Lors d’un séjour à l’Hôpital de Saint-Boniface, une patiente a eu la désagréable surprise de se voir proposer un manuel d’utilisation d’un cathéter disponible uniquement en anglais.
Au cours du mois d’août, Régine Ings-Geiger s’est rendue à l’Hôpital de Saint-Boniface. Cette résidante de Thompson a dû subir une intervention chirurgicale et avait fait le choix de se déplacer sur une aussi longue distance afin d’être servie en français.
Alors qu’elle allait partir pour rentrer chez elle, elle a appris qu’elle devait garder un cathéter avec elle. « Cela m’a déjà un peu agacé parce qu’on ne m’avait pas prévenue avant que je devrais conserver un cathéter pendant une semaine », explique-t-elle. Le personnel de l’hôpital lui a expliqué comment l’enlever et lui a donné un manuel. Problème, celui-ci n’était disponible qu’en anglais. « Lorsque j’ai demandé pourquoi, on m’a répondu que je n’étais ni en France, ni à Montréal », s’insurge Régine Ings-Geiger.
Pourtant, elle refuse de repartir avec le cathéter et un manuel uniquement en anglais. Elle l’a donc enlevé et a signé une décharge. « Ça m’a choqué qu’on n’ait pas pu me servir en français, peste Régine Ings-Geiger. On pourrait le comprendre d’un autre hôpital, mais pas de la part de celui de Saint-Boniface. »
Souvent considéré par la communauté francophone comme étant « son » hôpital, l’établissement de Saint-Boniface est désigné bilingue : cela signifie qu’il offre ses services en anglais et en français. « Nous devons notamment offrir des services en français de façon active aux patients », précise sa chargée de communication, Hélène Vrignon. Dans les faits, cela se traduit par du personnel bilingue qui est identifié, la correspondance avec les patients qui peut être faite dans les deux langues ou encore le matériel d’éducation et d’information disponible en anglais et en français.
| Des centaines de documents
Cette obligation d’offrir des services dans les deux langues officielles imposent des exigences assez élevées. Lorsque l’hôpital se procure, par exemple, du matériel en-dehors de l’établissement, il demande au fournisseur si l’information s’y rapportant est disponible en français et en anglais. Si ce n’est pas le cas, un système de priorité est établi pour faire traduire les documents selon la fréquence d’utilisation du matériel. En clair, plus c’est utilisé, plus c’est traduit vite.
« Avec l’accumulation de matériel ces dernières années, nous avons un peu de mal à suivre, reconnaît Hélène Vrignon. Un délai de deux ou trois mois peut s’écouler entre le moment où un ustensile est acquis et celui où sa documentation sera traduite. » Outre l’achat de nouveaux instruments, s’ajoutent toutes les modifications apportées par les constructeurs dans leur mode d’emploi et qu’il faut, même pour un changement minime, entièrement retraduire. Chaque mot a un prix compris entre 20 et 25 centimes, mais « il n’y a aucun problème de coûts, nous avons les budgets pour ça », insiste Hélène Vrignon.
En réalité, c’est un défi permanent auquel fait face la direction de l’établissement. Avec près de 4 000 employés et de nombreux roulements, la formation du personnel est continue. « Il faut sans cesse sensibiliser les médecins, les infirmières, insiste la chargée de communication. Notre politique est que le patient doit recevoir le matériel dans les deux langues. »
| Cas rare
À l’heure actuelle, plus de 300 documents issus uniquement de la production interne de l’hôpital sont en circulation et traduits. À cela s’ajoute une vingtaine de nouveaux par an, ainsi que 1 400 qui viennent de l’extérieur de l’établissement. En temps normal, un document qui doit partir avec un patient doit lui être fourni dans la langue officielle qu’il demande. « Les besoins doivent être identifiés lors de la première rencontre, décrit Hélène Vrignon. On peut aussi faire appel à des interprètes si besoin. »
Dans le cas de Régine Ings-Geiger, « elle aurait dû pouvoir recevoir le document en français », reconnaît la chargée de communication de l’hôpital. Il est impossible, selon l’hôpital, de quantifier le nombre de personnes quittant l’établissement avec un cathéter, « mais, en général, c’est assez rare », indique la coordonnatrice des services en langue française de l’hôpital, Nicole Cazemayor. « Tout dépend de la chirurgie, la procédure et du patient. »¸
À la suite d’une enquête interne, il se trouve que le document en question était une pièce informelle qui n’était pas encore passée par le processus de traduction et qui n’aurait donc pas dû être en circulation, selon les explications de Nicole Cazemayor.
Reste que les incidents de ce genre, qui sont tous consignés, sont assez rares à l’Hôpital de Saint-Boniface. Selon un décompte interne, il y en aurait eu un à deux par an sur les cinq dernières années.