La tisseuse francophile du Manitoba, Carol James, s’est attaquée à un projet d’envergure encore jamais réalisé : reproduire la ceinture de George Washington.

La Liberté - Carol James
Carol James reproduit, pour la première fois de l’histoire, la ceinture de George Washington selon la technique de tissage Sprang.

Tisseuse de ceintures fléchées depuis environ 30 ans, la francophile de Winnipeg, Carol James, s’intéresse depuis plus de dix ans à redécouvrir la technique très ancienne de tissage Sprang qu’on peut retrouver autour des momies égyptiennes, quasiment abandonnée par les pays industrialisés lors de la Révolution industrielle.

Pour parfaire son apprentissage, elle a donc décidé de reproduire la ceinture de George Washington, qui avait été tissée selon cette technique.

« J’ai cherché un exemple de pièce à reproduire en Sprang en Amérique du Nord et je suis tombée sur la ceinture de George Washington, raconte Carol James. J’avais une photo, mais on ne voyait pas les détails des bords. J’ai donc appelé en 2008 le Musée George Washington’s Mount Vernon où elle est exposée, en Virginie, pour en savoir plus, et on m’a dit que ce n’était pas possible de me la sortir car elle était trop fragile.

« C’est là que je me suis dit que ce serait bien de faire une reproduction de cette ceinture qui est très précieuse pour les États-Unis, poursuit-elle. George Washington l’avait reçue de son conseiller, Edward Braddock Jr., quand celui-ci était mourant. Sa ceinture lui venait de son père, Edward Braddock Sr. »

Outre le fait qu’elle ait appartenu à George Washington, cette ceinture est importante, car c’était un signe de pouvoir. De plus, elle était très résistante. « L’histoire dit que quand Edward Braddock Jr. a été blessé à mort, il a été transporté sur sa ceinture, révèle Carol James. Ça montre bien la résistance et l’élasticité des tissus Sprang! »

Long travail

La technique de tissage Sprang a l’avantage de vite donner des résultats car c’est une technique en miroir, c’est-à-dire que pour chaque rang de travail, deux rangs sont tissés, l’un au-dessus et l’autre au-dessous. En effet, les fils restent attachés aux deux bouts donc ils se tressent de part et d’autre.

La ceinture de George Washington n’en demeure pas moins un travail d’envergure pour Carol James, l’un des plus longs qu’elle n’ait jamais réalisés. « Ce travail va représenter environ 400 heures, estime-t-elle. Rien que pour monter la chaîne de tissage et enrouler les fils, ça m’a pris six heures et j’ai marché l’équivalent de deux kilomètres!

« Il y a 1 600 fils de broderie de soie très fins à tresser pour reproduire cette ceinture, précise-t-elle, et tous devaient être exactement de la même longueur et de la même tension. C’était un grand défi! La ceinture va mesurer 13 pieds de long sur 24 pouces de large à la fin, mais je l’ai commencée avec des fils de 15 pieds, car ils vont rapetisser du fait du tissage. »

Elle confie par ailleurs qu’avant même de commencer le travail de tissage, c’était un défi de retrouver, par la teinture, la couleur d’origine de la ceinture de George Washington. C’était aussi des années de préparation pour définir sur du papier quadrillé les patrons des différents motifs, en calculant le nombre de fils requis pour chacun, et les essayer.

« Quand j’ai finalement obtenu l’autorisation du Musée d’aller faire des photos sans flash de la ceinture en septembre 2012, je voulais y aller avec des essais pour pouvoir vérifier sur place que c’était bien ça, comparé à la vraie ceinture, explique-t-elle. J’ai fait beaucoup d’essais avant de me lancer. »

Mais tous ces défis n’ont jamais fait reculer Carol James. « Je ne suis pas intéressée par les petits projets faisables en 15 minutes, assure-t-elle. C’est le défi que j’aime! »

Elle a commencé la teinture de ses 1 600 fils en décembre 2012 après avoir reçu une bourse du Conseil des Arts de Winnipeg pour son projet, puis le tissage en janvier 2013. Elle espère terminer son ouvrage en mai prochain.

« Je veux offrir cette unique reproduction au Musée George Washington’s Mount Vernon, pour qu’ils puissent l’exposer à la vue des gens, conclut Carol James. J’aimerais finir la ceinture en mai, car je suis invitée à une conférence sur les textiles historiques à New York mi-mai 2013. Ce serait l’occasion pour moi d’apporter ma ceinture en Virginie. »
Par Camille HARPER-SÉGUY

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