Anne Manson, chef.
Anne Manson a l’art de soutenir l’intérêt des musiciens et de l’auditoire.

Soirée symphonique au Manitoba Chamber Orchestra

Pour son deuxième concert de la saison, le 22 octobre 2013, le Manitoba Chamber Orchestra a présenté un programme symphonique centré sur la fin du18e siècle, alors que Beethoven prenait le relais de Haydn pour faire entrer la musique viennoise dans le romantisme.

Au 18e siècle, les symphonies étaient considérées comme des “ouvertures”, jouées en début de concert pour divertir l’auditoire avant le programme principal qui mettait généralement en vedette des instrumentistes virtuoses ou des chanteurs. Les compositeurs devaient rigoureusement respecter les formes traditionnelles, la musique instrumentale n’étant pas encore considérée comme un moyen d’expression personnelle. Cependant, le développement des instruments et des orchestres a élargi et enrichi le matériau avec lequel les compositeurs pouvaient travailler, libérant progressivement leurs capacités créatrices du formalisme de l’époque. Haydn est considéré comme le “père” de la symphonie, de la sonate et du quatuor. Né en 1732, une solide formation musicale dès l’enfance, une créativité exceptionnelle et une longue vie lui ont permis de faire évoluer la musique instrumentale classique viennoise du baroque aux débuts du romantisme. Il en a établi l’équilibre formel et sonore dont Beethoven s’appropriera plus tard pour porter la musique classique allemande à son apothéose.

Le MCO a d’abord joué la Symphonie nº 103 en mi bémol majeur, « Roulement de timbale » de Joseph Hayden. Composée en 1795, elle est appelée ainsi parce qu’elle débute par un roulement de timbale. Haydn fut le plus prolifique des compositeurs allemands du 18e siècle. Au service la famille des princes Esterházy pendant plus de trente ans, il a bénéficié de conditions idéales pour réaliser son oeuvre. En 1790, après la mort du prince Nicolas Ier Esterházy, Haydn se voit soulagé d’une partie de ses obligations, mais non de son salaire, par le successeur du prince, son fils Anton, qui n’a pas le même intérêt que son père pour la musique. Cela donne plus de liberté à Haydn pour accepter d’autres engagements et exprimer sa créativité. Il accepte un contrat pour des séries annuelles de concerts à Londres pour lesquels il composera, en quatre ans, les 12 symphonies dites londoniennes, considérées comme ses plus belles. La 103e est l’avant-dernière de cette série et de son oeuvre symphonique.

Anne Manson a d’abord donné des explications très intéressantes sur la symphonie, en faisant jouer quelques extraits par l’orchestre pour attirer l’attention sur certaines particularités de l’oeuvre pour les comparer plus tard celle de Beethoven. Oeuvre de divertissement comme elle se devait, elle est beaucoup plus raffinée et substantielle que celles composées précédemment. Anne Manson a dirigé une excellente exécution, assurant une exposition claire des thèmes et de beaux phrasés. L’écoute est très agréable,  l’orchestre de 35 musiciens sonnant merveilleusement bien dans l’église Westminster. Karl Stobbe a exécuté avec brio le solo de violon du deuxième mouvement.

En octobre 1792, Beethoven, alors âgé de 22 ans, se laissa convaincre de se rendre au palais des Esterházy comme “élève” de Haydn. La relation entre les deux compositeurs fut difficile, Haydn étant davantage préoccupé par la composition de ses symphonies pour les concerts de Londres que par l’enseignement, et Beethoven se demandant peut-être ce que Haydn pourrait lui apprendre qu’il ne savait déjà. Beethoven admirait malgré tout Haydn et il hésitait à composer des quatuors ou une symphonie, doutant de pouvoir faire aussi bien que celui qui était considéré comme le plus grand compositeur de cette époque. Ce n’est qu’en 1800 que Beethoven composa la Symphonie no 1 en ut majeur, op. 21.

Anne Manson a de nouveau pris le micro pour donner des explications pertinentes sur l’oeuvre, en illustrant son propos de quelques extraits musicaux. La Symphonie no 1 est de facture très classique. On y sent l’influence de Haydn et de Mozart mais Beethoven donne déjà libre cours à son esprit libre et novateur, se permettant quelques écarts par rapport à la tradition. L’entrée en matière est plus directe, il ajoute de la couleur au son en utilisant davantage les cuivres et augmente l’intensité dramatique de certains crescendos en remplaçant les accords conventionnels par des octaves. Cette symphonie demeure une oeuvre de divertissement, mais on perçoit que Beethoven est sur le point d’exprimer une pensée personnelle qui révolutionnera la musique. L’exécution fut de la même qualité que celle de la première partie. Anne Manson a l’art de soutenir l’intérêt des musiciens et de l’auditoire. Ce fut une très belle soirée musicale, intéressante, instructive et divertissante.

 

 

Winnipeg Chamber Orchestra
Anne Manson, chef
Westminster United Church, Winnipeg
Le 22 octobre 2013

Symphonie nº 103 en mi bémol majeur, « Roulement de timbale » Joseph Hayden

Symphonie no 1 en ut majeur, op. 21 Ludwig van Beethoven