Maître soudeur certifié détenteur du Sceau Rouge de sa profession, Léo Nolette a non seulement dirigé son entreprise de soudage dans son village natal de Sainte-Agathe, il a également réparé de l’équipement minier pour des entreprises en Ontario, voire même en Afrique. Mais il n’avait jamais réparé une cloche, et encore moins un artéfact historique.
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« La cloche de Batoche a été fabriquée en 1884, rappelle le résidant de Cliff Lake, en Ontario. L’airain dont elle est fabriquée a été coulé dans un moule et, lorsque le métal s’est refroidi, la cloche a été travaillée à l’intérieur à la machine. À l’époque, on utilisait environ 20 % d’étain, qu’on alliait au bronze, afin que les cloches aient un bel éclat lorsqu’on les faisait sonner. C’est un alliage difficile à travailler. Et il a fallu que je m’appuie sur toute mon expérience pour réparer sa fente, causée par un incendie en 1931. C’était décidément un défi considérable qui a requis de la précision et beaucoup de patience. »
On se rappellera que la cloche de Batoche, enlevée en mai 1885 par des miliciens canadiens peu après la bataille de Batoche, avait été installée à la caserne de pompiers de Millbrook, en Ontario, communauté d’origine des miliciens en question. En 1931, la cloche a été endommagée par la chaleur lors d’un incendie. En luttant contre les flammes, de l’eau a été versée sur la cloche et, par choc thermique, elle s’est fendue.
Afin qu’elle puisse sonner à nouveau, et selon les désirs de Mgr Albert Thévenot, l’Archevêque de Prince-Albert, la fente devait être réparée.
« J’ai nettoyé la cloche autant que possible, pour éviter la possibilité d’impuretés dans la soudure, explique Léo Nolette. Or, avant même d’entamer une soudure, il a fallu tout d’abord la chauffer à environ 500 degrés Fahrenheit, afin que le métal soit suffisamment chaud pour entamer les travaux. »
Déposée sur un lit isolant sur l’atelier de travail de Léo Nolette, la cloche était enfin prête à se faire réparer.
« J’ai utilisé de la soudure d’argent, qui fond à 680 degrés, explique le maître soudeur. Je me suis servi d’un chalumeau oxyacétylénique pour chauffer la soudure et c’est pour cela que le travail était délicat. Si on chauffe la soudure à une température trop élevée, disons 1 000 degrés, l’airain peut se fendre. Si je ne faisais pas attention, je courais le risque de répéter les conditions qui ont causé le dommage initial lors de l’incendie. »
Léo Nolette a choisi de souder la cloche seulement depuis l’intérieur, avant tout pour ne pas effacer une partie de son histoire, mais aussi pour des raisons techniques.
« Il faut chauffer la soudure d’argent dans la fente, et la faire pénétrer, explique-t-il. La chaleur du chalumeau a permis de faire ouvrir la fente d’un quart de pouce. En même temps, en appliquant la soudure, il faut que la fente rétrécisse pour assurer une adhésion solide et permanente des deux parois.
« Il fallait aller tranquillement, en amenant plus de chaleur vers le rebord de la fente, poursuit-il. C’est du travail délicat et minutieux. Il faut voir la soudure se liquéfier, tout en s’assurant de ne pas brûler l’airain. Il fallait que je modifie constamment ma technique. »
À mesure qu’il avançait, les acides du flux à souder haut de gamme, qu’il appliquait en même temps que la soudure d’argent, enlevaient les dernières impuretés et faisaient en sorte que le métal se colle convenablement.
Une fois la soudure complétée, Léo Nolette a ensuite chauffé la cloche une deuxième fois, à quelque 600 degrés. « C’est ce qu’on appelle le traitement de recuit, qui endurcit le métal, le rendant ainsi moins friable, explique-t-il. Ensuite, il était question de refroidir la cloche, petit à petit, en enlevant de temps à autre son manteau d’isolant. Cette dernière étape a pris environ quatre heures.
« Je suis très conscient du fait qu’il s’agit d’un artéfact unique, poursuit-il. Je ne voulais pas endommager la cloche. Le procédé non invasif auquel j’ai fait appel pour réparer la cloche est réversible. Au besoin, on pourrait éliminer ses traces. »
Son travail achevé, le maître soudeur se dit « privilégié » d’avoir pu réparer cette icône de l’histoire métisse.
« Je ne suis pas de souche métisse, souligne Léo Nolette. Mais notre famille a longtemps côtoyé les Métis et a toujours entretenu de bonnes relations avec ce peuple. C’est pour cela que j’ai insisté que ce travail soit sans frais. J’ai réparé la cloche de Batoche pour tous les Métis. »