Éditorial par Jean-Pierre Dubé

 LA LIBERTÉ DU 20 AU 26 FÉVRIER 2013

On peut dire bien des choses sur la carrière de Benoît XVI. Mais il a peut-être terminé son mandat pour les bonnes raisons, rendant service à l’Église qu’il n’était plus en mesure de conduire. Le pape fait preuve de leadership en mettant les besoins des catholiques au-dessus des siens.

C’est en début de mandat qu’on entend souvent ce discours : Barack Obama veut être le président de tous les Américains, Kathy Wynne de tous les Ontariens et Greg Selinger de tous les Manitobains. Mais pas d’écho semblable à Ottawa.

Le conservateur Stephen Harper dirige un parti voué à transformer le Canada selon un idéal que lui seul définit et qu’il impose. Le premier ministre s’obsède à écarter toute forme d’opposition, à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement.

Selon une récente consultation du Globe & Mail, les Canadiens en ont assez. Interrogés sur comment amender le Parlement pour le rendre plus fonctionnel, les lecteurs n’ont pas autant parlé de structures que du comportement servile des députés. Le message est le suivant : tenez-vous debout, battez-vous pour vos valeurs et mettez-vous au service des électeurs!

On peut espérer que ce cri du cœur se rende à Saint-Boniface. Cinq ans après son élection à Ottawa, la députée conservatrice s’étonne que son parti ne soit pas davantage apprécié.

Shelly Glover s’est scandalisée des activités pro-libérales de l’Université de Saint-Boniface (USB). La militante conservatrice Liza Maheu est allée jusqu’à accuser l’USB et son secrétaire général d’avoir sciemment endossé des contributions illégales et ainsi mis en péril des subventions fédérales. Non seulement celles de l’USB, mais aussi de groupes présidés bénévolement par des personnes à son emploi, comme la Maison des artistes visuels francophones (MDA), dont elle était la directrice générale jusqu’à sa démission fracassante.

Reconnaissons que certains organismes francophones ont manqué de discernement en négligeant l’équilibre politique au sein des administrations. Même après deux gouvernements minoritaires, ils priaient encore pour l’échec des conservateurs. En campagne électorale, bien des officiels affichaient imprudemment des pancartes rouges dans leur parterre. Il ne fallait pas en plus contribuer à la caisse libérale. Mais sont-ils des criminels?

Il n’appartient pas au contribuable d’en juger. L’USB a reconnu l’erreur et se soumet au jugement de la loi, quitte à payer une amende. Rien n’indique que son financement fédéral est remis en cause, pas plus que celui de la MDA.

À moins que ce financement soit contesté en haut lieu. Liza Maheu affirme que le secrétaire général de l’USB est désormais « une cible du gouvernement ». Cela ressemble à de l’intimidation. Ce sont des propos inacceptables qui entachent la députée. Est-ce que Shelly Glover voudrait nuire à ce qui n’est pas bleu à Saint-Boniface? Est-ce qu’il n’y a pas déjà assez de coupures?

Le plus fort dommage dans cette affaire demeure la crédibilité des conservateurs. En quittant son poste avec éclat, Liza Maheu a rendu service à qui? Elle aurait pu continuer son œuvre de promotion des artistes visuels, entamée en 2005 et fortement appréciée du milieu.

Quant à la députée Glover, faut-il lui rappeler les circonstances de son élection? Sans le scandale des commandites qui fit culbuter les libéraux, aurait-elle été élue en 2008? Avec un peu d’humilité, elle pourrait reconnaitre le parfois éphémère et souvent ingrat privilège du service public.

La capitale francophone de l’Ouest a connu de meilleurs jours. Le libéral Raymond Simard a représenté Saint-Boniface avec enthousiasme et loyauté pendant six ans. Son illustre prédécesseur, le regretté Ronald Duhamel, a fait carrière comme sous-ministre au sein d’administrations néo-démocrates et conservatrices. Quand le sénateur libéral a lancé sa collecte annuelle de matériel scolaire pour les enfants, il a distribué des crayons de toutes les couleurs.

La confiance se construit. Il n’est pas trop tard pour se consacrer davantage au service de tous. Les occasions ne manquent pas.