La Liberté ÉDITO

Par Jean-Pierre Dubé

@jeanpierre_dube

La Liberté du 24  juillet 2013

Les trousses de transition remises aux membres du Conseil privé suite au remaniement du 15 juillet ne contiendraient pas de surprise pour la nouvelle ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles. Shelly Glover a occupé successivement les fonctions de secrétaire parlementaire aux Langues officielles, des Affaires indiennes et du Nord puis des Finances. En plus, elle a depuis 2008 siégé comme membre associée à 25 comités parlementaires.

La représentante de Saint-Boniface ne lambine pas et son ascension au cabinet n’a rien d’improvisée. On la croyait brûlée avec ses récentes mêlées juridiques : mais la voilà renaissant de ses cendres et son avenir politique assuré. Elle a été récompensée pour sa loyauté par le chef d’orchestre Stephen Harper qui prépare les chaises et les partitions de chacun.

En Chambre, la députée ne brille pas pour son discernement. Elle est parmi les plus combatives à scander les messages partisans. En 2009, elle a voté contre le projet de loi exigeant le bilinguisme des juges de la Cour suprême. Elle a réitéré cette semaine la prédominance de la compétence sur le bilinguisme, venant contredire la pratique dans sa province où l’on nomme des juges bilingues et compétents autant qu’on en veut.

On espérait un assouplissement de ce dogmatisme après la récente adoption à l’unanimité d’une loi rendant obligatoire le bilinguisme chez les officiers du Parlement. Comment expliquer que la responsable des Langues officielles se prononce contre ce qu’elle est mandatée de promouvoir par-dessus tout? C’est un mauvais départ.

Les trousses de transition contiendraient une liste d’ennemis glanée à la demande du Bureau du premier ministre : des fonctionnaires, syndicats et groupes de pression. Et des établissements? La députée s’était scandalisée de la participation de l’Université de Saint-Boniface aux évènements partisans de ses adversaires et des menaces avaient circulé quant à l’aide fédérale à venir. La communauté francophone a exprimé clairement sa loyauté en contribuant à la levée de fonds annuelle presque 50 % de plus que l’objectif visé.

Dans le cas de La Liberté, Shelly Glover a fait connaître son irritation de déceler dans l’hebdo un reflet récurrent de l’impopularité de son gouvernement. Mais quand est survenue d’Ottawa la coupure massive affectant le journal, la députée a elle-même dans une lettre sommé le ministre du Patrimoine de revenir sur sa décision.

Le dossier étant demeuré en suspens, la sénatrice Maria Chaput s’est empressée de rappeler à la nouvelle ministre qu’il lui incombe maintenant de trancher. Ce serait la cerise sur le sundae des 17 millions $ en quatre ans que la députée dit avoir livrés pour la francophonie manitobaine et détaillés dans une lettre au journal en mars dernier.

Ces tensions s’expliquent : les francophones sont minoritaires dans Saint-Boniface au municipal, provincial et fédéral. Ils se sont attachés à des formations selon certaines affinités en négligeant de tisser des liens fonctionnels avec d’autres. Même le Québec connaît actuellement une importante perte de poids politique. Il n’y a pas de champion de la Francophonie au gouvernement.

Pourtant, durant le règne du conservateur Brian Mulroney, le Québec et les minorités francophones avaient progressé. Avec Lucien Bouchard au Patrimoine canadien, on avait notamment assuré le déploiement pancanadien de la gestion des écoles françaises. À Saint-Boniface, le député Léo Duguay avait trouvé une place dans l’Establishment francophone et assuré une continuité. Il serait un habile conseiller dans les circonstances.

Que peut-on attendre de la nouvelle ministre? Le remaniement est avant tout une manœuvre électorale à deux ans du prochain scrutin. Elle va exécuter la grande stratégie pour le Manitoba.

Mère de cinq enfants, Métisse et francophone, l’ex-constable a mené dans sa carrière des enquêtes sur des victimes d’agression sexuelle et participé à combattre des gangs de rue. L’intention de la première policière de l’histoire au Parlement canadien était de réformer le code criminel. C’est une femme engagée. Jusqu’à présent, elle a surtout fait preuve d’une loyauté farouche.

Shelly Glover sera-t-elle simple figurante ou figure de proue? Les Langues officielles ont besoin d’un appui sans équivoque au Parlement et dans son comté. Espérons du leadership de sa part et souhaitons-lui tout le succès nécessaire.