Éditorial par Jean-Pierre Dubé

LA LIBERTÉ DU DU 6 AU 12 FÉVRIER 2013

 

On peut méditer longtemps sur l’affaire du remboursement illégal de six $ en frais de stationnement accordé à un membre du personnel de l’Université de Saint-Boniface (USB), suivant un évènement au bénéfice du premier ministre Selinger. On peut en tirer des conclusions probantes sur le lieu et la durée de l’activité, le choix des invités, la saveur des canapés et la teneur des discours.

Cette entrave à la loi électorale manitobaine fait partie des 22 contributions à trois partis politiques impliquant diverses sommes allant jusqu’à 250 $ pour un total de 3 506 $ entre 2010 et 2011. Pas de quoi faire un blip dans l’indice de corruption du Canada, en 9e place mondialement, le Québec inclus.

La salle des nouvelles de la SRC a fait son travail en vérifiant, deux ans après l’adoption législative, le degré de conformité des institutions financées publiquement. Il se trouve que l’USB est la seule trouvée coupable. Mais l’établissement mérite en partant des points pour sa transparence en mandatant son président d’informer les autorités provinciales et le public tout en adoptant des mesures correctives.

Tout le monde peut se tromper. Si on en était resté là, l’affaire se serait essoufflée comme un pet dans un verre d’eau. L’USB a été mal conseillée, elle changera d’avocat et payera l’amende qui pourrait s’élever à 50 000 $. C’est beaucoup? Le dernier rapport annuel montre des revenus de 21 millions $ en subventions, 3,8 millions $ en frais de scolarité et 1,1 $ de dons.

L’information divulguée sur les affinités politiques derrière les contributions est sans conséquence. Les choix de l’USB sont compatibles avec les tendances électorales des francophones. Il n’est pas étonnant que la caisse néo-démocrate soit mieux nourrie que celle des Conservateurs, avec les Libéraux entre les deux.

Il est attendu qu’une communauté s’attache aux partis qui l’ont le plus soutenue. D’ailleurs, toutes les formations politiques cultivent ces liens sans vergogne. Dans son livre sur les comportements électoraux, The Minority and the Ballot Box (1970), le chercheur Roger Turenne avait montré comment le vote libéral dominait chez les Franco-Manitobains au 20e siècle, même si les Conservateurs s’étaient montrés plus généreux.

C’était sans doute le cas jusqu’à l’arrivée au pouvoir des Néo-démocrates en 1969. Ils avaient rapidement légiféré sur l’enseignement en français, fondé l’Institut pédagogique (l’actuelle Faculté d’éducation) et créé le Bureau de l’éducation française au sein du Ministère. Puis il y a Greg Selinger : c’est un ami ou une connaissance, on l’a vu pendant des années faire l’aller et retour en vélo sur l’axe Provencher/Broadway.

Mais l’USB a cherché un faux-fuyant en précisant que, de toute façon, elle avait remboursé les réclamations à partir de fonds privés non désignés. Vraiment?! On aurait pu se passer de cette information. Surtout en pleine période de financement.

La campagne annuelle lancée en novembre vise la récolte de 600 000 $ pour alimenter en priorité les fonds d’aide aux étudiants. L’an dernier, 322 000 $ de bourses et prix ont été distribués. En 20 ans, le Bureau de développement a recueilli quelque 12 millions $, placés dans une soixantaine de fonds désignés.

La méditation du début prend alors une nouvelle tournure. Depuis quand l’établissement consacre-t-il des fonds à des fins politiques? Le donateur d’allégeance conservatrice, par exemple, passe une nuit difficile à se demander si ses économies ont abouti, l’an dernier ou une décennie passée, dans la tirelire du parti responsable à Ottawa du fameux scandale des commandites.

La tactique destinée à sauver la face devant les gouvernements s’est transformée en sabotage de la levée de fonds. Ce manque de jugement frappe moins le portefeuille du jour que la crédibilité du lendemain. C’est le genre de retombée difficile à mesurer.

Il n’y avait pas au départ de quoi entacher l’image de l’USB. Mais cette administration a semé le doute en s’exposant inutilement. Par quels moyens concrets va-t-elle maintenant rassurer les donateurs? Les étudiants ne méritent pas d’être pénalisés.