Éditorial par Jean-Pierre Dubé

 LA LIBERTÉ du 8 au 14 MAI 2013

 

Qui ne participe pas à la toile des réseaux sociaux se prive inutilement. On trouve à l’occasion des perles rares dans cette vaste étendue de l’inconscience collective. Comme cette fameuse citation de Sir Bernard Shaw : « Les hommes politiques et les couches doivent être changés souvent… et pour les mêmes raisons ».

Les récentes nouvelles sont pleines d’exemples du besoin de changement. Il y a une couche de la société américaine qui peut dormir sur ses deux épingles en sachant que le président ne peut pas être élu pour plus de deux mandats. Cette prescription limitant les dégâts du plus puissant au monde rachète un peu le désastreux système électoral de nos voisins. En ce moment elle procure à des écervelés l’espoir de continuer à faire cadeau de fusils à leurs enfants et petits-enfants.

Chez nous, on est parfois désarmés face aux abus de pouvoir. L’ancien premier ministre Jean Chrétien s’est accroché au bout de dix ans même s’il avait perdu la confiance de son propre caucus. Il s’en est soulagé bien proprement en léguant le scandale des commandites à son successeur en 2003. Paul Martin a rapidement été viré par l’électorat, un peu comme le premier ministre Jean Charest à la veille des travaux de la Commission sur les contrats publics dans la construction au Québec.

Il est difficile de ne pas mentionner les conservateurs fédéraux tellement ça sent mauvais à Ottawa, après sept ans de règne. Le premier ministre ne se contente pas d’intimider ses opposants sur les questions d’environnement et d’économie, il bâillonne ses propres ministres et députés, il discrédite les vérificateurs et autres chiens de garde du Parlement.

Stephen Harper s’est démarqué pour son mépris de la démocratie en imposant l’adoption de deux infâmes lois omnibus de plusieurs centaines de pages. Le grand défenseur de la transparence politique et de la réforme parlementaire qu’il a été dans l’Opposition se taille maintenant une image comme le bully par excellence de la politique canadienne. Et son régime n’est pas terminé.

Frank Mc Kenna a dirigé le Nouveau-Brunswick avec succès de 1987 à 1997. Ce premier ministre a tenu sa promesse de quitter son poste après dix ans. Le nouveau juge en chef du Manitoba, Richard Chartier, a exprimé son intention de diriger la Cour d’appel pendant dix ans. Ce sont des modèles à suivre.

Le gouvernement de Greg Selinger vient d’augmenter la taxe de vente sans suivre la procédure législative qui exige la tenue d’une consultation publique. C’est le comportement d’une administration qui se croit tout permis. Ministre des Finances pendant dix ans, le premier ministre depuis 2009 semble avoir perdu contrôle des dépenses. Les néo-démocrates pourraient profiter d’un petit tour dans l’Opposition pour se nettoyer.

C’est dans ce tableau qu’on apprend le départ dans un an de la rectrice de l’Université de Saint-Boniface (USB). En poste depuis dix ans, Raymonde Gagné ne veut pas tomber dans le piège de son prédécesseur Paul Ruest, qui a quitté en plein scandale administratif après 22 ans de rectorat.

La première femme et 45e à occuper ce poste a passé 30 ans au sein de l’établissement. On peut comprendre son goût de changer d’air. La Franco-Manitobaine a beaucoup accompli en transformant la culture interne par la transparence dans les communications et le partage du pouvoir décisionnel. En annonçant son départ d’avance, elle crée des conditions idéales pour son remplacement.

La seule ombre au tableau demeure la récente affaire de dons de l’USB à des partis politiques. On ne connaît pas encore la position des agences provinciales et fédérales de revenu sur la légalité des 3 506 $ versés au cours des dernières années.

L’arrêt de développement qui frappe les gouvernements, institutions et organismes dominés par des accrocs du pouvoir est un enjeu continuel pour la société. Ce qu’on rêve de faire dans un poste stratégique ou politique, on doit le faire ou non en dix ans. Et partir.