flaherty en janvier est une réaction à la situation améliorée mais encore précaire de l’économie canadienne, observe le chef du département d’Économie de l’Université de Winnipeg, Philippe Cyrenne. Le déficit projeté de 32 milliards $ se chiffre en réalité à 25 milliards $. Jim Flaherty avait donc une meilleure marge de manœuvre.  »

L’économiste, Raymond Clément, est du même avis. « Le Canada a été moins affecté par la récession mondiale que d’autres pays, rappelle-t-il. Le rapport entre la dette et le PIB aux États-Unis est de 70 %. En Grèce, il se chiffre à 150 %. Mais notre économie est affectée par ce qui se passe ailleurs. La prudence était de mise. »

Le politologue, Raymond Hébert, se dit pour sa part étonné par la retenue du gouvernement conservateur. « On dirait un budget déposé par un gouvernement minoritaire, lance-t-il. Le budget est conservateur, certes, mais de centre-droite.

« Chose certaine, c’est un budget prudent qui, à quelques exceptions près, aurait pu être déposé par des Libéraux, poursuit-il. Le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae, aura beaucoup de mal à attaquer un tel budget. »

Le commentateur politique, Michel Lagacé, est du même avis. « Le grand gagnant est le nouveau chef néodémocrate, Thomas Mulcair, déclare-t-il. Il pourra s’attaquer au budget en jouant sur la question de la justice sociale et de la distribution des richesses avec plus de crédibilité que les Libéraux. »

Points saillants :

Stimuler l’économie

« Nous cherchons à stimuler la croissance économique, lance la députée conservatrice fédérale de Saint-Boniface et secrétaire parlementaire du ministre des finances, Shelly Glover. Or, pour créer des emplois, il faut innover. D’où la somme d’1 milliard $ pour la recherche et le développement.

« Nous avons aussi mis sur pied un nouveau programme d’innovation entrepreneuriale pour l’Ouest canadien, qui sera géré par Diversification économique de l’Ouest, poursuit-elle. Enfin, 44 millions $ ont été accordés à la Commission canadienne du blé pour soutenir sa transition vers un modèle de financement durable. »

L’environnement

Le gouvernement conservateur a assoupli les évaluations environnementales et réduit les contraintes bureaucratiques pour les grands projets , notamment dans le secteurs pétrolier de l’Alberta et minier du Nunavut.

« Il s’agit ni plus, ni moins que le démantèlement du rôle fédéral de l’évaluation de l’environnement, lance Michel Lagacé. On comprend la motivation. Le Canada veut établir de meilleurs rapports commerciaux avec la Chine et l’Asie. Mais à long terme, ces mesures sont dangereuses. »

Prestations de vieillesse

L’éligibilité des Canadiens aux prestations de vieillesse passe de 65 ans à 67 ans. « Les changements démographiques ont motivé la décision, rappelle Philippe Cyrenne. Je trouve ça logique mais les Canadiens aurait dû participer à la discussion sur l’impact du vieillissement de la population. Une Commission royale d’enquête sur la question, suivie d’une consultation publique auraient été de mise. »

La députée néodémocrate de Churchill, Niki Ashton estime que « les personnes riches pourront s’ajuster sans difficulté, mais les pauvres tiendront mal le coup. C’est de l’élitisme. »

Fonction publique

Le budget Flaherty prévoit l’élimination de quelque 19 200 postes dans la fonction publique. « Cette décision a pour but d’augmenter l’efficacité de la fonction publique, affirme Shelly Glover. Une bonne partie de l’élimination des postes se fera par attrition. Et la Directive sur le réaménagement des effectifs aidera les employés congédiés à se trouver de nouveaux emplois. »

« Près de 1 500 postes seront éliminés au Manitoba, rappelle Raymond Clément. L’impact se fera sentir. »

Les arts, la culture et Radio-Canada

« Le budget de la CBC et de la SRC a été réduit de 115 millions $ sur les trois prochaines années, soit 10 % de son financement, dit Michel Lagacé. De plus, le gouvernement a coupé l’Office national du film de 6,7 millions $, Téléfilm Canada de 10,6 millions $ et les versements aux bibliothèques et aux archives de 9,6 millions $. Ce sont là des miettes que le gouvernement cherche à ramasser. La base conservatrice n’estime pas importants les arts et la culture. »

« La CBC est la bête noire de nombreux Conservateurs », lance Raymond Hébert.

Les forces armées

« La grande surprise est la réduction de plus d’1 milliard $ du budget de la défense nationale, déclare Raymond Hébert. Cela semble aller à l’encontre de l’idéologie conservatrice. Le retrait imminent de forces armées canadiennes de l’Afghanistan est un motif possible pour la décision. »