Une décision de la Cour fédérale, qui accorde aux Métis et aux Autochtones non-inscrits le statut légal d’« Indien », leur permettra d’obtenir des services, des programmes et des appuis financiers.

 

LA LIBERTÉ (PRESSE-MANITOBA)
Aimée Craft : « En principe, le nouveau statut légal des Métis et Autochtones non-inscrits oblige le gouvernement fédéral d’assumer une obligation financière à leur égard. »

La Cour fédérale du Canada a jugé, le 8 janvier dernier, que les Métis et les Autochtones vivant hors réserve sont bel et bien des « Indiens » au sens de la loi.

La décision, prise par le juge Michael Phelan, précise que les quelque 600 000 Métis et Autochtones non-inscrits, y compris les 71 800 Métis du Manitoba, sont des « Indiens » au sens de l’expression « Indiens » qui figure au paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Par conséquent, le gouvernement fédéral aura dorénavant la responsabilité de transiger avec les Métis et Autochtones non-inscrits, puisqu’Ottawa est responsable de tous les programmes gouvernementaux touchant les Indiens inscrits ainsi que les Inuits.

En outre, la décision ouvre la porte à la mise en place de programmes et services pour les Métis et les Autochtones non-inscrits dans les domaines de la santé, de l’éducation, ainsi que des droits de chasse et de pêche.

« C’est un grand pas en avant pour les Métis, déclare le président du Ralliement national des Métis, Clément Chartier. Nous avons longtemps compris que la question du statut légal des Métis devait être tranchée par le pouvoir judiciaire. Maintenant que la question a été réglée, nous avons hâte d’entamer nos discussions avec le gouvernement fédéral pour la bonne mise en œuvre de cette décision. »

Même son de cloche chez le président de la Fédération des Métis du Manitoba, David Chartrand. « Nous avons franchi une étape historique, affirme-t-il. Nous pourrons maintenant travailler avec Ottawa pour rediriger les sommes que nous versons en impôts fédéraux afin de mieux répondre aux besoins économiques des Métis. »

Le président de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM), Gabriel Dufault, estime pour sa part que le règlement du juge Michael Phelan est « très positif », tout en admettant qu’il n’est pas certain comment les négociations avanceront dans l’avenir à court terme. « Le gouvernement Harper risque de faire appel à la décision de la Cour fédérale, souligne-t-il. La situation pourrait perdurer pendant encore quelque temps avant que les choses ne débouchent sur des développements concrets. Tout cela est loin d’être fini. »

Il n’empêche que l’UNMSJM compte entamer des négociations avec le Bureau de l’interlocuteur fédéral (BIF) des Métis et des Indiens non-inscrits du ministère des Affaires autochtones, afin de voir quels programmes et services pourraient découler de la décision. « Je rencontrerai prochainement un représentant du BIF pour causer informellement, indique Gabriel Dufault. Cela fait des années que nous avons de bonnes relations avec cette instance gouvernementale.

« Idéalement, nous aimerions des appuis financiers pour nos projets culturels, poursuit-il. Or, tout cela doit se négocier. Et il reste à savoir si Ottawa va accepter que la décision entraîne des responsabilités financières. »

L’optimisme mitigé de Gabriel Dufault est dû au fait que le juge Michael Phelan n’ait pas précisé si le gouvernement fédéral avait une responsabilité financière envers les Métis et les Autochtones non-inscrits. Or, selon l’avocate spécialiste des droits autochtones Aimée Craft, une conclusion affirmative est inévitable.

« De par le fait même qu’on ait accordé le statut d’Indien aux Métis et les non-inscrits, la question a déjà été réglée, affirme-t-elle. La responsabilité financière fait partie de la Loi constitutionnelle de 1867. Quant aux éventuelles négociations entre le fédéral et les organisations métisses, le Droit commun confirme que la consultation est un droit appartenant à tout «Indien». »

La décision de la Cour fédérale met fin, en principe, aux revendications menées depuis 1999 par le Congrès des peuples autochtones (CPA), qui soutenait que le gouvernement fédéral faisait preuve de discrimination à l’égard des Métis et des Autochtones non-inscrits. En 2003, la Cour suprême du Canada a reconnu les droits de chasse des Métis.

« Malgré cette victoire pour les Métis, les grands gagnants de la décision seront les Autochtones non-inscrits, déclare Aimée Craft. Depuis 1867, un bon nombre d’entre eux ont perdu leur statut d’Indien en raison de mariages avec des non-Autochotones, ou encore parce qu’ils étaient militaires, médecins ou autres professionnels. La loi était carrément discriminatoire à leur égard et on les a privés de leurs droits. »

Par Daniel BAHUAUD

 

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