Début de la 66e saison de l’Orchestre symphonique de Winnipeg

 

Le pianiste canadien André Laplante
Le pianiste canadien André Laplante.

Le pianiste canadien André Laplante a ouvert la 66e saison de l’Orchestre symphonique de Winnipeg avec une interprétation mémorable du Concerto no 3 de Rachmaninov, le 21 septembre 2013.

Le Concerto pour piano no 3 de Rachmaninov est une oeuvre majeure du répertoire, réputée pour sa grande beauté et son extrême difficulté. André Laplante est un maître du piano qui, à l’aube de ses 64 ans, n’a rien perdu de son exceptionnelle virtuosité. C’est l’interprétation de ce concerto qui lui a mérité la deuxième place au Concours international Tchaïkosvki en 1978 et qui a lancé sa carrière internationale. André Laplante a parlé de ce concerto dans une entrevue parue dans La Scena Musicale en 2001, à l’occasion d’un concert avec l’Orchestre Métropolitain de Montréal.

« C’est une œuvre que j’aime particulièrement et que j’ai souvent eu l’occasion d’interpréter partout dans le monde avec plusieurs orchestres différents. Le concept que j’ai de l’œuvre est très clair, les problèmes pianistiques ont été maîtrisés, ce qui me permettra d’ajouter un peu d’improvisation dans ce que je ferai. C’est un concerto qui prend du temps à digérer parce qu’il faut l’approcher musicalement. J’aspire à une grande liberté qui aidera la technique. Après tout, la technique, ce n’est pas de jouer plus vite et plus fort mais d’entendre ce qu’on veut faire et d’être capable de l’appliquer. Il faut savoir se concentrer sur les choses essentielles, par exemple jouer avec tout le corps et comprendre où l’énergie disparaît. »

Laplante interprète ce concerto qualifié “l’Éverest des pianistes” comme s’il traversait une belle vallée. La musicalité extraordinaire de son jeu nous fait vite oublier les considérations techniques. Ce que nous entendons est d’une grande beauté, empreint de romantisme et de délicatesse dans les passages lyriques, fluide dans les sections rapides, puissant mais sans brutalité dans les mesures fortissimo. L’interprétation ne sent pas le réchauffé, même après avoir joué l’oeuvre à répétition depuis 35 ou 40 ans. Laplante aime cette oeuvre, un amour qu’il réussit à communiquer à l’orchestre pour nous la faire aimer. Après avoir joué avec tant d’orchestres et de chefs, il sait l’importance de demeurer en communication avec le chef et attentif à ce qui se passe à l’orchestre. Son dialogue avec l’orchestre au troisième mouvement, plein de tendresse et d’attention, en a donné le plus bel exemple.

Les musiciens de l’orchestre ont joué de façon remarquable, avec engagement et beaucoup d’intensité. On les sentait en harmonie d’intention et d’expression avec le soliste. Alexander Mickelthwate a assuré une direction efficace, contrôlant bien le rythme et l’équilibre sonore et laissant les musiciens s’exprimer librement. Le piano a cependant été étouffé par l’orchestre pendant quelques mesures dans les fortissimos,  sans doute à cause des problèmes d’acoustique de la salle que Mickelthwate n’a pas encore réussi à résoudre. Mais cela n’a pas affecté la qualité globale de l’exécution, qui méritait la longue ovation que lui a donnée l’auditoire.

Mickelthwate a mis au programme, en deuxième partie, la suite symphonique Les Planères de Gustav Holst. C’est une oeuvre très populaire, connue surtout pour son orchestration flamboyante et ses mélodies mémorables, dont certaines ont été reprises pour des musiques de films, entre autres La Guerre des étoiles. C’est un pièce d’une cinquantaine de minutes qui figure généralement comme oeuvre principale d’un programme.

Mickelthwate dirige à merveille ce genre de musique et a donné une excellente interprétation des six premiers mouvements. Mais il n’a pas réussi à créer l’ambiance mystérieuse et éthérée du dernier mouvement, dont le titre est Neptune, la mystique. Dans ce mouvement s’ajoutent des voix féminines en double choeur, distantes et immatérielles, comme des sirènes cherchant à nous séduire pour nous entraîner avec elles dans le vide sidéral sur les dernières notes du mouvement. Le Choeur de femmes de l’Université du Manitoba a chanté derrière le mur de scène et le son ne voyageait pas bien dans la salle. Mickelthwate n’est pas parvenu à établir un équilibre sonore qui mette en valeur l’atmosphère et les riches couleurs de ce dernier mouvement, qui semblait interminable après une soirée qui s’est prolongée bien au delà de la durée habituelle d’un concert.

La soirée avait en effet débuté par une trop longue exhortation publicitaire pour la vente d’abonnements et la sollicitation d’appui financier à l’orchestre par Timothy Burt, président du conseil d’administration et Trudy Schroeder, directrice générale. Après le substantiel concerto de Rachmaninov, d’une durée de 45 minutes, une pièce plus courte et plus légère, comme un suave dessert à la fin d’un bon repas, aurait mieux convenu en complément de programme.

 

 

Orchestre symphonique de Winnipeg
Salle de concert du Centenaire, Winnipeg, le 21 septembre 2013
Alexander Mickelthwate, chef
André Laplante, piano
University of Manitoba Women’s Chorus, Elroy Friesen, chef

Concerto pour piano no. 3 en ré mineur, Op. 30       Sergueï Rachmaninov
Les Planètes, op. 32, suite symphonique                     Gustav Holst