Avant le renouveau de la fierté métisse des dernières décennies, il y avait le mépris. Edmond Roy s’en souvient, et raconte sans fard, ces années difficiles.

 

Né à Saint-Eustache à une époque où il était de très mauvais aloi d’afficher ses racines métisses, Edmond Roy n’a jamais hésité à se réclamer ce titre, et ce malgré les vives protestations de sa mère. Quelque 80 ans plus tard, le Franco-Manitobain décrit, sans farder la vérité, les difficultés qu’ont connues les Métis dans ses mémoires, intitulées Personne voulait que je sois métis. (1)

La Liberté (Manitoba)
Edmond Roy.

« Je me suis toujours identifié comme étant Métis, lance le résidant de Saint-Boniface. Souvent, c’était presque par entêtement. J’ai toujours aimé l’authenticité. Les gens qui ont peur font tout pour s’effacer. Ils cachent leur passé ou encore refusent de parler leur langue maternelle. À mon avis, c’est aberrant. »

N’empêche qu’avant les années 1980, les Métis étaient, comme le souligne Edmond Roy, « un peuple méprisé ». « Les anglais les voyaient comme un peuple conquis, déclare-t-il. Après 1885, les Métis qui étaient prospères se sont vus enlever leurs armes. Ils ne pouvaient plus faire la chasse au bison. Et lorsque ce gagne-pain a disparu, ceux qui n’ont pas pu s’adapter, en pratiquant l’agriculture, par exemple, ont eu la vie dure.

« Ils étaient devenus marginaux, poursuit-il. Plusieurs familles vivaient comme des nomades, dans des tentes, sans la protection accordée aux «Indiens» dans la Loi constitutionnelle de 1867. J’en ai vus mendier. D’autres ont succombé à la boisson. »

Pour sa part, Edmond Roy a connu une enfance heureuse, d’abord à Saint-Eustache, ensuite à Élie, Brandon et Saint-Pierre-Jolys. « Une vie heureuse, mais pas facile, précise-t-il. Mon grand-père Saint-Germain a été shérif aux États-Unis et agent d’immigration au Canada. Il a également été boucher. Mais après la mort de ma grand-mère, il s’est mis à boire. À 39 ans, il s’est enrôlé dans l’Armée canadienne, pour mourir en 1917 à la Bataille de Vimy.

« Ma mère, Yvonne, s’est trouvée dans un orphelinat, où les autres filles la maltraitaient, poursuit-il. Cette misère teintée de racisme l’a cicatrisée psychologiquement. C’était une survivante, mais elle était incapable de nous donner beaucoup d’affection. Mais nous, ses dix enfants, on s’est beaucoup entraidé. »

En 1940, la famille Roy s’est établie à Saint-Pierre-Jolys, communauté canadienne-française où les Métis étaient mieux acceptés, mais pas par tous. « Maman n’aimait pas que je me dise Métis, se rappelle Edmond Roy. Cela la mettait mal à l’aise. Certains les traitaient de «sauvages». Mais je côtoyais les familles Carrière, Cadotte, Larivière et Vermette, qui étaient des familles métisses. Ces gens là étaient pleins de joie de vivre. J’avais une grande admiration pour leur façon de voir les choses. Sans connaître un mot de michif, j’aimais parler avec leur accent.

« C’est avec eux que j’ai pris connaissance de notre passé, poursuit-il. La mère de mon grand ami, Louis Larivière, était descendante d’André Nault. Son père, Joseph Larivière, avait un drapeau rouge métis. C’était un vrai patriote qui m’a raconté bien des faits qu’on ne trouvait pas, bien sûr, dans les livres d’histoire de ce temps.

« Je suis heureux que les jeunes d’aujourd’hui aient retrouvé leur fierté métisse et récupéré leur passé, conclut-il. Et je suis content que les gens les acceptent davantage. C’est une belle évolution qui est de bon augure pour l’avenir. »

 

(1) Personne voulait que je sois métis sera lancé le 21 avril à 13 h 30 à la Salle paroissiale de l’église Précieux-Sang, au 200, rue Kenny, à Saint-Boniface.

Par Daniel BAHUAUD